Homélie de l’Épiphanie

dimanche 03 janvier 2021

Par le père Miguel Mekena Mekongo, chapelain

Frères et sœurs bien-aimés, aujourd’hui nous célébrons l’Épiphanie de notre Seigneur. L’Épiphanie vient du mot grec qui signifie se rendre manifeste. Dieu se rend manifeste à travers plusieurs signes, et nous donne des clés pour L’accueillir dans nos vies. Le signe le plus grand qui nous a été donné est que Dieu s’est fait homme ; en Jésus-Christ, Il a pris notre chair : c’est le mystère de l’Incarnation que nous célébrons pendant ce temps de Noel.

Attendu et espéré par un peuple (le peuple juif), il est né dans ce peuple, non pas pour réduire son œuvre de miséricorde aux limites de ce peuple-là, mais pour l’étendre à l’humanité entière, c’est-à-dire à tous les hommes et toutes les femmes de tous les peuples de la terre, de toutes les époques tel que Saint Paul l’affirme dans l’extrait de son épitre aux Éphésiens que nous avons suivi en deuxième lecture : « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile ». Nous célébrons donc dans la fête de l’Épiphanie, la manifestation de la Lumière de Dieu, Jésus-Christ, à tous les peuples de la terre. Et les mages venus d’orient dont il est question dans l’Évangile du jour, sont les représentants symboliques de toutes ces nations, de toutes ces cultures.

Après avoir écouté le récit de Matthieu, je me suis demandé pourquoi ce sont de mages qui viennent adorer l’Enfant Jésus au nom de tous les peuples de la terre ? Et quelle signification leur cheminement jusqu’à Jésus revêt-il pour nous ?

« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui ». Les mages qui ont vu surgir une nouvelle étoile l’ont interprétée comme la naissance d’un nouveau roi. Matthieu ne précise pas qu’ils étaient rois, mais la tradition en fait des rois en référence au Psaume 71 que nous avons chanté tout à l’heure après la première lecture : « Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront ». Les mages, à cette époque là, étaient des astrologues et astronomes, qui consultaient le ciel et interprétaient des rêves à travers leur sagesse et leurs études. On désignait aussi par là des sortes de marabout qui cherchait la vérité pour eux-mêmes et pour les hommes qui les consultaient.

Ces mages nous rappellent un autre mage de l’Ancien Testament, dans le livre des Nombres, Balaam, fils de Béor qui avait été appelé par Balaq, un roi païen (roi de Moab) pour maudire le peuple d’Israël contre lequel il voulait engager une guerre. Mais Balaam, au lieu de maudire, obéit au Dieu d’Israël et les bénit en ces termes : « Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l’homme au regard pénétrant, oracle de celui qui entend les paroles de Dieu, qui possède la science du Très-Haut. Il voit ce que le Puissant lui fait voir (…). Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël » (Nb 24, 15-17).

Les mages de l’Évangile ont vu un astre, une étoile qui pouvait donner un sens à leur vie ; les règnes auxquels ils appartenaient ne les satisfaisaient plus, et ils se sont mis en quête de ce nouveau Roi. Ces mages représentent donc dans leur attitude les personnes de toutes langues, races et cultures qui n’ont pas que les yeux sur la terre, mais les ont aussi au ciel où ils aperçoivent une lumière ; ils représentent ceux qui cherchent des réponses face aux difficultés qu’ils traversent et qui se laissent interpeller par le Ciel. Ils représentent surtout ceux d’entre nous qui sont entrés dans cette nouvelle année en suivant la même étoile, celle du Christ, tout en consentant à la laisser guider leurs pas et leur vie.

Mais ces mages représentent aussi ceux qui ont perdu cette étoile et n’ont plus de repère dans la vie. Dans l’Évangile, les mages qui ont tenté d’arriver à Bethléem par leur science et leur culture, ont à un moment perdu l’étoile et se sont retrouvés à Jérusalem, se fiant à Hérode le Grand. Qui est cet Hérode ? Cet un personnage avide d’honneur et de pouvoir qui fit massacrer ses propres enfants pour ne voir personne convoiter son trône. Il est le symbole de tous ceux qui sont installés dans le confort de leur position politique, économique, scientifique ou religieuse et qui ne veulent pas d’un monde meilleur, plus fraternel, parce qu’ils sont drogués dans l’avoir et le pouvoir.

En perdant la splendeur de l’étoile du Christ, nous courrons le risque de nous égarer et de nous voir obliger de nous fier aux Hérodes modernes. Cependant, à l’annonce de l’apparition de cette étoile, Hérode est bouleversé, mais pas que lui, tout Jérusalem l’est avec lui. Jérusalem ici est alors le symbole d’une ville et d’un système envahis par les ténèbres, et qui empêchent toute personne qui y vit ou s’en délecte, de voir briller l’étoile. « Après avoir entendu le roi, ils (les mages) partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant ». Les mages ne voient pas l’étoile quand ils sont à Jérusalem, mais lorsqu’ils s’en éloignent, ils la revoient de nouveau briller et leur indiquer le chemin.

Cher frère, chère sœur, si, aujourd’hui, tu as le sentiment que Jésus est loin de toi malgré ton engagement ; si tu as le sentiment que ses bénédictions ont disparu dans ta vie, et que tu traverses tes difficultés tout seul ou que son amour te fait défaut ; l’expérience des mages nous dit qu’il est temps de sortir de Jérusalem, de sortir du village où trop d’étoiles sont présentées, où la vie des stars est proposée comme modèle par les médias et les réseaux-sociaux. Il faut sortir de Jérusalem, c’est-à-dire arrêter de voir, de penser, de juger, de se réjouir comme tout le monde, et de discerner le chemin qui conduit à la vraie joie.

« Ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds (…) et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe ». En ce jour où l’Église qui est en France s’engage à soutenir le rayonnement de l’étoile du Christ en Afrique, je nous invite particulièrement à y contribuer avec notre or, c’est-à-dire nos moyens matériels ; avec notre encens et notre myrrhe, c’est-à-dire nos prières et notre amour pour les missionnaires, pour ceux qui les accueillent et ceux qui les rejettent.

En poursuivant cette eucharistie, bien-aimés du Seigneur, engageons-nous, comme les mages, à ne pas retourner chez nous comme avant : avec la même colère, le même égocentrisme, le même orgueil, la même volonté de ne pas demander pardon ou de pardonner. Au nom de Jésus, demandez enfin pardon, et donner enfin ce pardon. Comme les mages, empruntons d’autres chemins pour rentrer chez nous : celui de l’humilité, de l’Amour et de la paix.

Loué soit Jésus-Christ !