Homélie du quatrième dimanche de carême

dimanche 19 mars 2023

Par Le Père Brice Miguel Mekongo - Vice Recteur -

« Réjouis-toi Jérusalem (…). Jubilez de sa joie, vous qui étiez dans la tristesse » (Is 66, 10-11).

Bien-aimés du Seigneur, ce verset du livre du prophète Isaïe qui est l’antienne d’ouverture de la liturgie de ce dimanche du laetare nous invite à nous réjouir parce que le temps de pénitence que nous vivons depuis le mercredi des cendres tire bientôt à sa fin. Le carême est un chemin de pénitence ; mais c’est un chemin qui nous régénère comme le fait le rite du baptême. En fait, depuis dimanche dernier, la Parole de Dieu qui nous est proposée dans la liturgie nous engage dans un véritable itinéraire de baptême. Dans l’évangile de la Samaritaine, notre Seigneur se présentait comme l’eau vive, dimanche prochain par la « résurrection de Lazare », il nous rappellera que c’est lui la vie qui détruit la mort.

Aujourd’hui, en guérissant un aveugle, Jésus nous révèle qu’il est la lumière qui vient dissiper nos ténèbres : « Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde ». En sortant du Temple, il guérit un aveugle. Mais, ce n'est pas simplement un aveugle ; c’est un aveugle de naissance, un homme qui n'a jamais vu depuis sa naissance, qui n'a jamais fait l'expérience de la lumière. Cependant, le récit de sa guérison est suffisamment long pour qu’on y voit que la guérison d’une cécité physique.

En fait, dans cet évangile, saint Jean nous présente l'itinéraire de foi d'un homme qui n'avait jamais vu de sa vie, qui n'avait pas la foi et qui arrive enfin un jour à vivre sa foi, qui arrive à voir Dieu. Dans la figure de cet aveugle nous sommes invités à reconnaître ceux d’entre nous qui font un itinéraire pour arriver à Dieu. Parcourons alors ensemble le chemin de foi de cet aveugle de naissance.

Voyant le mal (la cécité) qui nuit à sa vie, les disciples demandent à Jésus : « qui a pêché pour que cet homme soit puni de la sorte ? ». Jésus leur répond que personne n’a péché ; sa maladie est pour que les œuvres de Dieu, la puissance de Dieu se manifeste dans sa vie. Chers frères et sœurs, toute maladie, tout problème est une occasion à travers laquelle la puissance de Dieu se manifeste dans nos vies ; même notre manque de foi peut devenir l'occasion à travers laquelle la puissance de Dieu se manifeste. Dans l'obscurité, dans les ténèbres de la vie de cet aveugle, Jésus s'approche, il s'approche encore de chacun de nous aujourd'hui.

Alors, pensons à ces évènements qui nous ont aveuglés, qui ont éteints la lumière dans nos vies, qui ont éteint toute possibilité de voir la beauté qui nous entoure. Pensons aux ténèbres qui obscurcissent notre avenir, les ténèbres d’une maladie, de notre incroyance, de notre déception, de la trahison, des opportunités perdues, de la dernière chance envolée. Jésus s'approche et les dissipe. Il le fait pour l’aveugle-né en redonnant la vue et la vie avec la terre par laquelle il a créé l’homme, Adam dont le nom signifie terre. Nous sommes-là en réalité devant l’action re-créatrice de Dieu par laquelle l’homme peut de nouveau voir Dieu. Jésus s’approche de nous pour poser de nouveau l’acte par lequel il nous a créés. Lorsque dans l’obscurité de nos épreuves, de nos doutes et de notre manque de foi, nous ne voyons plus Dieu nulle part ni dans notre conjoint ni dans nos enfants, ni dans nos frères, ni dans notre famille et notre travail consentons à laisser notre Seigneur intervenir pour tout reprendre à zéro, pour refaire toute chose nouvelle. Cependant, la grâce agissante de Dieu demande notre participation.

« ‘Va te laver à la piscine de Siloé’, dit Jésus à l’aveugle-né,(…) il se lava ; quand il revint, il voyait ». Sur l'ordre de Jésus, notre aveugle s'en va se laver à la piscine de Siloé et il voit. Il lui faut une démarche personnelle, pour que la parole de Jésus s'accomplisse dans sa vie. Jésus recrée ; mais pour que cette re-création soit effective, il faut de notre part une démarche de foi. L’aveugle fait ce que le Seigneur lui demande et le voilà guéri. Il ne perçoit plus la réalité comme avant, ni les personnes, ni la société, ni les richesses matérielles : il ne perçoit plus rien comme avant. Tout a changé ! Qui rencontre Jésus voit enfin des horizons nouveaux, voit la réalité de façon nouvelle.

Mais ce n’est pas que la réalité qui devient pour nous différente, nous-mêmes nous devenons différents. Saint Paul l’a d’ailleurs dit dans l’extrait de son épitre aux Éphésiens que nous avons écouté ce jour : « Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ». L’aveugle-né surprend son entourage. Il est vu de façon nouvelle. Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant disent : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? ». « Pas du tout, répondent certains, c’est quelqu’un qui lui ressemble ».

On a du mal à reconnaître celui qui a rencontré Jésus, parce qu’il change d'aspect. N'est-ce pas elle qui n'allait pas à l'église ? N’est-ce-pas lui qui était un père et un époux irresponsable ? N’est-ce-pas cet enfant qui refusait d’obéir à ses parents et qui refusait de faire ses devoirs ? N'est-ce-pas cet homme politique avait perdu la foi et qui soutenait l’avortement, l’euthanasie, le suicide assisté ? Oui c'est bien lui. Il devenu difficilement reconnaissable parce qu’il est devenu lumière et se conduit comme un enfant de lumière en reconnaissant ce qui est capable de plaire à Dieu.

Au-delà de lui ouvrir les yeux sur le monde, Jésus ouvre les yeux de l’aveugle-né sur qui il est, lui, Jésus. Lorsqu'on demande à notre aveugle « qui t'a guéri ? », il dit d’abord c'est l'homme qu’on appelle Jésus ; ensuite, il dira c'est un prophète, et lorsque Jésus le rencontre à la fin et se dévoile à lui, il le reconnaît comme Seigneur et se prosterne. Jésus vient progressivement à bout de notre manque de foi. Avoir la foi ou l’avoir de nouveau, c’est ouvrir petit-à-petit sur Jésus les yeux que l'amour de Dieu a guéri.

Si tu es au stade où Jésus n’est pour toi qu’un simple homme avec une belle philosophie de vie, ou alors s’il n’est pour toi en ce moment qu’un prophète de Dieu, je t’annonce qu’il y a une autre étape à franchir, il y a autre chose à voir, parce que Jésus est plus qu’un simple homme, il est plus qu’un prophète : Il est Dieu. Alors, ouvre les yeux sur lui, parce que si tu les ouvres sur lui, tu les ouvres sur ta propre personne et sur ta propre vie. Et si par contre tu es au stade où tu le vois et le reconnais comme Seigneur et Sauveur, rappelle-toi qu’il y en a qui ne voient pas ce que tu vois parce qu’ils sont encore aveuglés par diverses réalités ; pour eux donc, continue de témoigner que c'est seulement le Seigneur qui donne la lumière, qui donne la vie, qui donne la force.

Loué-soit Jésus-Christ !