Homélie du 2ème dimanche de Carême

dimanche 25 février 2024

Par le père Philippe Blanc, chapelain

« Jésus… les emmena à l’écart sur une haute montagne… il est bon que nous soyons ici ! ». Ces mots de l’évangile semblent décrire l’expérience que nous sommes en train de vivre. Il est bon pour nous d’être ici, au Laus, où la Vierge Marie nous montre le chemin qui conduit à son Fils. Avec elle, il est bon pour nous de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Elle est comme une semence jetée dans la terre de notre humanité ; elle est source de notre action de grâce. Après le passage par le désert, suivons maintenant Jésus sur la montagne de la transfiguration.  

 

Quel est le contexte de cet événement ? Jésus vient d’annoncer sa passion et sa résurrection ; il a précisé à ses disciples que, pour le suivre, il était nécessaire de renoncer à soi-même et de prendre sa croix. Saint Marc nous dit – mais cela n’a pas été retenu dans la traduction liturgique – « six jours après », comme pour nous introduire dans le nouveau monde à venir et nous inviter à accueillir la lumière du jour nouveau du matin de Pâques.

 

En ce temps de carême, nous sommes en chemin vers la lumière de Pâques mais, comme Abraham, nous sommes encore confrontés à l’obscurité de l’épreuve. Cette épreuve n’est là ni pour nous faire tomber, ni pour nous faire douter de la fidélité de Dieu. Comme pour notre père dans la foi, elle est un appel à la confiance. Dieu nous surprend parfois par ses propositions, mais chaque fois, si nous parvenons à nous donner en vérité, si nous nous abandonnons à son amour, elles peuvent nous aider à grandir.

 

Le Dieu qui se manifeste à Abraham est le maître de la vie, et c’est bien cette vie qu’il offre à tous ceux et celles qui s’engagent avec lui dans une relation d’alliance. Dieu ne veut pas la mort d’Isaac, Dieu ne veut pas la mort de ses enfants. Comme le dit d’ailleurs le psalmiste : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ! » Alors, c’est pour sauver toute vie, c’est pour que la mort soit à jamais vaincue par la puissance de la vie et de l’amour, que le Père va livrer son propre Fils. En lui, le Père nous a tout donné nous a rappelé saint Paul, et si le Christ nous a rejoint dans notre humanité, y compris dans notre mort humaine, c’est pour que notre humanité ne trouve plus son terme dans la poussière de la terre mais soit éternellement appelée à participer à la vie même de Dieu.

 

Il faudra du temps aux apôtres de Jésus pour qu’ils dépassent leur frayeur et qu’ils comprennent ce que signifie pour leur Maître mourir et ressusciter. Quant à nous, nous avons souvent entendu, sans toujours bien le comprendre, que par le baptême, nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Ce n’est que dans la foi, autrement dit dans la confiance et dans l’amour, que nous pouvons accueillir cela et avancer jour après jour dans la fidélité à ce Dieu qui nous surprend mais qui ne faillit jamais lorsqu’il s’agit de nous conduire vers la plénitude de la vie.

 

Pour éviter que ses disciples soient écrasés par les événements qui auront lieu à Jérusalem, Jésus se fait voir aujourd’hui, resplendissant de gloire, revêtu de la lumière de la résurrection. C’est lui, Jésus, qui est l’accomplissement de la Loi, d’où la présence de Moïse à ses côtés. C’est lui, Jésus, qui est la parole ultime et définitive sur Dieu et sur l’homme, d’où la présence d’Elie, le grand prophète. Comme l’écrit saint Jérôme, « Moïse et Élie surgissent : c’est-à-dire la Loi et les Prophètes ; et ils s’entretiennent avec l’Évangile ». C’est lui, Jésus, le Verbe fait chair, la Parole vivante, qui est le Fils bien-aimé ; c’est lui qui vit et incarne la vérité de l’amour et s’engage librement pour qu’au terme de notre route, nous participions avec lui à la victoire de la vie. Oui, il nous est bon d’être auprès de lui, de le regarder et de nous laisser regarder ; de contempler sa gloire et de nous redire que, nous aussi, nous sommes faits pour cette gloire.

 

La voix qui se fait entendre dans la nuée nous a redit : « Écoutez-le ! » En ce temps de carême, n’oublions pas de prendre du temps pour écouter la parole de Dieu, pour l’écouter en nous préparant à l’observer, pour l’écouter en nous laissant progressivement transformer par elle. Écouter la parole, c’est aussi prendre la décision de mettre notre vie et nos engagements davantage en cohérence avec ce que nous avons entendu. C’est accueillir joyeusement l’appel à la conversion, ce qui signifie nous détourner de tous les germes de mort pour faire le choix de la vie avec Dieu.

 

Que ce soit comme avec Abraham sur le mont Moriah, avec les apôtres sur la montagne de la transfiguration ou ici sur la montagne du Laus, le Seigneur nous appelle à le suivre pour que nous soyons les témoins de son amour fidèle ; pour que nous proclamions les promesses de vie qu’il fait à son peuple et à tous les hommes. Alors, comme nous y a invités l’évangile, restons fermement attachés à la parole de Dieu, celle qui était annoncée par les patriarches et les prophètes, celle qui est pleinement accomplie en Jésus, Verbe fait chair, celle qui est fidèlement proclamée par l’Église à travers l’histoire.

 

Et lorsque nous redescendrons de la montagne, lorsque nous retrouverons nos activités, nos engagements et nos relations, lorsque nous serons sur nos terrains quotidiens de la mission, allons-y avec Jésus vivant en nous et transfigurant toutes nos actions et notre vie pour qu’elles soient signes et sacrements de sa présence et du salut qu’il offre à tous et à chacun. Nous vivrons ainsi le carême comme une victoire de la vie, comme une victoire de l’amour, comme un temps de transfiguration.