Homélie du 5ème dimanche de Carême

dimanche 06 avril 2025

Par le père Philippe Blanc, chapelain

Tout peut changer dans notre vie lorsque nous acceptons de nous laisser toucher par la miséricorde de Dieu. En cette année jubilaire, nous sommes tous invités et appelés à vivre cette expérience, à ne pas remettre à demain la rencontre avec Jésus, visage de la miséricorde du Père. Et nous ne répondons pas à cet appel simplement pour nous mettre en conformité avec une loi ou une morale, mais pour reprendre vie, pour laisser jaillir en nous une vie nouvelle. Cette vie nouvelle est tout illuminée par une communion réelle et interpersonnelle avec le Christ, telle que nous la décrit saint Paul. Pèlerins d’espérance, nous sommes appelés à faire l’expérience d’une rencontre vivante et personnelle avec le Christ, ‘porte du salut’. Nous aussi, nous avons été saisis par le Christ et nous poursuivons notre course en marchant à sa suite. Chaque jour grandit en nous le désir de connaître le Christ et de vivre de sa vie. Ainsi, dans l’accomplissement de notre vocation baptismale, nous devenons progressivement semblables au Christ et nous sommes, les uns pour les autres, autant de signes réels de sa présence.

L’Évangile qui nous nourrit dimanche après dimanche est comme une lumière pour éclairer notre route quotidienne, notre route de pèlerins. Nous venons de l’écouter, il nous appartient maintenant de le mettre en pratique, de lui donner une actualité dans notre vie. Il sera alors Parole vivante, Parole pour la vie. Nous n’accueillons pas cette Parole comme une norme tombée du ciel ou comme un code à respecter. Notre interprétation n’est pas celle d’un légalisme formel, d’une application froide et déshumanisée.

Pour nous, cette Parole est en vue de notre consolation, de notre guérison, de notre conversion. Elle jaillit de l’amour de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous. Elle est invitation à renaître d’en-haut, à accueillir notre vocation filiale avec joie. Elle nous conduit à la liberté des enfants de Dieu et nous propose de participer à l’avènement d’un monde nouveau. Alors, ne la recevons pas avec un regard étriqué, n’en faisons pas des arguments pour juger, condamner et exclure. Ne soyons pas comme des scribes et des pharisiens qui s’attachent à la moindre virgule mais qui oublient que le seul commandement est d’apprendre à aimer comme Dieu aime, et donc de pardonner comme Dieu pardonne. Si tous nos savoirs et nos pratiques ne nous conduisent pas sur ces chemins toujours nouveaux de l’Évangile, c’est que nous n’avons pas su accueillir la bonne nouvelle qu’est Jésus Christ.

Comme l’annonçait déjà le prophète Isaïe, quels que soient les événements de notre passé, le Seigneur fait aujourd’hui une chose nouvelle. Il fait germer en nous la vie d’enfants de Dieu. Il ne s’attarde pas sur nos flagrants délits mais il ouvre une espérance pour que la vie soit possible. Il ne nous enferme pas dans nos fautes mais il prononce les mots de la confiance et nous confie une mission. Ce qu’il voit d’abord en nous, c’est notre désir d’aimer et notre capacité d’aimer.  Ce qu’il nous dit d’abord, ce sont des paroles d’apaisement, de guérison et de libération. Ce qu’il nous montre d’abord, c’est la joie de marcher sur des chemins nouveaux en étant remis debout dans la beauté de notre humanité.

Par expérience, nous savons qu’il nous est souvent plus facile de dénoncer les erreurs des autres que de reconnaître les nôtres. Nous savons dire ce que les autres ne font pas ou font mal, mais nous oublions nos propres errements et nos fautes. Nous condamnons facilement celui qui vit différemment, mais nous ne sommes pas capables de dire nos propres fragilités. Et c’est pour cela qu’il nous est bon d’écouter le Christ : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre. Voilà une référence très concrète pour éclairer nos jugements et nos appréciations.

La réponse du Christ alors qu’on veut le mettre à l’épreuve, n’est évidemment pas un encouragement au relativisme ou au laxisme. Il y a bien un appel et une exigence : va, et désormais, ne pèche plus. C’est là que nous retrouvons le changement de vie, des comportements, des attitudes. C’est là, l’appel urgent et nécessaire à la conversion. Et c’est aussi l’engagement que nous prenons lorsque nous disons qu’avec la grâce de Dieu, nous allons essayer de ne pas recommencer et de lutter contre ce qui pourrait encore nous entraîner au péché. « La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre » (Pape François, Misericordiæ vultus, n° 2). Le Christ nous révèle aujourd’hui le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. En l’accueillant, nous nous ouvrons à une vie nouvelle, nous prenons l’engagement de laisser davantage de place à l’amour tel que Jésus l’incarne. Nous poursuivons notre course avec le Christ pour parvenir avec lui jusqu’à la joie de la communion avec le Père et être revêtu de sa gloire. Nous convertir, c’est choisir la vie !