Homélie de la Solennité de l'Immaculée Conception

vendredi 08 décembre 2023

Par le Père Michel Desplanches

Frères et sœurs,

En ce jour, nous célébrons la Conception de la Vierge Marie dans le sein de sa mère. Dans neuf mois, le 8 septembre, nous célébrerons donc sa naissance. Mais, avec Dieu, toutes les lois de la nature sont déjouées. Notre Dieu est déroutant. Nous le croyons ici, il est ailleurs. Nous le cherchons en un lieu, il se manifeste plus loin. La liberté de Dieu est infinie et quand nous cherchons à l’approcher, il nous amène toujours à continuer notre recherche.

La conception d’une petite fille pourrait n’être qu’un événement banal de l’histoire humaine. Pourtant, il s’agit en ce jour d’un instant unique où Dieu vient dérouter toute l’histoire de l’univers. Non, Marie ne sera pas livrée  à son obscur destin de femme palestinienne dans le village inconnu de Nazareth. Dans sa souveraine liberté, Dieu l’a choisie, Dieu l’a désirée, Dieu l’a libérée. C’est cela l’Immaculée Conception.

À l’heure où se dresse dans chacune de nos villes les incontournables chalets des marchés de Noël, on nous vend une prétendue magie à coups de lampions et de Pères Noël. La loi du marché semble envahir notre horizon  quand, soudain, l’Immaculée Conception vient à nous comme une lumière éblouissante et paisible dans le tourbillon obscur de l’argent-roi.

 La fête d’aujourd’hui vient donc nous rappeler que notre humanité n’est pas simplement soumise aux lois du marché et aux nécessités de la biologie. La Vierge Marie n’est pas et n’a jamais été un simple chaînon de la reproduction de l’espèce. Avec elle, nous sommes au commencement d’une humanité nouvelle. Marie est une source, une origine. La première lecture nous rappelait  la chute d’Adam et Eve qui avait stoppé net la fécondité de l’Alliance avec Dieu. L’homme et la femme avaient  préféré compter sur eux-mêmes que de se laisser aimer par Dieu, de s’abandonner à Lui.

Avec Marie, la nouvelle Eve, un second Adam sera créé. C’est pour cela que Marie concevra Jésus de façon virginale. Nous sommes ici, je le disais, à un recommencement, à une récapitulation de toute la création. Marie sera Vierge et Mère. C’est un événement spirituel fondamental qui suppose que, dès le premier instant de son existence, elle ait été libérée d’elle-même et tout orientée vers le Sauveur que la création attendait.

Nous comprenons alors que l’Immaculée Conception est un événement central où s’atteste la vocation de l’homme et de la femme qui est d’être libéré de soi-même. Il s’agit bien, comme le dira Jésus à Nicodème, de «naître de nouveau ». Cette nouvelle naissance commence dans l’Immaculée Conception, dans cette sanctification initiale de la Vierge Marie qui centre tout son être sur son Fils divin. Car tout part du dedans, de l’intériorité. Tout part de la liberté, tout part de l’Esprit Saint car « là où est l’Esprit, là est la liberté. » Le mystère que nous célébrons aujourd’hui est donc bien celui de la liberté radicale que Dieu offre à la Vierge dès les premiers instants de sa vie. Dès l’origine, Marie se vide d’elle-même pour laisser la place au Christ. Elle ne cessera de creuser ce vide jusqu’au jour de l’Annonciation . Son « oui », par un mouvement de l’Esprit-Saint, déclenchera le processus physique de la conception de Jésus. Voilà pourquoi en ce jour, nous contemplons Marie comme l’expression de l’innocence dans ce qu’elle a de plus inimaginable, de plus absolu, de plus radical. Nous l’admirons dans la resplendissante liberté que Dieu lui offre dès l’instant de sa conception.

Demandons-lui de renaître de nouveau du cœur de Dieu. À chaque instant demandons lui de renaître en étant libres de nous-mêmes, en devenant un espace intérieur  d’amour et de vie. Cessons  de nous interroger sur nous-mêmes et perdons-nous en Dieu avec Marie.

Car la grandeur de Marie est là : la racine de son être est en Dieu.

 Maurice Zundel nous dit que : «  Le seul contact qu’elle a avec elle-même, c’est Dieu. La seule connaissance qu’elle a d’elle-même, c’est Dieu. Elle est toute entière transparente à Dieu, comme un ostensoir de Dieu. Elle ne peut conduire qu’à Dieu parce qu’elle ne respire que Dieu. » À sa suite, passons du dehors au dedans. Faisons plus profondément la découverte de cette «Beauté si ancienne et si nouvelle» qui est toujours là et qui nous attend éternellement au fond de nos cœurs. Que la contemplation de l’Immaculée nous plonge en Dieu et nous donne de nous réjouir de l’ineffable mystère qui est à la racine de notre vocation: la liberté d’un «oui» absolu et la transparence d’un amour éternel.