Homélie du 3ème dimanche de Carême

dimanche 23 mars 2025

Par le père Philippe Blanc, chapelain

Durant ce temps du carême, c’est bien un itinéraire de conversion que nous parcourons ensemble. Quel que soit notre rythme de marche, nous allons vers une rencontre qui peut tout changer dans notre vie, la rencontre avec Jésus, visage de la miséricorde du Père. Sur ce chemin, nous allons vivre une expérience. C’est l’expérience de la proximité de Dieu, d’un Dieu qui se révèle pour que l’homme puisse vivre. Combien de fois avons-nous entendu ce mot et cet appel à la conversion ?... et combien de fois y avons-nous répondu en vérité ?

Cette conversion est une réalité qui nous dérange un peu, et parfois beaucoup. Car se convertir, c’est changer quelque chose dans ma vie, c’est renoncer à certains chemins, c’est me détourner de telle ou telle habitude… Se convertir, c’est finalement participer dans notre vie quotidienne au combat de la vie contre toutes les forces de mort ; c’est choisir les chemins parfois difficiles de la lumière pour s’opposer à toutes les obscurités ; c’est faire une confiance totale à l’amour qui unifie et libère et renoncer à tout ce qui divise et nous aliène dans les formes modernes ou anciennes de l’esclavage. Et Jésus vient de nous le dire à plusieurs reprises dans l’évangile : si vous ne vous convertissez pas, vous périrez !

Se convertir, ce n’est donc pas simplement la mise en conformité avec un règlement, une loi ou une morale. C’est pour nous une question de vie ou de mort. La question est tout simplement : voulons-nous vivre avec le Christ ? voulons-nous vivre de la vie du Christ ? Cela fait référence à un choix radical et notre réponse aura des conséquences pour notre présent et notre avenir.

Alors, rappelons-nous avec saint Paul que nous avons reçu le baptême qui fait de nous des créatures nouvelles et que l’Esprit Saint nous a été donné pour que nous puissions célébrer les merveilles du Seigneur, annoncer l’Évangile en toute liberté de cœur et transformer le monde par la puissance de l’amour et de la vérité. Rappelons-nous qu’en écoutant l’Évangile et en mangeant le Corps du Christ nous prenons l’engagement de devenir Celui qui nous avons reçu et que nous sommes envoyés pour nourrir nos frères et sœurs affamés d’amour et d’espérance. Nous convertir, c’est prendre les moyens pour que ce nous disons, ce soit aussi ce que nous vivons. Et ainsi notre vie sera le bonheur de Dieu.

Et puis, rappelons-nous aussi avec Moïse que c’est Dieu qui prend toujours l’initiative de venir à notre rencontre et qui se révèle comme le Dieu des vivants, comme le Dieu qui participe à notre histoire. C’est un Dieu qui voit la misère de son peuple et qui ne reste pas inactif ou indifférent. Il intervient pour guérir et réconcilier, pour libérer et sauver. Il donne l’audace de sortir des terres d’esclavage et de soumission. Il parle par la voix de ses prophètes et, plus encore, par celle de son Fils en qui il a mis tout son amour. Il manifeste sa fidélité y compris, bien sûr, lorsque le peuple se révolte et récrimine contre sa volonté. Oui, rappelons-nous des hauts-faits de Dieu. Faisons mémoire des merveilles qu’il a accompli et qu’il continue d’accomplir en nos vies. Nous convertir, c’est reconnaître la Présence de Dieu au cœur de notre vie et au sein de notre monde. Et ainsi, notre vie sera le bonheur de Dieu.

Nous convertir, c’est dire « oui » à l’Amour de Dieu et redécouvrir notre vraie grandeur qui est d’aimer comme Dieu aime. N’oublions pas que l’amour est le signe distinctif des disciples du Christ et des communautés chrétiennes : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Écoutons le Christ et regardons-le. C’est lui qui nous montre ce que veut dire « aimer » et qui nous donne le commandement qui est chaque jour nouveau : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». Il n’est pas venu pour faire des théories ou des discours sur le thème de l’amour. De son incarnation jusqu’à sa résurrection, toute sa vie a été une manifestation de l’amour à travers ses paroles et ses actes. Il a pris chair de notre chair pour nous dire que notre humanité est capable d’aimer et que l’amour est la voie privilégiée pour notre humanisation. Il a offert sa vie sur la croix pour nous dire que l’amour est toujours source de vie nouvelle et que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. Si nous voulons savoir ce que veut dire « aimer », regardons le Christ et, ensuite, essayons d’imiter le Christ. C’est cela aussi se convertir, c’est cela aussi être le bonheur de Dieu.

En ce dimanche, vivons notre résurrection en nous ouvrant à l’amour de Dieu qui fait en nous toutes choses nouvelles et qui nous donne de porter du fruit. En étant disponibles pour vivre une authentique conversion nous plongerons entre les bras de notre Père et nous trouverons en lui la force et la joie de vivre en réconciliés et aussi en réconciliateurs. Laissons-nous rejoindre par la Parole de Dieu qui est source de paix et de fécondité. Avec le Christ, choisissons les chemins de la vie. Alors notre conversion ne sera plus seulement un projet pour demain ou après-demain mais une expérience actuelle qui fera le bonheur de Dieu et le nôtre.