Homélie du 27ème dimanche du temps Ordinaire

mardi 10 octobre 2023

Par Le Père Michel Desplanches - Recteur -

C’est un comble! Le Seigneur n’arrive pas à recueillir du fruit sur sa propre vigne!

En cette période où s’achèvent  les vendanges, l’Évangile nous invite à nous rapprocher de nos racines terriennes. Amis de Benoîte Rencurel, vous savez combien elle était enracinée  dans sa terre alpine et combien de fruit elle a portés.

Il n’en est pas de même pour nous .

Malgré tous les soins dont le Seigneur a entouré sa vigne, elle ne donne que de mauvais fruits nous dit le prophète Isaïe. Le Seigneur s’est investi en offrant le meilleur à une plante qui refuse de livrer ses fruits.

Au-delà de la parabole, le prophète Isaïe nous invite ainsi à regarder attentivement la fécondité de nos vies.  L’actualité va si vite, nous sommes tellement bousculés  par les événements, que nous risquons toujours  de vivre comme de petits oiseaux, légers et oublieux. Or le prophète compare son peuple, et donc chacun de ses membres, à une vigne plantée par Dieu, soignée et entretenue par lui avec amour. Nos vies personnelles sont enracinées en lui profondément . Elles ne sont pas livrées à tous les vents. Il nous faut sans cesse le réaliser.

Nous avons tout reçu de Dieu, mais voilà :  nous ne lui offrons rien… « J’attendais de beaux raisins, pourquoi ma vigne en a-t-elle donné de mauvais ? » La déception du Seigneur est immense. À la mesure de l’espérance qu’il avait mise en chacun de nous.

Le prophète nous appelle donc à regarder nos vies, à relire notre histoire et notre relation à Dieu. Car une vigne n’existe que pour porter du fruit et nos vies ne sont pas décoratives. Dieu en prend soin pour pouvoir en recueillir du fruit. Il veut goûter le fruit de son œuvre. C’est l’alliance.

Et en relisant notre vie, l’honnêteté nous pousse à reconnaître que nous avons tout reçu: « Pouvais je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? » dit le Seigneur. Oui, notre Dieu est déçu par son peuple comme il est déçu, si souvent, par chacun de nous : « J’attendais de beaux raisins, pourquoi ma vigne en a-t-elle donné de mauvais ? ». Ce « pourquoi » de Dieu est désarmant. Oui, le Seigneur souffre de la stérilité de nos vies. Cette stérilité, c’est le mystère de nos péchés, c’est cette abjuration silencieuse qui stérilise tous les dons de la grâce dont  le Seigneur nous comble.  Dieu est déçu à la mesure de l’offrande qu’il fait de lui-même. Dieu est déçu par les grands prêtres et les anciens. Dieu est si souvent déçu par son Eglise et par chacun de nous. Car notre péché est une violence faite à sa confiance et à sa tendresse. Mais ce constat d’échec peut-il être le dernier mot de l’alliance? Notre histoire sainte ne serait-elle que l’histoire d’un rendez-vous manqué ?

Non, car Jésus reprend l’image de la vigne dans l’Évangile. Mais là, cette vigne, c’est le peuple de Dieu. Ses responsables ont mis la main sur lui. Ils ont refusé de remettre les fruits de leur travail. Et pour finir, ils ont tué le fils. La vigne n’est plus qu’un enjeu de pouvoir.

Jésus reprend alors l’image du psaume 17 qui place la foi pascale au cœur de l’épreuve et du refus: « La pierre qu’on rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ». Jésus que l’on tuera hors de la ville est lui-même la pierre rejetée. La lumière de Pâques vient soudain  illuminer ce sombre récit. C’est par le Christ, avec lui, en lui, que l’humanité produira du fruit en abondance, un fruit tout offert à la gloire du Père. L’homme s’était coupé de Dieu. L’homme avait tout fait pour vivre sans lui. Le monde était devenu un bien qu’il fallait s’accaparer et non une richesse à partager, à faire fructifier… Alors, frères et sœurs, lisons  et relisons sans cesse notre histoire sainte. Le Christ vient transfigurer tous nos refus en fruits de foi et d’amour. Lui seul, offrant sa vie au pressoir de la croix, fera de nos vies un vin nouveau à la saveur de fête et à la joie sans fin. Le Seigneur, par la victoire du Fils, goûtera enfin au fruit de sa vigne… et  nous aurons remis à Dieu les merveilles qu’il nous a partagées, les merveilles de l’alliance nouvelle et éternelle.