Mon petit frère, retraité maintenant, pensait, dans son enfance, que le sel que nous versions dans nos assiettes brûlantes était destiné à refroidir les aliments. Candeur de l’enfance… Non, le sel ne refroidit rien mais il donne du goût aux aliments. Jésus nous invite ainsi à donner du goût à la vie, le bon goût de l’Évangile. En effet, trop souvent, nous oublions, ou nous nous empêchons, de mettre notre grain de sel dans les conversations, dans les choix politiques ou les décisions qui concernent notre propre vie.
Vous le remarquerez, Jésus ne nous demande pas de prendre du sel de l’Évangile. Il nous rappelle que nos propres vies sont le sel de la terre. Si nous voulons que ce monde ait le goût de l’Évangile, ça n’est pas en cherchant du sel je ne sais où, mais en nourrissant notre vie de la parole de Dieu. Qu’est-ce que cela doit donc produire ? Nous l’entendions dans la première lecture : cela doit produire des œuvres de justice évangélique dans un véritable et profond amour pour l’autre.
Jésus ne nous demande pas non plus de fanfaronner pour être témoins. Nous avons vu trop souvent de grands témoins n’être finalement que de vulgaires manipulateurs, et criminels de surcroît. L’Évangile ne sera jamais un outil du Starsystem. Il est une justice humble mais fidèle que l’on doit au plus petit, un amour donné sans espoir de retour. Mis en œuvre, il fera de notre lumière la lumière de midi. Ce sera une lumière qui traversera la nuit. Une lumière qui rendra ses couleurs à la vie. Nous nous plaignons bien souvent d’une culture sans relief, où tout est nivelé et grisâtre. Que nos vies soient donc lumière pour rendre à notre monde les couleurs de la justice. Mais attention ! Ce n’est pas sur nous-mêmes que nous avons à attirer la lumière. Car la lumière qui nous habite n’est pas de nous. Elle doit sans cesse renvoyer à la foi de la communauté et à la lumière de Dieu.
Jésus a été le véritable sel de la terre et la vraie lumière du monde. Ce n’est qu’en lui que nous réaliserons notre vocation en plénitude. En y regardant avec attention, le sel est sans utilité pour lui-même et la lumière de même. Notre privilège est d’être sel pour assaisonner et lumière pour éclairer. C’est-à-dire que notre vie entière est POUR LES AUTRES à l’image de Jésus. La justice de Jésus, le seul véritable juste, est donc le principe qui donnera le goût et la couleur de la justice à la vie quotidienne. Être juste, ce sera donc être «ajusté» à l’Évangile. Cela consiste à se donner sans réserve avec Jésus pour que ce monde soit transfiguré par la joie du salut.
Père Michel Desplanches
Recteur