Il n’y a pas si longtemps, le Christ nous a questionné : « Pour vous, qui suis-je ? ». Il nous a aussi avertis que, pour le suivre, il nous fallait accueillir et porter notre croix. Puis, il nous a montré le chemin du service par amour. Là est notre vocation commune, là est notre mission. L’Esprit Saint que nous avons reçu au baptême et à la confirmation nous accompagne, nous fortifie et nous éclaire pour que nous soyons au cœur de ce monde, des témoins du Christ, signes de sa présence, porteurs de sa Parole, vivants de son amour. En cela, nous participons à la mission prophétique et nous répondons au souhait de Moïse : « si le Seigneur pouvait faire de son peuple un peuple de prophètes ».
À nous de découvrir et de vivre cette vocation prophétique à laquelle le Seigneur nous appelle. Le prophète ne craint pas de proclamer, à temps et à contre-temps, la parole qu’il a d’abord reçue et qu’il est urgent de faire entendre. Il ne se laisse pas décourager par les épreuves lorsqu’il s’agit de partager la parole de vérité. La Parole de Dieu vient toujours déranger nos habitudes et notre petit confort. Elle vient toujours ouvrir en nous un chemin de conversion et de réconciliation. Elle nous pousse à aller vers les autres pour leur dire nos raisons de croire et d’espérer.
Au cœur de la mission du prophète, il y a la Parole de Dieu. Revêtu de l’Esprit du Seigneur, il ne se contente pas de dire la Parole ; il apprend à la vivre, à la mettre en pratique. Et c’est ainsi que la Parole porte du fruit. Rappelons-nous que chacun d’entre nous est choisi, que chacun d’entre nous est appelé, pour montrer le Seigneur, pour permettre et faciliter la rencontre avec lui, pour donner du goût à notre monde tant blessé et affadi par le manque de foi. Dans un monde où résonnent les bruits de la guerre, le prophète est artisan de paix là où il vit, dans les relations humaines qui font son histoire quotidienne. Dans un monde privé de sens, le prophète montre le Christ, Serviteur et Sauveur de tout homme. Dans un monde désabusé et découragé, le prophète est porteur de la Bonne Nouvelle qui est source de vie nouvelle et de joie.
Voilà ce que nous sommes et voilà ce que nous devons au monde car nous ne pouvons pas nous taire. Il ne s’agit pas de transmettre des idées ou des conseils. Notre mission est orientée vers le salut que Dieu veut offrir à ses enfants. Bien sûr, nous pouvons dire : puisque Dieu est tout-puissant, il peut agir directement ! Mais telle n’est pas la pédagogie de Dieu. Il a trop de respect pour notre liberté et pour notre dignité de partenaire de l’alliance pour nous contraindre ou s’imposer à nous. Telle est la fragilité de notre Dieu : il vient mendier notre amour et attend notre réponse. Refuser de répondre, ou remettre notre réponse à plus tard, c’est trahir notre vocation et la confiance de Dieu en nous. Et le scandale serait que nous nous satisfaisions de notre relation personnelle avec le Seigneur, en oubliant les frères et sœurs qui nous sont confiés. Le scandale serait que nous nous contentions de nos petites assemblées dominicales en oubliant la foule des affamés qui nous entoure. Le scandale serait que nous soyons repliés sur nous-mêmes, satisfaits de nous-mêmes, alors que le monde est en feu.
Entendons les paroles de l’évangile qui vient d’être proclamé : ne soyons pour personne des occasions de scandale alors que nous sommes porteurs de la Parole qui est Vérité et Vie. Que notre témoignage personnel ne soit pour personne une occasion de chute alors que nous sommes fils et filles de la lumière. Selon son habitude, saint Jacques a des paroles fortes et claires pour démasquer le manque de cohérence entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Il dénonce notre esclavage à l’égard des richesses qui nous étouffent et nous empêchent de voir le frère ou la sœur dans le besoin. Nous disons que Dieu est amour… est-ce suffisant de le dire ? À nous de montrer concrètement – par des actes – cet amour et de le vivre, tel qu’il nous transforme pour que nous puissions collaborer à l’œuvre de salut et de paix pour laquelle le Christ s’est offert sur la croix.
Imaginer la paix, vivre en artisans de paix, voilà une mission prophétique en ces temps où près de soixante lieux de conflits et de guerre ensanglantent notre monde. Le scandale serait de dire : c’est ainsi, nous n’y pouvons rien. Le Seigneur nous dirait alors : qu’as-tu fait de ton frère, de ta sœur ? Servir la vie, vivre dans la joie la vie nouvelle des enfants de Dieu, voilà une mission prophétique en ces temps où l’idéologie, la rentabilité, le non-respect de la dignité de toute personne humaine déshumanisent nos cultures et nos sociétés. Le scandale serait de baisser les bras et de détourner le regard en tombant dans l’indifférence. Le Seigneur nous dirait alors : qu’as-tu fait de mon amour et de la vie que je t’ai donnée ?
Jésus nous redit avec force et avec toute la conviction de son amour que nous ne sommes pas faits pour la géhenne mais pour la vie éternelle. En disant « que ton Règne vienne », nous nous offrons comme autant d’artisans et de témoins pour que l’œuvre d’amour de Dieu se réalise en nous et par nous. L’esprit du Seigneur repose sur nous et c’est lui qui nous envoie pour que nos paroles et nos actes proclament et manifestent l’amour de Dieu. Comme le psalmiste, soyons des serviteurs illuminés par la parole du Seigneur car c’est elle qui redonne vie.