Vers une bonne année permanente
Cela fait déjà huit jours qu’il est né. Pour ce nourrisson, comme pour des millions de bébés juifs avant lui, arrive le moment de la circoncision. Le rite existait depuis qu’Abraham avait reçu cet ordre divin, selon le livre de la Genèse : « La chair de votre prépuce sera circoncise, et cela deviendra le signe de l’alliance entre moi et vous. À chaque génération, tous vos enfants mâles âgés de huit jours seront circoncis ».
Marie et Joseph accomplissent donc ce rite, dans l’obéissance à la loi. Ainsi est attesté que le Sauveur est venu s’inscrire dans l’histoire d’alliance, pour la rejoindre, puis pour la porter à son accomplissement total, quand la circoncision deviendra celle du cœur, selon l’épitre aux Romains, puisque le Christ aura définitivement scellée l’alliance sur la croix.
Pour l’instant, la loi divine doit être suivie. C’est au 8e jour que se pratique la circoncision : par-delà les 7 jours de la création, le 8e jour est d’un autre ordre ; l’entrée dans une réalité nouvelle, qui fait de l’être humain non pas un animal plus évolué que les autres, mais cet être unique avec lequel Dieu veut une alliance d’amour.
Au 8e jour de sa naissance, qui correspond pour nous désormais au 1er jour de l’année nouvelle, c’est comme un témoignage qui nous est offert par la circoncision du bébé Jésus. Dieu nous rappelle son alliance, il nous invite de nouveau à l’alliance, il nous la propose aujourd’hui pour qu’elle se déploie chaque jour de l’année nouvelle. C’est peut-être le plus beau vœu à nous souhaiter en ce jour : que nous restions disponibles à l’alliance par laquelle Dieu nous désire.
Car son alliance est vie ! Son alliance est joie ! Elle est paix dans les tribulations, solidité dans les épreuves, rempart face aux adversités. L’alliance divine est cette permanence qui traverse toute l’histoire humaine. Si une année est terminée et qu’une autre commence, l’alliance d’amour du Seigneur avec nous, elle, n’est pas terminée ; elle ne termine jamais, et chaque jour elle recommence !
Ah, si nous pouvions à chacune des journées de cette année nouvelle nous redire cette magnifique parole du livre des Lamentations qui porte ici bien mal son nom, quand il confesse du Seigneur : « ses tendresses ne s’épuisent pas ; chaque matin, elles se renouvellent ». Oui, chaque matin, les tendresses du Seigneur se renouvellent pour chacun d’entre nous, sans aucune distinction, sans aucune exception.
Alors, bonne année pour goûter chaque jour les tendresses renouvelées du Seigneur pour vous ! Telle est son alliance, dont la circoncision au 8e jour était un signe particulier, en attendant l’accomplissement dans le Christ.
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Et désormais, depuis une semaine, nous nous en réjouissons : Il est né, le divin accomplissement ! Pour bien nous faire comprendre qu’il ne remettra jamais en cause son alliance, qu’il la veut corps à corps et qu’il vient la sceller définitivement, Dieu a pris chair et sang.
Ce corps reçoit aujourd’hui la circoncision. Le témoignage est alors vraiment éloquent : dans sa chair, le Fils de Dieu est marqué Lui-même du signe de l’alliance qu’il avait voulue avec les hommes depuis Abraham. C’est dire combien il vient nous rejoindre par cette alliance, pour lui donner un caractère absolument irrévocable.
J’ose alors dire que depuis l’événement de Noël - ou depuis l’annonciation en fait-, Dieu a l’humanité dans la peau ! Dieu nous a dans la peau, comme on dit d’un être passionnément aimé qu’on l’a dans la peau : Tout l’être de l’aimé est imprégné de la présence de celle qu’il aime. Avec Dieu, ce n’est pas qu’une image : c’est en prenant un corps semblable au nôtre qu’il nous a vraiment dans la peau.
C’est bien ce grand mystère que nous contemplons, avec tellement de joie, en ce temps de Noël : Dieu nous a dans la peau ! Il a l’humanité attachée à Lui, sans plus aucune séparation possible de sa part !
Depuis qu’il a été conçu de la Vierge Marie, le Fils de Dieu, 2e personne de la Sainte Trinité, est lié à l’humanité dans son être-même. En Lui, divinité et humanité se rejoignent, s’embrassent et ne pourront plus jamais être séparées. Ainsi, quand il remonte vers le Père à l’Ascension, le Fils éternel le fait avec son corps humain ressuscité ; non pas en s’en séparant comme on retirerait un vêtement, mais bien avec ce corps marqué par les blessures des clous comme par la circoncision au 8e jour.
Désormais, dans le Ciel et pour l’éternité, la 2e personne de la Trinité a un corps humain, et c’est par ce corps que nous sommes liés pour toujours au Père, dans l’Esprit ; Et c’est ce même corps auquel nous communions dans l’Eucharistie.
Alors, au matin de ce premier jour de l’année nouvelle, pourquoi ne pas prendre l’engagement de voir toujours plus clairement nos propres corps comme des lieux particuliers où ce vit cette alliance ? Le Seigneur a pris un corps semblable au nôtre, pour que nos corps en viennent à exprimer leur vocation au don et qu’ils se préparent à rayonner, glorieux, dans l’éternité.
