Fête de la Sainte Famille

dimanche 26 décembre 2021

Par le père Brice-Miguel Mekena Mekongo, vice-recteur

Bien-aimés du Seigneur, le dimanche qui suit Noël est appelée dimanche de la Sainte Famille, la famille de Jésus, Marie et Joseph. Nous sommes-nous déjà posés la question pourquoi à Noël la famille est au centre ? La famille n’est pas un simple accessoire de la fête de Noël, parce qu’elle est partie intégrante de l’Incarnation. Dieu a choisi une famille pour naître et la famille est le lieu de sa manifestation. Elle fait partie de son mystère. En s’incarnant dans la chair de Marie, Dieu a choisi la chair de sa famille.

Et l’évangile que la liturgie nous propose en cette fête nous fait entrer dans le mystère de la famille, pour nous délivrer des enseignements précieux pour nos familles aujourd’hui. A la lecture de ce texte, deux éléments ont tout de suite attiré mon attention. Il y a d’abord le fait que les noms de Marie et Joseph n’y sont pas mentionnés. L’évangéliste Luc évoque ses parents, son père, sa mère. Ainsi tous les parents ici présents peuvent et doivent s’y identifier, parce qu’ils incarnent la réalité qui y est sous-entendue, c’est-à-dire tous ceux et toutes celles qui ont reçu du Seigneur la mission délicate de la croissance des enfants.

La 2ème chose qui a saisi mon attention est cette question de Jésus à ses parents et donc aux parents : « Pourquoi me cherchiez-vous ? ». Ce sont là les 1ères paroles que Jésus prononce dans l’évangile de Luc. Elles ont donc une importance particulière. « Pourquoi me cherchiez-vous ? ». Je dois vous avouer que cette question m’a rappelé une discussion que j’ai eue avec un membre de ma famille il y a quelques semaines. Il me soumettait sa décision de vouloir rendre sa famille plus grande, l’agrandir quantitativement et la rendre plus prospère, en prenant d’autres épouses qui lui ferait encore plus d’enfants (la polygamie étant permise par la loi civile de mon pays) ; et même si c’est pas évangélique, il estimait qu’il était en accord avec sa foi et en paix avec son Jésus. Et il m’est venu de lui demander pourquoi est-ce qu’il cherchait Jésus.

Aujourd’hui, en Afrique comme en France et ailleurs, il y a des chrétiens qui, contre la logique de l’Évangile, nourrissent des projets de fondation de famille, ou qui encouragent d’autres dans de tels projets, convaincus que Jésus est avec eux sur ce chemin. Cette question qu’il pose à des parents qui croyaient l’avoir encore comme compagnon de route alors qu’ils l’avaient perdu, est une invitation à nous demander si nous ne cherchons pas Jésus pour le capturer et et le conduire sur nos chemins qui ne sont pas les siens, pour le convaincre que ce que nous faisons est bien. Alors, attention ! Nous pouvons être déçus et ne pas le trouver à nos cotés sur certains chemins que nous empruntons ; d’où l’importance de garder le cœur toujours ouvert à la nouveauté de l’Évangile comme le font Marie et Joseph qui consentent à devenir disciples de Jésus.

Si certains projets familiaux ne sont pas évangéliques, ne nourrissons pas l’illusion de croire qu’un type de famille serait parfait. Il est vrai que certaines situations de vie donnent parfois lieu à des expériences familiales qui affectent négativement les membres : l’absence de la figure paternelle ou maternelle, le décès d’un ou de plusieurs de la famille, le divorce, la difficile conciliation entre la parentalité et la vie professionnel, la misère, les conflits de successions qui rendent des frères et sœurs ennemis, etc. Mais il ne s’agit pas de renoncer à sa famille parce qu’elle ne serait pas parfaite.

La sainteté de la famille de Jésus, Marie et Joseph, qui nous est présentée en cette fête comme, modèle et point de référence ne réside pas dans le fait qu’elle soit une famille parfaite, sans ses difficultés, toujours unie autour d'une table dans la douceur des relations entre époux, entre parents et enfant. Le vrai père de Jésus n'est pas Joseph et la chose est maintenue cachée ; le couple a failli se séparer alors qu’ils n’étaient encore qu’aux portes du mariage ; le fils est né dans un état de pauvreté et de danger, et la famille est rapidement devenue hors-la-loi et réfugiée ; le fils reste à Jérusalem sans le dire à ses parents ; et ceux-ci, c’est après une journée de marche qu’ils se rendent compte que leur fils de 12 ans ne les suit pas dans la caravane. Et que fait le fils quand les parents le trouvent ? Il les reprend en public.

La sainte famille de Nazareth n’est pas une famille sans limites ; voilà pourquoi elle est un modèle pour toute vie familiale quelque-soit le lieu, le temps et le contexte ; y compris la vie familiale religieuse et paroissiale. Malgré toutes les limites de son expérience, elle s’est toujours fiée à Dieu, confiante que, quoi qu'il arrive, c’est dans ses promesses que réside le véritable avenir de leur vie de couple et de famille ; elle n’hésite pas alors quand il le faut à s’arrêter, à se convertir, à changer de direction, si cela conduit à grandir spirituellement et à créer encore plus d'harmonie pour tous. Elle est une inspiration pour les familles déchirées dont les membres ne se comprennent pas.  Chaque personne, même s’il est notre enfant, est un projet qui dérive de l’identité avec laquelle Dieu seul le connaît. C’est le sens du « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? ». On peut ne pas vraiment comprendre ce projet. Cependant, Jésus, Marie et Joseph nous disent que même si on ne peut pas toujours comprendre son conjoint, sa fille, son fils, sa sœur, son frère, son père, sa mère, son papi, sa mamie, on peut toujours la/le prendre dans ses bras.

La famille de Nazareth est aussi espérance pour toutes nos familles retenues captives dans les filets de Mammon, le démon de la possession matérielle, ou d’Asmodée, comme démon de la luxure, et qui font l’expérience terrible de l’absence de Jésus. L’Évangile nous dit que c’est au bout de trois jours que les parents trouvèrent Jésus. L’allusion aux trois jours nous rappelle bien les trois jours entre la Croix et la Résurrection : Période de souffrance et d’obscurité. Mais Jésus est retrouvé, Jésus est vivant. Aux membres de telles familles qui vivent douloureusement cet état de choses, je voudrais vous dire de ne pas désespérer, de ne pas vous fermer, il est possible de trouver Dieu dans chaque situation de vie, même dans celles les plus ténébreuses.

Poursuivons notre eucharistie en demandant au Seigneur de répandre sur nos familles les grâces qui ont permis à la famille de Nazareth de Lui rester fidèle et de demeurer unie dans les joies comme dans les épreuves.

Loué soit Jésus-Christ !