« Depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. (…) Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube ». Bien-aimés du Seigneur, s’il est une réalité sur laquelle nous sommes d’accord avec Job, l’auteur de ces paroles, c’est bien que l’humanité souffre. Elle souffre de plusieurs maux, de plusieurs maladies, les unes plus dangereuses que les autres.
Et la médecine qui a fait d’énormes progrès grâce aux technologies innovatrices n’arrive pas à nous assurer la sérénité, car elle n’est pas dénuée d’aspects inquiétants. Mais le projet de salut de Dieu en Jésus-Christ est en œuvre et nous apporte cette sérénité, cette paix à laquelle nous aspirons. La Parole de Dieu de ce jour nous indique, dans cette logique, ce qui survient dans nos vies lorsque Jésus y entre.
Dimanche dernier, à travers l’épisode de la délivrance d’un possédé dans la synagogue de Capharnaüm, nous nous sommes rendus compte que la Parole d’autorité de Jésus ne laisse pas tranquille les forces malsaines qui provoquent en nous des comportements indignes des personnes humaines. Ainsi, là où la Bonne Nouvelle est annoncée, rien n’est plus comme avant.
Aujourd’hui, dans l’extrait de l’évangile qui vient de nous être proclamé, Jésus passe de la Synagogue à la maison de Simon. « Aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André ». Ce n’est pas n’importe quelle maison ; c’est la maison de Pierre. Une maison où, dans l’évangile de Marc, Jésus demeurera, mangera, enseignera aux disciples en privé, enseignera à la foule, aux scribes et aux pharisiens. Chers frères et sœurs, nous ne pouvons ne pas voir en cette maison de Pierre, l’Église, la communauté chrétienne, la famille chrétienne, le foyer chrétien.
Jésus passe de la synagogue à l’Église parce que cette dernière est un élément essentiel dans son projet d’amour pour l’humanité malade, et veut commencer par la guérir l’Église parce qu’elle est Sacrement du Salut pour le monde entier. Le Seigneur veut une Église guérie, des foyers et des fidèles chrétiens guéris et capables de s’investir pour la guérison des autres. Mais de quelle maladie veut-Il nous guérir aujourd’hui ?
« Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre » nous dit l’évangile. Il s’agit donc d’une fièvre. Une fièvre qui maintient alité ; Une fièvre qui bloque et rend incapable d’aider, de servir. Cette fièvre là, nous la voyons se manifester chez les disciples au chapitre 9 du même évangile de Marc, lorsqu’ils retournent avec Jésus dans cette même maison de Pierre : Ils se querellaient pour savoir qui était le plus grand. Et Jésus, une fois arrivé à la maison, leur rappellera que la vraie grandeur se trouve dans le fait de servir les autres. Cette fièvre qui détruit l’Église et le monde s’appelle : l’orgueil. Appelons-la encore amour-propre, gloriole, vanité, dédain, arrogance etc.
Dans le livre de Ben Sirac le Sage, nous lisons que : « le commencement de tout péché, c’est l’orgueil » (Si 10, 13) : les disputes, les calomnies, les meurtres. Il est le péché capital par excellence, et peut détruire dans l’âme toutes les vertus, même l’humilité. La fièvre de l’égo fait de l’amour de soi le cœur de l’action, et nous incite à ne pas reconnaître nos torts, à nous prendre pour référence, nous rend incapables de demander de l’aide, même à Dieu, et nous empêche d’être vraiment présent pour le service des autres.
Chers frères et sœurs, combien de dégâts causons-nous autour de nous par le repli égoïste sur nous-mêmes. Pris par cette fièvre, nous nous plaignons sans cesse, rappelant ce que les autres n’ont pas fait ou devraient faire pour nous. Elle est cause en nous de grande souffrance ; elle nous enlève la paix intérieure et nous garde insatisfaits, bloqués sur le lit de la tristesse. Comme c’est à la mode aujourd’hui, Je vous invite à faire un test ! Demandons-nous, en vérité, ce qui nous vient spontanément à l’esprit, quand nous rencontrons une sœur, un conjoint, une amie, un collègue, une inconnue. S’il nous vient immédiatement l’envie d’être servi, ou de ne pas rendre service, alors nous souffrons de cette fièvre là. Mais Jésus est là, il nous touche par sa grâce, et comme nous l’avons chanté tout à l’heure dans le psaume, « il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures ».
« Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever ». Ces trois gestes que Jésus pose dévoilent ce qu’Il fait pour nous guérir et ce qu’il faut faire pour que l’autre guérisse : S’approcher de la personne qui souffre, la saisir par la main et la faire se lever. Même si aujourd’hui, s’éloigner physiquement de l’autre est perçu comme un geste de salut, se rapprocher, se faire proche est la première action à accomplir en faveur de qui vit une épreuve. Notre Dieu ne s’est pas contenté et ne se contente pas de nous envoyer du Ciel quelques paroles de sagesse, dénonçant ou critiquant simplement le mal. Il s’approche de chacun de nous ; Il met sa main dans chacune de nos mains pour nous faire ressentir son autorité bienveillante, nous communiquer sa force qui se déploie dans la faiblesse, sa puissance d’humilité ; et Il nous fait nous lever, ce qui est, dans la Sainte Écriture, l’action même de ressusciter.
Voilà trois gestes qui assurent la guérison en Jésus : Se faire proche, prendre par la main et faire lever. Et le signe de cette guérison est le service. « La fièvre la quitta, et elle les servait ». Celui qui ne souffre plus de cette fièvre est au service ; il ne dédaigne plus personne et est capable de se rabaisser pour élever. A l’exemple de Saint Paul dans la deuxième lecture de jour, celui qui est guéri de la fièvre de l’orgueil est prêt à être faible avec les faibles pour gagner les faibles, il prêt à se faire tout à tous, pour en sauver à tout prix quelques-uns.
Frères et sœurs bien-aimés, nous sommes réunis là en Église, saisissons l’opportunité que nous offre cette eucharistie pour exposer au Seigneur nos fièvres. Demandons-Lui de nous en débarrasser pour que nous soyons plus disposer à rendre service, à rendre plus heureux, à aimer plus et à relever, en son nom, le plus grand nombre.
Loué soit Jésus-Christ !