Et si nous étions, cette année, plus attentifs encore que l’année dernière à ce que nous faisons de nos corps ? À la manière de les écouter ou de ne pas trop le faire, à la façon de les regarder et de les offrir ; à la manière de les nourrir, mais sans excès, de les laver, de les habiller, de les parfumer, de les soigner, de les couvrir, de les réchauffer, de les reposer, de les donner, de les sacrifier…
Une plus vive attention à nos corps, en pensant à Dieu qui en a pris un semblable au nôtre ; Une manière renouvelée de vivre avec notre corps et ses besoins, notre corps et ses douleurs, notre corps et sa mortalité. Ce corps, dont Dieu a pris le même, et qu’il conduit, à travers toutes les vicissitudes de la vie, jusqu’à la gloire éternelle.
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Nous en arrivons alors à la fête célébrée aujourd’hui. Puisque Dieu a désormais l’humanité dans la peau, puisque cette humanité est maintenant attachée à Lui corps à corps, sans aucun retour en arrière possible de sa part, c’est fort logiquement que la Vierge Marie peut être appelée « Mère de Dieu ».
Car c’est en elle que le corps à corps de Dieu et de l’humanité a commencé réellement et se poursuit mystérieusement : Marie, Theotokos, Mère de Dieu ! Non pas qu’elle soit mère de la nature divine, bien entendu. Mais en tant que Mère de Jésus-Christ, qui est Dieu et qui le reste en prenant chair, Marie est bien Mère de Dieu.
En lui reconnaissant ce titre, nous confessons donc ce grand mystère d’alliance corps à corps. Désormais, il n’est plus possible de séparer en Jésus-Christ sa divinité et son humanité, parce que le bébé que Marie a porté dans son corps, et qui est circoncis aujourd’hui, est vraiment Dieu parmi nous, tout en étant aussi vraiment homme comme nous. En Jésus-Christ, Dieu a donc pris une Mère comme nous tous !
Quelle joie de pouvoir contempler ce « comme nous » de Dieu. Comme nous, il pleure la mort ; comme nous, il souffre du Mal qui touche le monde, la nature, la santé ; comme nous, il a eu besoin d’une maman. En célébrant la Mère de Dieu au 1er jour de l’année, nous disons alors combien « Dieu comme nous » est proche de nous, et sera proche de nous à chacun des jours de cette année nouvelle !
Marie, Mère de Dieu est donc la porte d’entrée incomparable pour contempler « Dieu comme nous », « Dieu avec nous », afin que nous devenions davantage, chaque jour, « comme Lui », « avec Lui ».
En notre année mariale diocésaine, ce 1er janvier est donc à saisir d’une manière toute particulière : parce qu’elle est Mère de Dieu, Marie est d’une certaine manière notre « 1er janvier permanent » : elle est toujours la porte d’entrée d’un nouveau commencement. Elle est le porche de la rencontre authentique avec ce Fils qui, aujourd’hui encore, l’appelle « Maman » dans la gloire du Ciel, comme il l’a appelée « maman » dans la maison de Nazareth.
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Par la Vierge Marie, Mère de Dieu et mère des sauvés, nous pouvons donc vivre chaque jour de cette année nouvelle comme une passionnante expérience de grâce : Dieu est avec nous, il ne nous lâchera pas, car il s’est lié à nous pour toujours par un corps semblable au nôtre, par une maman semblable aux nôtres, par une vie semblable aux nôtres dont il sanctifie chaque seconde par sa présence.
C’est là où nous trouvons aussi le sens de cette journée mondiale de la paix. Commencer une année en nous unissant dans un désir de paix, c’est confesser la présence permanente du Prince de la Paix, qui porte le monde comme lui-même a été porté dans le sein de Marie.
C’est alors reconnaître que, par Marie, Reine de la paix, nous avons particulièrement accès à Celui qui est notre paix. Car la paix a une source, c’est Dieu Lui-même. Or, depuis que Dieu nous a dans la peau, il ne fait pas qu’entretenir en nous des désirs de paix : naissant dans le corps de Marie et donné au monde, il est devenu cette paix, qui peut donc naître aussi chaque jour en nous.
C’est bien ce qu’exprime la liturgie de la messe avec le geste de paix : une paix qui ne vient pas de nous, mais qui passe par nous. Mystère de cette paix incarnée, qui doit naître encore dans les douleurs d’un enfantement pour que la proclamation des anges devienne toujours plus une réalité par nos désirs, nos prières et nos actes : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !
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Oui, paix sur la terre ! Car Dieu a fait alliance avec nous et l’a accomplie dans ce corps à corps qui nous unit à Lui pour toujours ! Nous trouvons ici la source de tous nos vœux pour la nouvelle année.
Alors, bonne année avec Dieu qui reste toujours fidèle à son alliance !
Bonne année pour vivre jusque dans votre corps le mystère des vivants !
Bonne année pour accueillir davantage Marie comme notre mère !
Bonne année pour laisser le Christ être la paix entre nous !
Avec de tels vœux, cette année nouvelle ne sera peut-être pas sans virus ni sans soucis, mais elle sera nécessairement une sainte année, pour goûter et préparer dans le temps, la Bonne Année permanente qui nous attend pour l’éternité !