Homélie du 22ème dimanche du temps Ordinaire

dimanche 03 septembre 2023

Par Le Père Michel Desplanches

Nous vivons dans une culture qui tourne gaillardement le dos à ses racines. Pourtant, s’il reste trois mots de latin à nos contemporains, on les trouve dans cette page d’évangile : « Vade retro, Satanas. » Cet appel puissant du Christ qui invite Satan à le suivre est tellement frappant, qu’il traverse même les parois étanches de notre époque résolument moderne. Contraindre le démon à devenir disciple, c’est l’œuvre de la foi. Car Dieu, nous le savons, est le Maître de l’impossible. C’est ce que symbolise le loup que saint François d’Assis attelle  à sa charrue… Jésus ressuscité, vainqueur de la mort, traînera Satan dans son cortège de victoire. Mais cela ne pourra pas se produire sans qu’il  traverse résolument l’épreuve de la croix. Jésus le révèle ici aux disciples, mais Pierre ne peut pas supporter de voir Jésus lui-même fouler aux pieds sa conception de la mission du Christ. Pierre est tellement choqué, qu’il n’entend même pas Jésus annoncer sa résurrection au terme de ses épreuves. En fait, lui, le prince des apôtres, n’accepte pas la mission de salut du Christ. Il a son plan, sa façon bien humaine d’envisager la juste stratégie qui mènera Jésus au pouvoir pour restaurer le royaume messianique. Ainsi nous voyons s’affronter le projet de gloire de Pierre et le projet de salut de Jésus. La logique du ciel n’est définitivement pas la nôtre. Sans cesse, il nous faut changer nos points de vue et nos petits calculs. Sans cesse, il nous faut redire que sauver sa vie ne peut se faire qu’en acceptant de la perdre. Sauver sa vie, échapper à la croix, c’est  finalement abandonner Jésus et, par conséquent, ne plus avoir accès au salut qu’il apporte  par la croix.

En revanche, risquer sa vie pour le Christ en le suivant jusqu’au bout, c’est cela « la trouver ». Trouver sa vie, c’est donc suivre Jésus. Il n’y a pas d’alternative. Renoncer à soi-même, c’est renoncer à ce qui me fait du bien pour choisir de faire le bien; c’est renoncer à l’abondance pour choisir la sobriété ; c’est renoncer à cette illusion de croire que je peux me construire tout seul pour choisir la solidarité et la fraternité ; c’est renoncer à être au centre pour choisir de se centrer sur les autres et sur Dieu ; c’est  renoncer enfin à la logique de l’échange pour choisir celle du don généreux, jusqu’au bout. C’est cela le chemin de Jésus. Le chemin de la croix, c’est le chemin de l’Amour. C’est l’unique source de la vraie joie car Jésus nous l’assure: tout acte ici-bas a une portée décisive, éternelle  puisque Dieu, nous dit-il, rendra à chacun selon sa conduite.

Nos choix pour aujourd’hui sont le signe de notre décision de ne plus nous appartenir. Jésus devient alors notre raison d’exister. Venir à sa suite, c’est choisir le chemin du dépouillement le plus radical. C’est là le seul chemin qui conduit à la vraie liberté et à la joie de la résurrection. C’est la clé qui nous ouvrira l’éternité en Dieu.

Laissons-nous dépouiller de nos fausses sécurités. Laissons-nous transformer pour que tout en nous soit lumière de vie et de liberté.

Père Michel Desplanches

Recteur