Solennité de l’Annonciation

vendredi 25 mars 2022

Par le père Ludovic Frère, recteur

Nous sommes tous des « chapelles de Bon Rencontre »

Je salue sa présence parmi nous, car nous lui devons beaucoup, et c’est aujourd’hui sa fête. En espérant ne pas la vexer, j’ose dire qu’elle n’est plus toute jeune… mais elle est toujours restée fidèle à sa mission. Merci de saluer avec moi… la chapelle de Bon Rencontre !

« Bon Rencontre »… entendez par-là : la bonne et belle rencontre entre la Vierge Marie et l’archange Gabriel. La chapelle des apparitions du Laus est dédiée au mystère de l’Annonciation ; c’est donc bien aujourd’hui sa fête.

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L’histoire du Laus ne raconte pas pourquoi on a dédiée cette chapelle à ce mystère. On sait juste qu’elle a été construite quelques d’années avant la naissance de Benoîte, en vue de pouvoir baptiser au plus vite les nouveaux-nés.

C’est donc d’abord une chapelle baptismale, rappelant que la « Bonne Rencontre » la plus importante, c’est la rencontre de l’être humain pécheur avec son Sauveur !

Rencontre baptismale qui rend fils et filles du Père, dans l’Esprit, en libérant du péché originel, en donnant la vie surnaturelle et en nous unissant en un seul Corps. Rencontre pour vivre de l’Esprit de celui que l’ange Gabriel appelle « Fils du Très Haut », nous rejoignant dans nos très-bas.

Les quelques kilomètres séparant le hameau des lieux de cultes existants étaient déjà trop pour des mères venant d’enfanter comme pour leurs enfants fragiles. Il fallait donc une chapelle toute proche pour baptiser sans tarder les nouveaux-nés.

Comme quoi, à l’époque, on était fermement décidé à tout faire pour que les petits-enfants soient baptisés au plus vite. De nos jours où le baptême est souvent vu comme une option que l’on peut différer à jamais, la chapelle de Bon Rencontre est là pour nous rappeler ces paroles claires du Christ : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Le baptême est vital pour être pleinement au Christ !

En ce jour de fête de Bon Rencontre, rendons grâce d’avoir été baptisés ; c’est une chance, une force, un don incommensurables ! Prions pour ceux qui s’y préparent : les catéchumènes et les enfants qui viennent de naître. Prions aussi de tout cœur pour la foule de ceux qui ignorent l’importance d’être baptisés ou qui n’ont pas conscience de la grâce de l’avoir été.

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Destinée à baptiser de tout-petits bébés risquant de mourir, cette chapelle nous rappelle aussi la fragilité de la vie humaine. Nous nous savons fragiles, dans nos corps, nos esprits et nos relations ; tellement fragiles que nous ne pouvons jamais trouver notre solidité ni en nous-mêmes ni dans aucune réalité terrestre.

L’archange Gabriel révèle alors du Fils du Très Haut : « il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » « Pour toujours », « sans fin » : notre finitude trouve dans le Christ une ouverture éternelle.

La chapelle de Bon Rencontre est donc là comme une porte ouverte sur le Ciel, à l’instar de ce que Benoîte y a vécu pendant les 54 années d’apparitions : une ouverture vers le Ciel, qui rend la vie sur Terre plus solide et qui aide à la voir comme un tremplin vers la Vie éternelle.

Alors, en ce jour où la Vierge Marie répond à l’archange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta Parole », décidons-nous encore, comme elle, à nous appuyer sur la solidité des promesses divines. C’est là notre espérance, plus forte que toutes nos fragilités !

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Fragilité pourtant, qui reste celle de notre fidélité. On sait que la chapelle de Bon Rencontre a été vite négligée. Elle est devenue bien sale, poussiéreuse et même difficile à trouver dans le hameau, au point que la Belle Dame a dû dire à Benoîte de se laisser guider par une bonne odeur pour y parvenir.

C’est en effet grâce aux effluves d’un parfum que la bergère arrive ici le 30 septembre 1664 ; et dès qu’elle entre dans la chapelle, elle se désole de l’état de ce lieu.

Ne sommes-nous pas tous un peu tous comme la chapelle de Bon Rencontre ? Destinés à magnifier le mystère du baptême, nous risquons pourtant de nous encrasser avec le temps ; nous encrasser dans le péché, les habitudes et la paresse.

Qu’il est alors précieux que la Vierge Marie nous visite, comme elle l’a fait ici avec Benoîte ! Elle nous visite pour nous conduire à la conversion et nous faire retrouver dans la confession la beauté première de notre baptême.

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Mais cette beauté, nous ne pouvons pas l’entretenir par nos seules forces. Et voilà que, dans cette chapelle de Bon Rencontre, la Vierge Marie montre à Benoîte la lampe à huile, éclairant la présence réelle de son Divin Fils dans l’Eucharistie ;

avec cette promesse de guérison par application de l’huile, en tant qu’elle est huile qui se consume pour éclairer la présence du Christ au tabernacle.

En fêtant la chapelle de Bon Rencontre, on magnifie donc nécessairement le mystère de l’Eucharistie, cette nourriture céleste qui entretient en nous la Vie divine.

Et l’ on s’émerveille de l’événement grandiose qui se produit à chaque messe, un événement aussi réel et puissant que celui vécu par la jeune Marie après l’annonce angélique : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Au moment de communier, nous sommes comme Marie : saisis par l’Esprit Saint, nous devenons des tabernacles de la Présence du Christ !

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Ainsi, cette bonne vieille chapelle de Bon Rencontre nous fait plonger dans le grand mystère de notre vie sur Terre : réalité de notre fragilité, merveille du baptême, nécessité de la conversion, nourriture de l’Eucharistie.

Elle nous parle de tout cela, cette chapelle de l’Annonciation. Elle nous l’annonce, pour nous aider à nous en émerveiller encore ; et pour soigner ce trésor à vivre dans les vases d’argiles que nous sommes.

En cette fête de la chapelle des apparitions, soyons tous comme elle. Même si l’on n’a pu s’empêcher d’y ajouter avec le temps des décorations pas très utiles, cette chapelle reste sans goût des grandeurs, mais porteuse d’un immense mystère pour favoriser la rencontre.

N’est-ce pas ce que nous devons être nous aussi, à la suite de Marie et en Marie ? Sans goût des grandeurs, reconnaître que nous sommes porteurs d’un mystère, favorisant la rencontre : c’est notre vocation baptismale ; c’est donc aussi l’essentiel de notre chemin de Carême.

Amen.