Homélie du 6ème dimanche du temps ordinaire

dimanche 16 février 2025

Par le père Michel Desplanches, recteur

Je ne sais pas comment est faite votre voiture, mais je suppose qu’elle est comme la mienne ( peut-être un peu moins vieille !). Lorsque je m’arrête pour faire le plein, outre les sueurs froides qui sont les miennes devant le prix à payer, je trouve magnifique que la pompe s’arrête toute seule quand le réservoir est plein. Je me souviens de mon père qui devait estimer la quantité d’essence nécessaire à chaque plein. C’était souvent aléatoire. Le pompiste se chargeait aussi de le faire, à cette époque… À la lecture des Béatitudes, c’est l’image qui m’est venue dans la prière !

Heureuse est notre voiture lorsque son réservoir est plein. Et nous, nous sommes tranquilles pour quelques centaines de kilomètres !

C’est sans doute cette image qui nous inspire lorsque nous pensons au bonheur.

Comme notre réservoir, nous sommes apaisés lorsque le frigo  est plein, lorsque nous pouvons nous offrir un beau voyage, ou lorsque rien ne nous manque à la maison. Il est vrai que le confort matériel est une sécurité.

Mais, à l’heure où notre pays s’appauvrit et où nous sommes tous impactés par des hausses de prix non négligeables, l’avenir de notre bonheur semble compromis… Où donc trouver la paix du cœur et la sérénité ?

Regardons notre texte l’Evangile. Jésus regarde avec pitié ceux qui ont leur consolation en ce monde. Il déclare "malheureux " ceux qui ont, dès ce monde, leur consolation. Ils sont malheureux ceux qui sont repus et qui rient sans soucis… Leur problème, c’est que leur "réservoir" est plein. Le petit clapet de la pompe à clôturé d’un coup sec l’opération. Il n’y a plus de place dans le réservoir… il est repus!… Et ça, pour Jésus, c’est un malheur ! Pourquoi ?

Parce que le réservoir de nos bonheurs humains est limité.

Comment recevoir l’infini de l’amour et de la vie que Dieu veut nous donner, quand nos besoins se limitent aux besoins matériels de notre humanité ? Dieu ne nous a pas créés pour avoir un frigo plein. Dieu ne veut pas nous donner de l’essence, pas même du super!

Dieu veut verser dans nos cœurs l’infini de sa vie et  de son amour consolateur. Notre petit réservoir n’est pas à la mesure du don de Dieu… Ne peuvent accueillir le don de Dieu que ceux qui ont découvert que leur pauvreté est sans fond… le grand trésor de la vie, la grande grâce nécessaire à notre bonheur est là: Face à l’abîme de notre misère, l’infini de l’Amour nous est offert. Il n’y a plus  le petit bruit sec du clapet de la pompe à essence !

La grâce s’offre à l’infini… Dieu ne mesure pas les dons qu’il nous fait. Il ne compte pas. Il donne. Il se donne sans cesse.

Finalement, on n’est riche que de ce que l’on donne. C’est ce que nous dit la vie consacrée.

S’il existe le vœu de pauvreté, ce n’est pas pour être malheureux ! C’est en vue de sans cesse se recevoir de Dieu. Le réservoir de la grâce n’est jamais plein.

Creuser en nous la pauvreté, c’est trouver place dans le royaume de Dieu: "Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous."

C’est la première béatitude. C’est aussi la seule qui soit au présent. Toutes les autres béatitudes dépendent de la première. La pauvreté les contient toutes. C’est là le portrait de Jésus.

Le vrai pauvre c’est lui, lui qui accepte de tout perdre, de tout donner pour moi… Et c’est pour cela que "Dieu l’a exalté et lui a donné le nom au-dessus de tout nom", s’écriera saint Paul.

L’infini de la lumière, de la paix et de la joie sont versées dans sa pauvreté qui doit être la nôtre! Car c’est là que nous venons le rejoindre pour goûter avec lui et en lui à l’infini des consolations du Père de toute tendresse.

Notre pèlerinage d’Espérance, en cette année sainte, est un chemin de pauvreté. Car c’est là, en goûtant à la béatitude des pauvres, que nous possèderons ce que nous espérons: le royaume de Dieu, l’infini de l’Amour. Amen.