Homélie du sixième dimanche du temps ordinaire

dimanche 11 février 2024

Par le p. Philippe Blanc, chapelain

Dimanche 11 février 2024

6e dimanche du temps ordinaire - B

Nous venons d’entendre la proclamation de la Parole de Dieu et nous croyons que cette Parole nous est offerte pour nourrir notre foi et raviver notre espérance. Elle s’adresse à nous, aujourd’hui, quelle que soit notre histoire personnelle ou notre vie quotidienne, quelle que soit notre vocation et nos responsabilités dans l’Église et dans la vie de la société. Cette Parole n’est pas un texte mais une présence, la présence réelle du Christ qui, dans l’Évangile, se manifeste comme le Verbe fait chair, la Parole de Vérité donnée pour la vie du peuple de Dieu. Cette Parole n’est pas seulement à lire ou à entendre. Notre lecture et notre écoute doivent être orientées vers une obéissance et une mise en pratique dans le concret de ce que nous vivons jour après jour.

L’apôtre saint Paul vient de nous donner des indications précieuses et pratiques pour notre vie de témoignage. Quels que soient notre vie et nos engagements, nous avons tous reçu un même appel : être disciples de Jésus Christ et témoins de son amour pour tous les hommes. Et, c’est dans toutes les réalités de notre vie quotidienne – et pas seulement lorsque nous sommes à l’église – que nous sommes appelés à être ses disciples et ses témoins. Nous n’appartenons pas au Christ à temps partiel ou simplement dans certaines circonstances, nous ne vivons pas notre baptême simplement lorsque nous sommes entre nous quelques minutes par semaine. Comme vient de nous le dire saint Paul : tout ce que vous faites… faites-le pour la gloire de Dieu.

La vocation chrétienne concerne le tout de notre vie. Nous ne pouvons donc accepter de séparer ce qui serait notre vie dans le monde et notre vie dans l’Église. Nous sommes disciples du Christ pour être sel de la terre et lumière du monde, tout en étant des pierres vivantes en vue de la construction de l’unique Corps du Christ. C’est dans les réalités du monde d’aujourd’hui, sans aucune exclusive, que les baptisés sont signes de la présence du Ressuscité et de la force de son amour. C’est dans toutes les réalités de la vie sociale, économique, politique, culturelle, familiale… que les baptisés rendent témoignage de leur attachement au Christ et de leur volonté de participer à l’avènement d’un monde nouveau.

Saint Paul nous dit ensuite : je tâche de m’adapter à tout le monde. En cela, il suit l’exemple du Christ qui accueille tout homme tel qu’il est, en se mettant à son niveau pour pouvoir l’inviter à grandir en humanité et dans l’amour de Dieu. S’adapter, cela ne signifie pas renoncer aux valeurs de l’Évangile ou cacher les exigences de l’amour vécu à la suite du Christ. Cette adaptation est une attitude de respect à l’égard de l’autre qui doit être rencontré sans a priori, sans volonté de manipulation ou d’utilisation, et aussi une attitude pédagogique qui consiste à s’intéresser à la vie de l’autre telle qu’elle est pour lui faire découvrir la présence de Dieu et les appels qu’il adresse à tout homme.

Enfin, l’apôtre nous rappelle que nous avons tous la capacité de vivre à l’imitation du Christ, lui qui est venu partager la réalité de notre vie humaine. Le disciple de Jésus doit pouvoir oser dire aussi : prenez-moi pour modèle, mais s’il dit cela il ne doit pas oublier la fin de la phrase : mon modèle à moi, c’est le Christ. Autrement dit, au cœur de ce monde qui nous paraît bien souvent à bout de souffle et privé d’espérance, le disciple du Christ ose dire : regardez-moi vivre et vous découvrirez la présence du Christ, vous constaterez la puissance de son amour et de sa miséricorde, vous verrez les fruits de justice, de paix et de fraternité que sa présence porte en moi… Tel est le défi de notre vie de disciples et de témoins du Christ dans le quotidien.

Dans l’Évangile, nous sommes une nouvelle fois en présence de Jésus qui vient à la rencontre de l’homme blessé par toutes les maladies qui atteignent son corps, son cœur et son esprit. Dieu n’accepte pas que l’homme soit écrasé par la souffrance et il intervient pour proposer un itinéraire de salut qui ne correspond pas forcément aux guérisons immédiates que nous souhaiterions. La lèpre est le symbole de toutes les maladies anciennes ou actuelles qui impliquent le rejet, le jugement des autres, l’exclusion… et Jésus vient pour offrir une vie de communion et de fraternité. A l’homme qui supplie si tu le veux, tu peux me purifier, Jésus répond sans aucune hésitation, sans aucune appréhension : je le veux, sois purifié. Telle est la volonté de notre Dieu : que nous soyons lavés de nos péchés, purifiés de nos fautes, guéris de nos maladies, apaisés dans nos doutes, pacifiés dans nos révoltes.

Comme il le dit lui-même, Jésus est venu partager notre vie pour que nous puissions accueillir la vie nouvelle, pour que nous recevions le salut que le Père offre à ses enfants, pour que nous soyons rétablis dans notre dignité de fils bien-aimés du Père. Son désir est que tout homme puisse faire l’expérience de cet amour qui sauve. Les paroles qu’il prononce et les gestes qu’il accomplit ont cette finalité unique : inviter l’homme à se laisser façonner par l’amour créateur et miséricordieux de Dieu. Mais cet amour déjà disponible attend l’expression de la liberté de l’homme. En tombant à genoux devant Jésus, en le suppliant de le regarder avec tendresse et bienveillance, le lépreux dit sa disponibilité, son attente et sa confiance. Par ses seules forces, l’homme ne parvient pas à se libérer du mal. Il a besoin de l’action de Dieu et de sa présence agissante en lui pour vaincre le péché et la mort. A la suite du lépreux qui représente l’humanité encore marquée par toutes les défigurations qui portent atteinte à l’image et à la ressemblance de son créateur, nous sommes invités à regarder le Christ avec confiance et humilité. Devant lui, nous pouvons dire sans aucune crainte notre péché puisqu’il vient s’en charger pour nous en libérer. Par lui, nous pouvons recevoir la grâce qui nous remet debout pour que nous puissions continuer à être ses témoins. De lui, nous pouvons entendre la parole qui est pour nous source d’espérance : je le veux, sois purifié.