Homélie du cinquième dimanche du temps ordinaire

dimanche 04 février 2024

Par Le Père Michel Desplanches - Recteur -

Lorsque nous lisons un évangile à la maison, il nous est bon de regarder Jésus dans ses actes, dans ses paroles, dans ses déplacements. On peut alors traquer des petits détails qui risqueraient  toujours de nous échapper. De ce point de vue, la page d’évangile que nous méditons aujourd’hui est passionnante. Jésus est à Capharnaüm, au bord du lac, dans un petit port. C’est le jour du sabbat. Il sort de la synagogue et rentre à la maison de Simon et André. Dans la maison des deux frères, nous apprenons que réside la belle-mère de Simon. Il faut donc en déduire que Simon est marié ou l’a été. Cette femme est malade et Jésus la guérit. Le messie aurait pu limiter son action au cercle le plus proche, dans la maison où il résidait. Mais, le soir venu, le sabbat est achevé. La population peut alors se déplacer et se presse à la porte de la maison. Jésus va alors à la rencontre de la foule. Il guérit, il apaise, il se donne jusqu’au bout de ses forces. Pour être tranquille, il sort avant l’aube et part dans un lieu désert pour prier. Jésus est un homme pour les autres, mais il est le Fils du Père éternel. Il se reçoit tout entier du Père dans le silence de la prière. Lorsque Simon et ses amis le retrouvent,  ils cherchent  à le ramener à Capharnaüm, et  Jésus s’écrie  : « Allons ailleurs, c’est pour cela que je suis sorti. » Et il parcourra toute la Galilée. Car rien n’arrête la grâce de Dieu. Le psaume 147 peut alors remonter dans nos cœurs : Dieu "envoie sa parole sur la terre, rapide son Verbe la parcourt". Jésus sait que sa mission est immense et que le temps lui est compté. Il continue sa route… Rien ni personne ne l’arrêtera.

Il y a quelques années, dans le bulletin de la paroisse de ma famille aux États-Unis, une publicité m’a intrigué. Un promoteur proposait aux catholiques d’habiter une cité protégée  par des vigiles et de la vidéosurveillance . Il y avait des contrôles à toutes les entrées. Dans cette cité, tout le monde devait être catholique. Des équipements collectifs était prévus et les activités commençaient  toujours par une prière. Une grande église devait, bien sûr, être construite au centre de cette cité. Quel drôle de projet! Il est impressionnant de voir comment nous cherchons toujours à cultiver  l’entre-soi, à nous rassurer en enfermant Jésus dans nos petits cercles bien calfeutrés. Bien sûr, nous avons tous besoin d’une communauté de référence. Jésus a besoin de ses 12 apôtres et de leur enracinement humain. Pour autant, il ne cesse d’aller à la rencontre de tous,  toujours plus loin. Il est «venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Il n’est pas venu s’installer dans l’entre-soi entouré de caméras de vidéosurveillance Dans un pays qui, chaque jour davantage, risque de se transformer en archipel, prenons garde à ne pas transformer l’Eglise en archipel ! Les petits cercles qui s’excluent les uns les autres, s’estimant chacun  propriétaire de Jésus-Christ, de la grâce des sacrements, du souci des pauvres et des démunis, tous risquent  d’oublier que Jésus-Christ ne leur appartient pas. C’est nous qui lui appartenons.

Et puis, Jésus est un prédicateur itinérant.

« Allons ailleurs », dit-il.  Il s’est ressourcé dans la prière, mais une prière qui ne le replie pas sur lui-même. Une prière qui est un élan qui le pousse toujours plus loin. Il ne se laisse pas enfermer dans des cercles aux frontières bien définies. La miséricorde de Dieu, c’est la Bonté qui ne cesse de se répandre , une source vivifiante qui a pour vocation d’irriguer la terre entière.

En ce lieu de grâce, les pèlerins goûtent  la tendre proximité de Dieu. Mais en quittant le sanctuaire, tous deviennent des témoins et partagent la force de la foi jusqu’aux extrémités de la terre.

Que le souffle missionnaire ne cesse de nous emporter dans son élan, brisant les frontières de nos petits cercles confinés. Serviteurs de l’évangile, n’ayons pas peur des courants d’air. À la suite du Christ, des apôtres, de Benoîte, ouvrons la porte, osons la rencontre, bâtissons la fraternité sans frontières qu’est l’Eglise. Cette mission nous expose, c’est certain, mais elle suscite le trésor que Dieu seul peut offrir: l’espérance qui rend la vie et la joie qui transfigure.

Père Michel Desplanches

Recteur