À nous, qui vivons le temps comme une suite d’instants juxtaposés, l’Eglise, ce soir, vient redonner la profondeur nécessaire à ce que nous célébrons ensemble.
Jésus, en effet, n’arrive pas dans le temps comme un éclair dans un ciel serein. Il n’ouvre pas une parenthèse enchantée. Il vient s’inscrire dans une histoire, la longue histoire de l’alliance de Dieu avec son peuple. Lui, le Fils de Dieu, a l’humilité de respecter le long chemin de son peuple.Tandis que nous, nous voulons que tout soit rapide, sans passé et sans lendemain… Alors, ce soir, l’Eglise reprend le récit de l’institution de la Pâque juive. Elle remet en perspective l’histoire de notre salut. Elle nous invite à lire le récit de la Pâque à la lumière de l’Evangile.
Ainsi, pour fêter sa libération d’Égypte, chaque famille doit immoler un agneau sans défaut et sans tache. L’Église sait bien que cet agneau annonce Jésus, lui qui est sans défaut et sans tache. Le texte souligne que la Pâque juive doit être mangée en toute hâte, en vêtements de voyage. Le chrétien sait bien que chaque messe est une étape du long pèlerinage de la vie qui nous mène au cœur de Dieu. Il nous faut être toujours prêts à partir à la rencontre du Seigneur, car Dieu est toujours devant nous. Nous savons qu’il y a des déserts à traverser, comme dans l’Exode, pour entrer dans la Terre Promise, au cœur de Dieu. Car le chrétien est fondamentalement un pèlerin. Il ne s’installe pas bourgeoisement en spectateur du monde. Il prend la route, marchant sans cesse dans le dessaisissement de soi jusqu'à s’unir en tout à ce Dieu qui l’a créé et qui l’a sauvé de la mort. Comme le sang de l’agneau recouvrait les montants des portes des juifs, nous sommes nous aussi sauvés de la mort, car marqués par le sang du Christ, l’Agneau véritable. Et nous marchons vers notre liberté.
Si saint Paul, dans la deuxième lecture, nous dévoile le sens ultime de cette Pâque juive, il nous donne surtout de goûter à l’insondable profondeur du don que Jésus fait de lui-même. Celui qui se sacrifie se fait aussi nourriture pour ses propres meurtriers. Il offre la vie éternelle à ceux qui ne sèment que la mort et la haine. Plus encore, il nous confie la célébration de l’alliance , en nous demandant d’offrir au Père le sacrifice du Fils. C’est ce que fait l’Eglise depuis 20 siècles.
L’Évangile de saint Jean peut alors nous dévoiler tout ce qu’implique le sacrifice de Jésus dans nos vies. Le sentiment qui habite le cœur du Christ est manifesté dans ce passage de saint Jean. Jésus-Christ prend la tenue de l’esclave. Il se met à genoux devant sa créature pour lui laver les pieds. L’impensable amour de Dieu est donc à nos pieds!
Jésus renverse les valeurs du monde et nous appelle à le suivre sur cet improbable chemin. C’est celui du service et du don de soi jusqu’au bout de l’amour. C’est là tout le secret du célibat des prêtres et des vœux religieux. L’amour ne fait pas semblant !
Alors notre vie sera une vie réussie, pleine, heureuse. C’est le témoignage qu’a rendu Benoîte en ce lieu béni. Elle nous ouvre ici ce chemin du service et de la joie. Avec elle donnons-nous sans réserve. Nos vies deviendront lumière. Elles seront transfigurées par l’amour.