Messe en l’honneur de la Vierge Marie pour demander la chasteté

samedi 12 février 2022

Par le père Ludovic Frère, recteur

Évangile de la multiplication des pains

Le Christ connaît nos faims

Nous avons faim ! Jésus le sait, Jésus le voit, Jésus en est touché : « J’ai de la compassion pour cette foule ». Et Jésus prend soin de nous : « si je les renvois à jeun, ils vont défaillir en chemin. »

Remarquez que le Christ ne dit pas : « ils auraient quand pu prévoir de quoi manger ! » Il ne se plaint même pas en disant : « c’est toujours moi qui dois tout faire ! » Non, aucun reproche, ni envers la foule, ni envers ses disciples. Aucun reproche, juste de la compassion : « ils vont défaillir en chemin ! »

Dieu se révèle en Jésus-Christ comme Puissance de compassion ! Il ne vient pas juger, il ne veut pas condamner ; il vient pour se donner afin de nous garder de défaillir en chemin !

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Au cours de ce week-end que nous vivons au Laus sur la délicate et douloureuse question de la pornographie, c’est certainement ce qu’il nous faut d’abord entendre : Jésus a de la compassion.

Oui, notre Seigneur a une profonde compassion pour celles et ceux qui sont pris par les addictions pornographiques. Il a de la compassion pour celles et ceux qui se rendent sur des sites de cyberpornographie.

Nul doute que Dieu a aussi une grande compassion pour les hommes et les femmes qui s’exhibent lamentablement dans des vidéos et des images pornographiques.

Même si le Seigneur appelle les personnes prises par la pornographie à vouloir abandonner résolument de telles pratiques, même si cet abject commerce l’offense au plus haut point, même s’il est assurément irrité que notre société laisse les plus jeunes confrontés à de telles images, avant tout, le Seigneur regarde l’humanité comme il regardait la foule affamée : « J’ai de la compassion pour cette foule ».

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Notre Dieu est un Dieu de compassion. Et parce qu’il est rempli de compassion pour nous, dans tout ce qui nous habite et jusque dans la puissante énergie qu’est en chacun de nous la sexualité, le Christ voit d’abord nos faims.

« L’appétit sexuel », comme on l’appelle justement, est une faim qui dit d’abord notre besoin de relation.

Une faim qui crie notre besoin d’aimer et d’être aimés.

Une faim qui proclame la complémentarité de l’homme et de la femme.

Une faim qui tiraille souvent les corps en recherche de tendresse.

Une faim qui avive de façon parfois brûlante la flamme du désir…

Toutes ces faims, ou certaines d’entre elles, sont souvent là en nous ; mais nous ne savons pas toujours comment bien les assouvir… au risque même d’aller chercher du côté de nourritures qui font gravement mal à l’âme.

Mais en voyant les foules affamées, Jésus ne laisse pas chacun à sa gestion personnelle de tout ce qui l’habite. Non, s’il repère la faim, c’est pour apporter une nourriture solide et abondante.

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Le Seigneur répond donc à nos faim à la mesure de son amour pour nous, c’est-à-dire de manière surabondante. Dans l’évangile d’aujourd’hui, l’appétit de la foule est comblé par la multiplication des pains, jusqu’à remplir 7 corbeilles des morceaux qui restaient.

C’est bien sûr l’annonce d’une nourriture plus nécessaire et plus comblante encore : la présence eucharistique du Seigneur Jésus, comme Il le révèlera à ses disciples : « mon corps est LA vraie nourriture ; mon sang est LA vraie boisson ».

Parce qu’il a pris un corps comme nous, le Fils de Dieu sait ce qui habite nos corps. Et parce qu’il a pris un corps comme nous, il peut nous rejoindre jusque dans nos corps par son corps eucharistique.

Il y vient, pour un corps à corps qui nous remplit et nous guérit : présence d’amour, qui répond réellement et concrètement à nos grands besoins d’aimer et d’être aimés.

Ainsi, parce que l’Eucharistie est un corps à corps du Christ avec nous, elle a la puissance de nous rendre vraiment chastes.

Et dans un mouvement de réponse d’amour, devant le Seigneur qui offre son Corps et son Sang, comment ne pas Lui offrir en retour notre corps et notre sang par une vie chaste ?

Chacun dans nos états de vie particuliers, nous sommes appelés à la chasteté : les couples mariés par des relations sexuelles à l’écoute de l’autre, les consacrés par la continence joyeusement offerte au Seigneur, les amis par une juste distance d’amitié… Tous appelés à puiser dans l’Eucharistie la grâce d’une chasteté du cœur et du corps.

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Oui, l’Eucharistie fait les âmes et les corps chastes, en nous faisant communier réellement au Christ chaste.

S’il convient donc bien sûr d’approcher de la communion avec un corps chaste, il est encore plus nécessaire de reconnaître que c’est l’Eucharistie qui nous rend chastes. Parce que la chasteté, c’est s’accorder, de cœur et de corps, au don de Dieu. Ainsi, plus nous communions, plus cet accord se réalise en nous. Oui, quelle grâce : l’Eucharistie nous rend chaste !

L’Eucharistie, comme l’acte sexuel, est centré sur le don du corps. L’Eucharistie fait les âmes et les corps chastes, parce que l’Eucharistie, c’est le corps de Dieu qui se donne, jamais pour prendre, jamais pour ramener à soi, mais toujours pour être tout à l’autre. Le Christ se donne toujours pour une alliance, dans laquelle il nous dit à la fois  «  j’ai faim de vous » et « je viens vous nourrir de mon corps livré pour vous ».

Ainsi, en participant au sacrifice eucharistique, notre être sexué est sans cesse remis dans la juste orientation du don de soi. À chaque Eucharistie, notre corps sexué se détourne de la dévoration des autres.

À chaque communion, le corps chaste du Christ vient habiter nos corps ; son regard chaste devient le nôtre ; ses pensées chastes deviennent les nôtres ; ses comportements chastes nous deviennent possibles !

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Voilà pourquoi, pour une vie chaste, nous avons tant besoin de participer à la messe et d’adorer Jésus au Saint Sacrement. Car en communiant à la présence eucharistique, notre être sexué reçoit réellement le Seigneur dans un corps à corps, qui rend nos corps au Père éternel, dans la puissance de l’Esprit.

Tandis qu’en adorant Jésus dans l’Eucharistie, nos yeux fixés sur le Corps de Jésus sont purifiés des regards qui ont pu être posés sur des corps humains en les chosifiant, en les déshabillant.

La messe et l’adoration sont donc deux grands lieux pour nous rendre chastes. Deux grands lieux aussi de réparation pour tous les manquements à la chasteté dans le monde entier.

En s’offrant chaque jour, à chaque instant, partout dans le monde, le Christ répand son Corps et son Sang pour rendre l’humanité entière à son Père, dans la chasteté de l’Esprit Saint. Voyez donc à quelle merveille nous participons ce matin encore, avec Marie !

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Comme l’enseignait saint Irénée de Lyon, au 2e siècle : « De même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus pain ordinaire, mais Eucharistie, (…) de même nos corps qui participent à l’Eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance de la résurrection. »

Voilà le couronnement suprême de la chasteté de nos corps : temples de l’Esprit Saint, ils ont vocation à ressusciter pour l’éternité, formant ensemble un seul Corps en Dieu.

Comment alors ne pas mettre toute notre énergie, toute notre sexualité dans une telle espérance ? Amen !