Homélie de Pentecôte

dimanche 08 juin 2025

Par le père Michel Desplanches, recteur

En ces temps incertains où nous voyons disparaître un monde, sans savoir vers quel monde nous allons, il est urgent pour nous, chrétiens, d’accueillir l’Esprit du Seigneur pour discerner sans cesse dans le monde et dans nos vies, les appels de Dieu et la cohérence de nos engagements.

Les apôtres et quelques femmes, dont Marie, sont enfermés au Cénacle. L’horreur de la croix, puis la surprise de la résurrection ont bouleversé la petite communauté de Jérusalem. Fini le temps où il suffisait de suivre Jésus sur les chemins de Palestine. Les voici enfermés au Cénacle avec toutes leurs questions. L’avenir est incertain, inquiétant, dangereux. Comment s’orienter ? Quels sont les choix à poser ? L’Eglise est en train de naître, et il lui faut discerner les signes de Dieu pour avancer.

À bien des égards, notre Eglise d’aujourd’hui est devant ces mêmes choix dans un monde complexe et éclaté.

Comme la première communauté, nous sentons l’importance décisive du discernement dans l’Esprit-Saint pour savoir prendre le bon chemin. Le pape François, en véritable jésuite, n’a cessé de nous le rappeler.

Dans la démarche du discernement, il y a avant tout le don de Dieu, celui que nous fêtons aujourd’hui. Notre confiance et notre espérance reposent sur cette certitude de l’amour inconditionnel et infini de Dieu pour nous. Jésus, avant de retourner au Père, nous a promis l’Esprit-Saint, l’Esprit d’Amour. La Pentecôte, c’est d’abord la réalisation de cette promesse du Christ. Dieu commence donc par donner, par se donner.  Toute notre foi est là.

 Cette certitude étant établie, la question se pose à nous: comment répondre à l’initiative divine dans un environnement complexe, marqué par l’incertitude ?

Jésus nous répond dans l’Évangile : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. », répondre à l’amour de Jésus, c’est donc avant tout « garder sa parole ». Mais attention, cette parole n’est pas un code de comportement. Cette parole n’est pas extérieure à nous-mêmes. Cette parole, il n’y a pas besoin de l’étudier ou de la traduire. Elle me touche au cœur. Quels que soient ma langue, ma culture, mon milieu social, ce message ne m’est pas étranger. Il rejoint les profondeurs de mon humanité. Ce message, c’est quelqu’un, c’est le Christ qui se donne.

L’Esprit saint qui est donné à la Pentecôte, nous permet d’entendre la parole de Dieu dans notre propre langue, au plus près de ce que nous sommes. Il nous révèle la volonté du Père: ne faire qu’un avec lui dans l’amour. C’est ainsi que l’Esprit-Saint fait de nous, des fils et des filles de Dieu. Il est la force qui nous permet de dominer nos instincts. Il nous offre la liberté de ne plus vivre pour nous-mêmes. Il nous introduit dans l’amour du Père et du Fils et nous décentre de nous-mêmes.

 Il y a donc d’abord le don de Dieu puis il y a notre réponse d’amour. Et notre réponse sera de ne faire qu’un avec le Christ. Cette réponse est, bien sûr, nourrie par la communion eucharistique, sommet de la vie chrétienne.

Pour rester en communion avec Dieu, comment faire ?

 Nous sommes appelés à discerner les appels de l’Esprit-Saint. Pour cela, notre cheminement s’articulera autour de trois étapes.

D’abord la réflexion. Il nous faut réfléchir à notre situation concrète, savoir nous poser les bonnes questions. Pour cela, l’aide d’un prêtre, d’une religieuse, de laïcs solidement, formés va pouvoir m’aider.

 Après la réflexion, il y a la prière sans laquelle notre discernement ne serait que purement humain et intéressé, centré sur nous-mêmes. La prière doit nous ouvrir à la volonté de Dieu. Comme le dit saint Paul : « Il n’est pas question de l’homme qui veut, ou qui court, mais de Dieu, qui fait miséricorde. » Ce n’est qu’après ces deux temps essentiels que vient la troisième étape : notre décision. Le discernement suppose une volonté propre libérée de ses entraves et livrée à l’action de l’Esprit-Saint. Ainsi le discernement nous libère de notre propre volonté. C’est là le grand pas spirituel de notre existence.

Elle s’accomplit lorsque nous sommes libérés de nos intérêts propres et de l’amour de nous-mêmes. Nous devenons libres pour être aimés et pour aimer.

Mais cela suppose que nous soyons à l’écoute de l’Esprit-Saint dans une vie dynamisée par l’amour reçu de Dieu. Alors, de notre réponse d’amour pour le Christ pourront découler tous nos autres choix de vie.

Discerner n’est donc pas la mise en œuvre d’une technique destinée à faire les « bon choix». Le discernement va nous amener à sentir par où l’Esprit-Saint nous conduit pour vivre en communion avec le Christ. Celui qui discerne désire ainsi contribuer à l’œuvre de salut de Dieu dans ce monde.

Que notre fête de Pentecôte soit l’occasion de discerner toujours plus en vérité la volonté de Dieu sur nous-mêmes. Ainsi, nous travaillerons de toutes nos forces à un monde unifié dans l’amour, un monde qui déjà chante le Royaume de Dieu et la douceur de sa miséricorde.

 

Père Michel, Michel Desplanches

Recteur