4e dimanche de Carême B – Laetare

dimanche 14 mars 2021

Par le père Ludovic Frère, recteur

Le seul vaccin efficace pour toujours

Aucun vaccin n’est efficace !

 

Loin de moi la prétention à me prononcer sur les vaccins par lesquels on tente actuellement d’endiguer la pandémie. Comme la très grande majorité d’entre vous, je n’ai aucune compétence en la matière. Je m’appuie seulement sur une valeur sûre : notre Saint Père, qui dénonçait récemment le « négationnisme suicidaire » autour de cette pandémie, avant de conclure : « il faut se faire vacciner. » C’est la voie du bon sens et de la charité.

 

On voit cependant des gens courir se faire vacciner comme si c’était le remède à tout. Mais aucun vaccin n’est définitivement efficace contre la mort ; elle arrive forcément un jour. Aucun vaccin ne prémunit non plus du péché, alors qu’il fait tant de ravages.

 

Aucun vaccin… sinon le Christ.

 

Le Seigneur Jésus est le seul vaccin contre le mal et contre la mort. Cette révélation grandiose fait notre joie ! En tous cas, elle devrait la faire, sans jamais l’étouffer sous des montagnes de soucis. Une joie plus forte que tout, fondement de tout, annonciatrice de tout ce qui se déploiera au Ciel : Jésus vainqueur, vraiment vainqueur, dès aujourd’hui et pour l’éternité !

 

Alors, en ce dimanche du laetare, que cette joie nous gagne davantage encore ! Qu’elle retire de nos cœurs tous les voiles de tristesse, tous les poids d’inquiétude. Car le Christ a été élevé sur la croix, grand vaccin éternel contre le mal et contre la mort !

 

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Il est tellement nécessaire de se laisser rejoindre par cette bonne nouvelle. Nous en entendons peut-être parler depuis notre enfance, mais elle ne nous transforme pas encore assez ! Alors, pour entrer plus en profondeur dans ce mystère, le Christ rappelle aujourd’hui un événement précis : le serpent de bronze porté par Moïse. C’était pendant les 40 ans au désert ; épuisés par leur marche, les Hébreux se mettent à douter de la bonté de Dieu. Les voilà alors « envahis de serpents brûlants », dit le livre des Nombres.

 

Les morsures font terriblement mal. Elles blessent et elles tuent. Comme la mort qui mord nos proches et bientôt nous-même ; comme la tentation qui brûle et qui pousse à faire le mal : un terrible venin, contre lequel la Terre entière devrait se mobiliser avec plus de force encore qu’on ne le fait pour lutter contre le Coronavirus.

 

Mais au livre des Nombres, on voit que le Seigneur ne reste pas du haut de Ciel à compter les blessés et les morts. D’abord, le peuple se ravise et dit à Moïse : « Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu'il éloigne de nous les serpents, sinon nous allons tous mourir. » Leurs paroles sont celles de notre Carême : « pitié Seigneur, nous avons péché ; sauve-nous ! »

 

À cette supplication, le Très-Haut répond sans attendre. Il demande à Moïse de façonner un serpent de bronze, en promettant : « quiconque le regarde aura la vie sauve. » Le Seigneur offre ici l’occasion d’un nouveau regard sur la situation, car en fixant le serpent de bronze placé haut sur un mât, les Hébreux ne regardent plus vers le sol rempli de serpents brûlants. Ils cessent de fixer leur problème du moment, pour lever les yeux vers le don de Dieu.

 

Et nous, frères et sœurs, quand des morsures de serpents nous font mal, quand elles nous brûlent ou qu’elles touchent nos proches, où donc regardons-nous ? Restons-nous les yeux baissés sur notre situation pour nous en désoler, ou levons-nous les yeux vers la Présence du Sauveur qui porte tout ? Comme ce grand mât brandi par Moïse, le Christ nous dit : « regarde plus haut : Je suis là, tu ne risques rien ».

 

Dans tout ce que nous traversons - de la maladie au deuil, de la pandémie aux déceptions affectives, des divisions aux blessures psychologiques - en tout cela, le Seigneur nous appelle à prendre les moyens adaptés à chaque problème, mais toujours en levant les yeux vers Lui, plutôt qu’en nous effrayant des serpents qui rampent sur le sol.

