Homélie du 14ème dimanche du temps ordinaire

dimanche 07 juillet 2024

Par le père Philippe Blanc, chapelain

 

Pour acclamer l’évangile, nous venons de chanter : l’Esprit du Seigneur est sur moi. Dans la première lecture, le prophète Ézékiel constate que l’esprit lui est donné pour qu’il puisse assumer sa mission. D’autre part, nous nous souvenons que Jésus avait fait cette promesse à ses disciples : vous recevrez l’Esprit Saint. Et pour nous, au jour de notre baptême et de notre confirmation, cette promesse s’est accomplie. L’Esprit demeure en nous et sa présence donne à notre humanité une dignité unique.

L’Esprit Saint nous conduit au Christ, qui est la vérité tout entière ; il entretient en nous la mémoire des paroles dites par le Seigneur ; il nous vivifie et nous renouvelle dans notre vocation commune d’enfants bien-aimés du Père, de disciples du Christ, de membres vivants de l’Église. Comme l’a exprimé le psalmiste, l’Esprit nous invite à lever les yeux vers le Seigneur notre Dieu car c’est lui qui est source de tout amour et de toute paix. Mais, en même temps, l’Esprit nous provoque à avoir les pieds sur terre car c’est là, dans le concret de notre vie quotidienne, que nous sommes choisis pour être des témoins, des porte-parole, des porte-lumière.

Plus nous sommes ouverts à l’Esprit Saint, plus il devient pour nous un maître de vie, plus il se donne à nous pour que nous travaillions efficacement à l’avènement d’un monde nouveau. Puisque l’Esprit est en nous, c’est chaque jour Pentecôte ! à nous donc d’ouvrir les portes et de sortir à la rencontre de nos frères et sœurs pour leur transmettre la Bonne Nouvelle par le témoignage de notre vie. Tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais ‘par attraction’ (EG 14). L’Esprit est l’aimant qui unit le Père et le Fils et c’est en lui que nous découvrons la joie de l’amour ainsi que cette capacité qui nous est offerte d’aimer à la manière de Dieu.

Le prophète Ézékiel nous dit que l’esprit lui permet de se tenir debout. Se tenir debout, c’est être dans l’attitude du ressuscité, c’est être du côté du vainqueur du matin de Pâques. Nous ne sommes pas créés pour être enfermés dans des tombeaux, nous sommes appelés à la vie, à nous tenir debout devant Dieu pour vivre avec lui une alliance dans l’amour. Bien des événements peuvent nous accabler et nous mettre à terre. Mais le Christ ne cesse de nous dire, en nous prenant par la main : lève-toi ! Par sa présence et sa parole, il nous guérit et nous apaise.

L’esprit que le prophète reçoit lui donne la force et l’audace de proclamer une parole qui ne vient pas de lui mais qui est parole de Dieu pour aujourd’hui. Il ne parle pas seulement lorsqu’il est assuré d’un succès, lorsqu’il est sûr d’être entendu et accueilli. Il est envoyé comme témoin vers toute l’humanité, y compris celle qui s’est révoltée contre Dieu, celle qui a un cœur obstiné. La parole est offerte à toutes et tous, et le prophète ne choisit ni le contenu du message, ni les destinataires auxquels il s’adresse. Pour lui, toutes les occasions sont bonnes pour faire entendre cette parole porteuse de vie et de renouveau.

À la suite des prophètes, et venant pour accomplir les promesses qu’ils avaient faites, le Christ se fait proche des petits, des malades et des pécheurs… autrement dit, de nous. En nous parlant, il nous montre le chemin qui conduit vers le Père et il marche avec nous. Et c’est sur ce même chemin que nous allons à la rencontre de nos frères et sœurs pour leur partager la Bonne Nouvelle.

Conscient de cette mission et de cette responsabilité, nous ne devons pas oublier que nous sommes des serviteurs. Même saint Paul dit qu’il lui faut être vigilant pour ne pas se surestimer. Ce n’est pas notre parole, nos raisonnements, nos idées personnelles que nous sommes appelés à transmettre, mais la Parole de Dieu. Dans la fragilité de ce que nous sommes, c’est toute la puissance de Dieu qui se déploie. Comme l’apôtre, il nous suffit d’offrir au Seigneur notre faiblesse. Notre force ne vient pas de nos capacités ou de nos performances, mais de notre mise à disposition de l’œuvre de Dieu, de notre libre consentement à la réalisation de sa volonté. Beau projet pour chacune et chacun de nous, et aussi pour nos familles et nos communautés humaines et ecclésiales. Mais, sommes-nous vraiment prêts à nous laisser conduire, non pas nécessairement là où nous voulons aller et par les chemins que nous avons déjà prévus, mais là où le Seigneur nous conduit et nous attend, là où il veut faire entendre aujourd’hui sa parole et manifester son amour ?

L’évangile nous dit que dans son lieu d’origine Jésus ne pouvait accomplir aucun miracle. En lisant attentivement, on peut comprendre que les auditeurs ne veulent pas entendre la parole de Jésus, ils sont non seulement étonnés mais choqués, leur cœur est fermé à cet enseignement nouveau et le Christ lui-même s’étonne de leur manque de foi. Il ne peut accomplir aucun miracle parce que la porte des cœurs est fermée, et Jésus n’entre pas par effraction. Il est toujours disponible pour la rencontre mais il ne nous contraint pas, il ne s’impose pas à nous au point de mépriser notre liberté. Tant que nous n’acceptons pas d’ouvrir la porte, nous faisons obstacle à son œuvre, nous nous privons du don de sa grâce, nous nous fermons à son amour, nous nous détournons de la source de la vraie vie. La seule limite à sa puissance est notre capacité de dire « non » lorsqu’il veut se donner à nous.

L’Esprit nous est donné pour préparer notre cœur à la rencontre avec le Christ et, par lui, avec le Père. C’est l’Esprit de paix qui vient nous libérer de nos peurs humaines ; c’est l’Esprit de sagesse qui nous ouvre à la nouveauté de la Bonne Nouvelle. C’est aussi l’Esprit qui façonne en nous un cœur nouveau. Comme au jour de Pentecôte, l’Esprit nous invite à ouvrir largement les portes et à proclamer par notre vie que le Christ est vivant, réellement présent auprès de nous et en nous. Il fait de nous des prophètes et des témoins pour ce moment de l’histoire. Alors, ne fermons pas notre cœur et disons simplement : viens, Esprit Saint, emplis notre cœur de ta présence, sois notre force et notre joie, donne-nous de nous tenir debout, mets sur nos lèvres la parole de vérité, rends-nous libres pour l’accomplissement de notre mission de baptisés et de disciples du Christ.