Homélie du 10ème dimanche du temps ordinaire

dimanche 09 juin 2024

Par le père Miguel Mekena-Mekongo

Les gens de chez lui, l’apprenant vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête ».

Il a perdu la tête ! Ces mots traduisent bien l'incompréhension et l'hostilité dont Jésus a été la victime innocente. Il faut dire qu’il a grandi normalement auprès des siens à Nazareth ; puis un jour, il décide de commencer une nouvelle vie. Il se fait baptiser, change de résidence, et s'installe à Capharnaüm où il devient populaire parce qu'il soigne et guérit les malades. Et beaucoup l’aime justement parce qu’il guérit et accomplit des miracles. Mais il ne fait pas que ça ; il prêche dans les synagogues et annonce ses Béatitudes ; il porte la proposition d’un monde nouveau à travers un message qui dérange.

L'évangile de ce jour, nous présente Jésus assis dans une maison remplie de personnes qui l'écoutent, qui commencent à se passionner de son Evangile : c’est la nouvelle communauté qui commence à se constituer. Mais à l’extérieur, hors de cette maison, il y a d’autres personnes. Celles qui ont compris que l'Évangile remettait en question les convictions et les choix de vie, qu’il inquiétait les consciences et exigeait la conversion du cœur et de l'esprit. Ces gens-là, dehors, ne sont pas disposés à se laisser mettre en crise, à se laisser renouveler. Nous comptons parmi eux les

scribes et les pharisiens qui sont opposés à Jésus parce qu'il annonce le pardon des péchés, l'amour inconditionnel de Dieu pour tous, la primauté de l’homme et de sa vie sur les rites comme le sabbat. Pour ces vérités, pour ce message, pour son Evangile, Jésus subira de ces personnes une persécution terrible.

Cette opposition que Jésus rencontre, de nombreux prophètes d’hier l’ont connue. Pensons à Jean-Baptiste, Amos, Jérémie, Elie : leur message au nom de Dieu inquiétait. Ben Sira le Sage dit d’Elie que « sa parole brûlait comme le feu » (Si 48, 1). Cette opposition beaucoup de prophètes d’aujourd’hui la rencontrent à cause de leur parole de feu. La question fondamentale est celle de savoir si les paroles des chrétiens rassemblés dans cette basilique brûlent comme le feu ? Je ne fais pas allusion aux paroles de médisance, aux gros mots, aux calomnies, aux mensonges, aux blasphèmes qui, évidemment, font beaucoup de mal aux auteurs et aux victimes ; mais je fais allusion à nos paroles pour la cause de Jésus, pour la cause de l'Eglise : brûlent-elles comme le feu ? Si oui, préparons-nous aux persécutions et à l'opposition de la part de ceux qui ne donnent pas leur adhésion au message du Christ et au message de l'Eglise. Mais ce n’est pas la seule opposition à laquelle il faut se préparer.

Il existe une autre opposition, celle qui vient de ceux dont on attendrait soutien, encouragement et aide. Le psalmiste dit : « Si l'insulte me venait d’un ennemi, je pourrais l'endurer ; si mon rival s'élevait contre moi, je pourrais me dérober. Mais toi, un homme de mon rang, mon familier, mon intime. Que notre entente était bonne quand nous allions d’un même pas dans la maison de Dieu » (Ps 54, 13-15). Elle peut venir de l’intérieur même de l’Eglise ou de sa propre famille. Pour nous chrétiens, souffrir pour l'Église lorsque ses ennemis nous attaquent est déjà très douloureux, mais souffrir par l'église, par ses membres, souffrir de l'incompréhension de sa propre famille, l’est davantage.

Jésus en a fait l'expérience. Les personnes de sa famille (les gens de chez lui) lui sont bienveillantes, elles ne le détestent pas, elles l’aiment, ce sont ses amis, mais elles pensent quand même qu'il a perdu la tête, qu’il est fou de poursuivre une telle mission alors qu’elle dérange. Il arrive à tellement de chrétiens aujourd'hui d’avoir le même comportement que ces gens de chez Jésus. Lorsque le message évangélique remet en cause les convictions culturelles et les intuitions fondamentales, la tentation est grande de chercher à s'en saisir pour le ramener à notre propre logique. Lorsque Jésus annonce à ses disciples qu’il doit descendre à Jérusalem et y mourir, Pierre le prend à part, et lui fait de vifs reproches (cf. Mt 16, 21ss) ;

il lui suggère de faire le choix de la raison, parce que c’est insensé d’aller à Jérusalem alors que la mort l’y attend, lui le Messie. Sans nous en rendre compte parfois nous, chrétiens, amis, disciples et familiers de Jésus, constituons un obstacle à son action par nos oppositions à son message évangélique.

Je vous confirme que dans l'Eglise et peut-être même dans cette basilique il y en a qui sont opposés à certains éléments du message du Christ. Si j’annonce par exemple que pour Jésus l'avortement est un crime en tant qu’il est suppression d’une vie humaine, je subirai une espèce d’opposition de la part de certains de mes chrétiens qui refusent d’être dérangés par un tel message. Si j’annonce que le projet de Dieu pour le mariage reste l'union d'un homme et d'une femme uniquement, je peux subir certaines persécutions menées par mes frères chrétiens qui refusent de laisser le Christ éclairer l’idée qu’ils ont du mariage. Si je dis à mon frère qui subit la persécution que Dieu l'aime et qu'il aime aussi ceux qui le persécutent, ou encore que le Christ attend que ses amis et disciples soient capables de renoncer à l’avoir et emprunter la voie de la pauvreté, il peut s’élever des formes d’opposition plus ou moins violentes. Jésus nous dit alors : « Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir ».

la Parole de Dieu de ce jour nous rappelle alors qu'il y a deux groupes de personnes : celui des personnes qui sont à l'intérieur de la maison qui écoutent la parole de Jésus et lui donne leur adhésion et celui des personnes qui sont à l'extérieur et qui estiment que tout ou partie du message de Jésus n’est que folie, parce que Jésus a perdu la tête, et ils veulent le ramener à leur raison. Jésus, aujourd'hui comme il y a 2000 ans, parcourt du regard tous ceux qui sont autour de lui, il regarde le visage de chacun d'entre nous, il nous regarde dans les yeux et veut savoir une chose : Est-ce que nous sommes vraiment de sa famille ? C’est-à-dire est-ce que nous écoutons vraiment sa parole et lui donnons notre pleine et parfaite adhésion ?

Loué-soit Jésus-Christ !