Frères et sœurs bien-aimés, l’évangile de ce jour nous prépare à la grande fête du Baptême de demain. Nous nous situons immédiatement après le baptême de Jésus par Jean au Jourdain et nous apprenons que Jésus baptise comme Jean : « Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait. Jean, quant à lui, baptisait à Aïnone, près de Salim, où l’eau était abondante ». Notons que ce n’est pas Jésus lui-même qui baptisait, comme le précisera le même évangéliste Jean quelques versets plus loin : « A vrai dire, ce n’est pas Jésus en personne qui baptisait, mais ses disciples » (Jn 4, 2). Cela nous donne comprendre que lorsque les disciples accomplissent ce geste du baptême, c’est comme si Jésus le faisait lui-même.
Les disciples du Christ sont si profondément associés par le Seigneur à son mystère qu’ils deviennent les ministres des gestes même de Jésus. C’est le sens du sacerdoce baptismal. Mais plus encore, c’est le sens du sacerdoce ministériel : celui des évêques, des prêtres, des diacres qui prêtent leur voix à la Parole de Jésus, leurs mains et leurs gestes à son action bienveillante, afin qu’à travers eux, la grâce de Dieu soit donnée. Saint Augustin disait en son temps : « Quand Pierre baptise c’est Jésus qui baptise, quand Jean baptise c’est Jésus qui baptise, quand Judas baptise c’est Jésus qui baptise ». Car ce n’est pas la sainteté du disciple ou du ministre qui est communiquée, mais la sainteté du Christ.
Les disciples de Jésus poursuivent donc l’œuvre de baptême de Jean et attirent des foules. Cependant, « il y eut une discussion entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification. Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! » ». Cet évangile nous fait comprendre qu’il a existé des tensions entre les disciples de Jean et ceux de Jésus. Nous ne savons pas quels ont été les arguments des uns contre les autres au sujet de la purification, mais il est clair ici que l’action des disciples de Jésus est mal interprétée par ceux de Jean qui y voient une concurrence déloyale à leur maître ; ils pensent que le service de Jésus lui sera défavorable. La jalousie ! A cause de la jalousie, ils perdent de vue les Paroles que leur avait dites le Baptiste en indiquant Jésus : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29).
La jalousie est un péché capital qui entrave sérieusement notre relation au Christ, aux autres et à nous-mêmes, en ce sens qu’elle engendre de nombreuses fautes telles que : la malveillance et le ressentiment. Le jaloux est triste de ce qu’est et de ce qu’a l’autre ; il désire jouir et profiter tout seul et sans partage des biens qu’il possède. C’est le péché de Caïn, c’est celui de ces disciples de Jean dont il est question dans cet évangile ; c’est aussi le nôtre, parce qu’en chacun de nous sommeille Caïn qui se réveille lorsque nous sommes incapables de nous réjouir du bonheur de l’autre qui nous attriste ou nous indiffère. Caïn est éveillé lorsque nous sommes incapables de faire des compliments et cherchons à diminuer le bonheur et la joie de l’autre en le bombardant de critiques ; reconnaissons notre jalousie lorsque nous éprouvons une joie secrète ou une certaine paix devant le malheur d’autrui ou lorsque nous étouffons l’autre par notre besoin exclusif d’être préféré.
Nous sommes habitués à voir la jalousie s’exprimer dans la société, dans l’Église, dans les familles et les couples. Nous la voyons détruire les relations entre collègues, amis, frères, sœurs, confrères, consœurs, communautés et entre chrétiens. L’attitude humble et la réponse de Jean le Baptiste à ses disciples constituent un véritable remède contre le péché capital de la jalousie ou de l’envie. « Un homme ne peut rien s’attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel. Vous-mêmes pouvez témoigner que j’ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui ». Jean ne critique ni n’accuse. Il accepte que l’autre soit l’autre et sait que ses qualités ne constituent pas un obstacle à son épanouissement. Il consent au manque et accueille favorablement le fait qu’il existe une personne qui possède ce quelque-chose qui lui manque.
« Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux ». Jean nous invite à cultiver l’estime de soi, à reconnaître nos propres dons, comme lui-même reconnaît être l’ami de l’époux, et à bénir celui qui est ou peut être l’objet de notre jalousie. Apprenons alors de Jean à voir positivement la croissance de nos enfants, nos étudiants, nos disciples, nos collaborateurs, nos amis, et toutes les personnes qui partagent notre quotidien. Apprenons spécialement de Jean que dans l’Église, ce qui fait évoluer ou grandir une partie des membres, contribue à la croissance et au rayonnement de tout le Corps.
Demandons dans cette eucharistie, par l’intercession de Notre Dame du Laus, la grâce de mettre un terme à notre volonté de faire des partisans, et de devenir simplement membres de l’Église du Christ.
Loué soit Jésus-Christ !