Jésus nourrit la foule rassemblée autour de lui et de ses disciples. Cela n’est pas seulement un événement du passé ! Ce qui a été transmis fidèlement à travers les siècles, et que nous avons reçu par le témoignage de nos aînés dans la foi, nous le vivons aujourd’hui. Lorsque nous faisons mémoire de Jésus qui prend le repas pascal avec ses amis, s’offrant en sacrifice pour le salut de tous, donnant sa vie par amour, nous ne nous contentons pas de décrire une situation, d’évoquer un geste ou un discours, d’entretenir le souvenir d’un événement passé. Faire mémoire, célébrer le mémorial, c’est proclamer les merveilles que Dieu a accomplies, et continue d’accomplir pour les hommes. « Dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent d’une certaine façon présents et actuels … Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle fait mémoire de la Pâque du Christ, et celle-ci devient présente : le sacrifice que le Christ a offert une fois pour toutes sur la Croix demeure toujours actuel » (cf. CEC 1363-1364).
Aujourd’hui, nous célébrons la fête du Corps et du Sang du Christ, nous mangeons le Pain de vie, nous buvons à la coupe du salut. Par cet acte, nous proclamons notre foi en la présence réelle de Jésus au milieu de nous. Lorsque nous disons « amen » en recevant le Corps et le Sang du Christ, nous ne disons pas un simple « merci ». Nous affirmons que Jésus est là présent. Nous l’accueillons en notre humanité et il nous accueille en son amour. Notre « amen » est aussi notre profession de foi ! Alors, nos yeux s’ouvrent au moment de la fraction du pain, nous reconnaissons Celui qui est au milieu de nous, qui réchauffe notre cœur, qui ouvre notre intelligence au sens des Écritures, qui nous envoie comme autant de témoins et de missionnaires de sa bonne nouvelle.
Aujourd’hui, comme en chaque Eucharistie, le Christ nous invite à vivre avec lui le mystère pascal, à nous mettre comme lui au service de la volonté du Père. Recevoir le Corps du Christ n’est pas un geste banal, un rite accompli passivement, une tradition vécue simplement par habitude. Ouvrir notre vie au Corps et au Sang du Christ, cela signifie que nous devenons réellement une demeure, un tabernacle pour Dieu, que nous sommes réellement porteurs et signes visibles de la présence de Jésus au cœur de ce monde et dans toutes les situations de vie qui sont les nôtres. Comme le disait saint Paul, alors ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.
Nous ne pouvons pas recevoir le Christ en nous et refuser, ou sans cesse remettre à demain, notre engagement à vivre concrètement en sa présence et à témoigner de sa présence. Pour l’annonce vivante de l’Évangile, pour la transmission de la foi qui donne sens à toute vie humaine, pour la construction de communautés chrétiennes qui témoignent de la vie nouvelle en Jésus Christ, l’Église et le monde doivent pouvoir compter sur chacune et chacun de nous qui venons nous nourrir à la table de la Parole et du Corps du Christ. Chrétiens, nous ne sommes pas des gardiens de musée, mais des disciples et des apôtres, des témoins et des missionnaires, des bâtisseurs et des prophètes !
Et c’est justement à nous, qui sommes ses disciples, que Jésus dit encore aujourd’hui : « donnez-leur vous-mêmes à manger ». Prenons au sérieux cette mission et cette responsabilité car, autour de nous, beaucoup meurent de faim par manque du pain quotidien mais aussi par manque d’amour, par manque d’accueil, par manque de reconnaissance, par manque de regard fraternel… Beaucoup ignorent que Dieu est un Père riche en tendresse et en amour, et que ses bras sont ouverts pour accueillir tous ses enfants. Beaucoup n’ont pas entendu les paroles de l’Évangile et n’ont pas rencontré celui ou celle qui les conduiraient vers le Christ. Beaucoup ont été blessés dans leur humanité et n’ont pas fait l’expérience d’un amour qui est source de compassion, de communion et lien d’unité. Allons-nous nous contenter de baisser les bras et de dire « c’est ainsi, nous n’y pouvons rien » ? Nourris et renouvelés par le Corps et le Sang du Christ, nous sommes appelés à devenir Celui que nous avons reçu. Alors, si nous sommes vraiment les disciples et les apôtres du Christ qui se donne à nous, prenons notre part dans cette belle mission de rendre le Christ présent à travers notre vie personnelle, à travers le témoignage attirant et rayonnant de nos familles et de nos communautés ecclésiales.
Si nous ne recevions que du pain, cela ne changerait pas grand-chose dans notre vie. Mais nous recevons le Corps du Christ, nous devenons présents à la Présence de Celui qui donne sa vie pour ses amis, qui accepte la Croix pour y proclamer la victoire de l’amour offert sans condition, qui se relève du tombeau pour nous faire éternellement participer à sa propre vie. C’est donc dans notre chair, dans notre vie quotidienne, que nous faisons jour après jour mémoire du Christ.
La fête du Corps et du Sang du Christ, c’est aussi la fête de l’Église qui est le Corps du Christ, et c’est aussi notre fête car nous sommes les membres de ce Corps. Pour être des membres vraiment vivants de ce Corps, approchons-nous du Christ, nourrissons-nous du Christ, adorons le Christ ! Il est là, réellement présent parmi nous, réellement vivant en nous pour que, par Lui, avec Lui et en Lui, nous demeurions dans l’action de grâce et la joie du service. Ainsi toute notre vie sera louange au Père, par le Fils, dans l’Esprit.