Depuis le mercredi des Cendres, tous les matins, nous commençons l’office de Laudes avec cette antienne : « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu ». En effet, le carême n’est pas une sombre période d’efforts, solitaires, pesants, voire douloureux. Non! Le carême n’est pas un fardeau. Il est un cadeau. Dieu nous offre ce temps de grâce pour qu’ensemble, avec toute l’Eglise, nous fixions nos regards sur Jésus-Christ, splendeur de la gloire du Père.
C’est l’expérience même de Pierre, Jacques et Jean sur le Thabor. Et c’est là l’expérience fondamentale : se laisser fasciner par le Christ et, rassasiés par la splendeur de sa face, entrer dans le combat de Dieu. Pas notre petit combat, le combat de Dieu en nous et dans le monde. Dimanche dernier, nous avons accueilli ici avec beaucoup de joie 30 jeunes adultes qui seront baptisés à Pâques dans le diocèse de Gap. Ils cherchent avec avidité la Beauté qui donnera du sens à leur vie.
Ce qui nous pousse tous à chercher ardemment cette Beauté de Dieu c’est, paradoxalement, la négation de la Beauté. Car la Beauté est niée partout où le Mal paraît l’emporter, où la violence et la haine se substituent à l’amour, la domination écrasante à la justice.
Mais la Beauté véritable est niée aussi la où la joie a disparu. En particulier là où le cœur des croyants s’est laissé gagner par l’évidence du Mal, là où manque l’enthousiasme d’une vie de foi, là où ne règne plus la ferveur de celui qui marche à la suite du Maître de l’Histoire. Cette négation de la Beauté est subtile. Elle envahit et occupe la vie de tous, croyants ou incroyants. Il s’agit de l’horreur de la guerre, bien sûr, mais plus insidieusement de la médiocrité qui progresse, des calculs égoïstes qui peu à peu se substituent à la générosité. Il s’agit aussi de notre fidélité qui devient habitude répétitive et vide au lieu d’être incessante nouveauté du cœur et de la vie.
L’Évangile de la Transfiguration arrive aujourd’hui comme une déchirure dans le ciel grisâtre de notre quotidien. C’est là, au cœur de nos épreuves, dans notre médiocrité quotidienne, que nous découvrons la splendeur de l’Amour. Oui, Jésus transfiguré nous dévoile combien il est beau de vivre en notre temps , alors que pourtant, la laideur et la violence viennent sans cesse nous agresser. Il est beau de contempler le Christ, miroir de la gloire du Père et de le suivre; il est beau d’aimer son Eglise ; il est beau de lire le monde et notre propre histoire à la lumière de la Croix qui sauve , de la splendeur de l’amour qui se livre. Il est beau de donner notre vie pour nos frères. Il est beau de jouer notre vie sur le Christ. Il est la Vérité en personne. Il est le plus grand Bien. Il est surtout le seul à nous révéler la Beauté divine dont notre cœur à tant besoin. Son témoignage nous invite en descendant du Thabor à sortir de nous-mêmes et à nous livrer sans réserve au feu dévorant de l’Amour qui transfigure et sauve le monde.
Père Michel Desplanches
Recteur