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Mais il faut aller plus loin encore. Le Christ n’offre pas seulement la force de prendre de la hauteur par rapport aux événements difficiles de la vie. Il nous en sauve. Nous confessons en Jésus-Christ la puissance de libération définitive du mal et de la mort. Le Seigneur le promet aujourd’hui en disant de lui-même : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. »

 

L’élévation dont il est question ici, ce n’est pas celle de l’Ascension quand Jésus sera élevé dans les Cieux, ce n’est même pas celle de la résurrection quand le Christ va se lever d’entre les morts. Par l’image du serpent élevé sur un mât, nous comprenons que cette élévation, c’est celle de la croix. La croix est à la fois l’abaissement le plus abyssal et le commencement d’une élévation qui conduira l’humanité sauvée jusqu’au Ciel.

 

En levant les yeux vers le Crucifié, non seulement nous ne fixons plus le sol où rampe tout ce qui nous inquiète, mais nous sommes plus encore pris dans un mouvement d’élévation, comme une aspiration vers le haut qui transforme la vie entière ; une aspiration qui nous saisit quand nous laissons la croix nous transporter !

 

Pour le goûter, c’est à la fois tout simple et fort exigeant : il nous faut fixer la croix, la regarder longuement… une expérience spirituelle bouleversante, que je vous encourage à vivre aujourd’hui ou un jour de cette semaine. Laissez le Christ vous parler à travers la croix, vous élever par elle. Comme Benoîte avait longuement contemplé le Christ lors des apparitions à la croix d’Avançon, restez plusieurs minutes devant une croix… Vous verrez bien ce qui se passera alors.

 

Vous pourriez découvrir la croix comme une clé qui ouvre toutes les portes, même celle de la mort.

 

Vous pourriez voir la croix comme une ancre, qui rend stable à travers toutes les tempêtes et qui dit la solidité de l’amour de Dieu, sa fidélité inébranlable malgré nos infidélités.

 

Vous pourriez recevoir la croix comme un grand signe « plus », car en portant la croix avec le Christ, on ne renonce pas à vivre : on vit plus, d’une vie qui a une plus grande épaisseur, une plus grande liberté !

 

Vous pourriez vous ouvrir à la croix comme un mât de bateau, auquel attacher les voiles de vos désirs et de vos projets, pour avancer dans le sens du vent de l’Esprit.

 

Vous trouverez sans doute bien d’autres choses encore par vous-mêmes, si vous osez cette expérience de lever les yeux vers le Crucifié pour le laisser vous enseigner le mystère de sa croix ! Je vous y encourage donc vivement ; il me semble même impossible de bien avancer vers les Jours Saints sans prendre du temps pour lever les yeux vers la croix.

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Mais la croix n’est pas qu’un moyen d’enseignement. Elle est surtout lieu de salut. Pas seulement un signe, mais un événement qui nous sauve.

 

Car la croix crie ce que nous révèle l’évangile de ce jour. 4 affirmations à graver dans nos cœurs :

- « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » : tellement aimé, jusqu’au bout !

- « Afin que quiconque croit en lui ne se perde pas » : la croix dit le grand désir divin que personne ne soit éternellement séparé de Lui, n’en doutons jamais.

- « Non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » : la croix fait donc quitter la peur du jugement pour entrer dans la joie du salut.

- et enfin : « Celui qui croit en lui échappe au jugement » : la croix va jusqu’à immuniser contre tout jugement.

 

Frères et sœurs, en contemplant la croix comme événement de salut, nous levons les yeux vers Jésus cloué par le péché, mais aussi Jésus dont les bras font déjà le « V » de la victoire. En contemplant la croix, nous voyons Dieu mis à nu, qui n’a rien à cacher, révélant le plus grand secret de la vie divine et de la vie humaine : il faut tout donner ! En contemplant la croix, nous sommes convaincus que Dieu n’a pas fait le mal, qu’il ne cause pas le mal, qu’il n’est même pas indifférent au mal, mais qu’il le porte. Le Sauveur porte l’insupportable… et nous voilà totalement sauvés !

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Ainsi, c’est promis et c’est réalisé : par la croix, nous trouvons la guérison de toutes les blessures, nous échappons au mal, nous sommes sauvés de la mort éternelle, nous évitons le jugement, nous comprenons le sens de la vie.

C’est tout cela que la croix nous montre ; c’est ce mystère qu’elle vient percer ; c’est cette élévation sublime qu’elle vient réaliser dans nos petites vies, pour qu’elles deviennent des vies qui se déploient à la mesure de l’amour divin déversé sur la croix. Amen.