Frères et sœurs bien-aimés, nous avons célébré hier l’Épiphanie du Seigneur qui est la manifestation du Christ, Lumière d’en Haut, à toutes les nations. La liturgie de ce jour voudrait nous conforter dans l’idée que Jésus est vraiment le Messie attendu qui vient dissiper toutes les ténèbres de nos vies quelque soit l’endroit où elles se trouvent. C’est dans cette perspective que Saint Matthieu dans l’extrait de son évangile que nous avons écouté tout à l’heure, reprend la prophétie d’Isaïe : « Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée ».
En effet, au tout début de son ministère, Jésus quitte Nazareth et se rend justement dans les territoires de Zabulon et de Nephtali, en Galilée où se trouve la célèbre ville de Capharnaüm, ville populeuse, pleine de passages, d’agitation, avec ses commerces, son trafic maritime, et qui a fini par désigner en français le plus grand désordre. Il quitte la petite ville tranquille et montagneuse de son enfance pour parcourir la Galilée, une zone de confins, un pays frontière, c’est-à-dire un pays sans frontières, un territoire très mélangé, impur. D’ailleurs on l’appelle Galilée des nations dont l’origine en hébreu signifie littéralement carrefour des paiens. C’est un lieu où se croisent les chemins qui partent vers les nations étrangères pour des relations commerciales, mais c’est aussi par ces chemins que sont venues dans l’histoire d’Israël toutes les invasions hostiles des royaumes voisins.
Voilà donc le lieu où Jésus, Dieu Sauve, où l’Emmanuel, Dieu avec nous, décide d’inaugurer son action. C’est là que Dieu fait lever une grande lumière, sur ce pays de l’ombre, l’ombre de la mort par des guerres et des violences ; sur ce pays de l’ombre de la mort spirituelle et religieuse des habitants qui vivent sous la dictature des considérations matérielles et des appétits désordonnés.
Frères et sœurs, aujourd’hui, ce pays de l’ombre, du mélange, du désordre et de l’impur, n’est pas d’abord à identifier à un quelconque territoire, car c’est d’abord notre pays intérieur, c’est notre vie. Oui, en se faisant l’un des nôtres, Dieu parmi nous, c’est toute notre vie que le Christ vient habiter pour l’éclairer et la sauver de l’intérieur ; et son message est : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche ».
Notons que Jésus reprend les mots même de la prédication de Jean le Baptiste. Auparavant, il était descendu en Judée, pour se faire baptiser par Jean dans le Jourdain. Puis il a séjourné et jeûné au désert pendant quarante jours, affrontant Satan et ses tentations. Or, à la nouvelle de l’arrestation de Jean par Hérode à Jérusalem, il décide de prendre le relai confirmant par là que l’échec apparent d’une œuvre n’est pas la fin du projet de Dieu dans une vie. La mission reste et demeure celle du Seigneur, et comme nous dit le Psaume 126 : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ; si le Seigneur ne garde la ville, c'est en vain que veillent les gardes » (Ps 126, 1). C’est Jésus le garant du projet de Dieu pour nous et pour le monde.
L’arrestation de Jean-Baptiste ne marque pas la fin de la manifestation de Dieu, mais le début du ministère publique de Jésus. Voilà une Bonne nouvelle que nous devons accueillir lorsque nous sommes témoins de l’effondrement des personnes et des structures sur lesquelles nous reposions nos espoirs. Le décès ou l’éloignement des parents ou des proches qui étaient de bons conseils, la trahison des amis, les scandales dans l’Eglise etc. peuvent nous désemparer. Mais le Seigneur nous rassure aujourd’hui. Son projet d’amour se poursuit dans chacune de nos vies. Car comme le dit Saint Jean dans la première lecture de ce jour tirée de sa première épitre, « Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu, et (…) Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde ».
Bien-aimés du Seigneur, notre Dieu quitte Nazareth pour nous révéler sa présence. C’est Lui qui fait le premier pas, c’est lui qui se rapproche pour nous guérir et nous redonner la joie. Nous, nous avons juste à nous rendre compte de son action salvifique dans nos vies et d’y être dociles. Accueillons-le dans cette eucharistie, et laissons-nous délivrer de nos démons et guérir de nos maladies.
Loué soit Jésus-Christ !