Frères et sœurs bien-aimés, je suis originaire d’une Église où les Évêques, les prêtres, les diacres, les religieux-religieuses et les laïcs doivent sans cesse défendre le sens et la valeur du Baptême chrétien parce qu’il y a des églises de réveil et diverses autres sectes qui naissent quotidiennement et veulent recruter des adeptes parmi les chrétiens catholiques encore majoritaires. Pour ce faire, elles s’attaquent à l’enseignement et aux valeurs de l’Église catholique dans le but de semer la confusion dans l’esprit des fidèles et susciter des défections.
Notre Baptême, celui que vous et moi avons reçu, fait alors l’objet de plusieurs attaques visant à l’invalider sous le prétexte qu’il ne serait pas biblique, qu’il n’obéit pas aux canons du baptême que Jésus a reçu : nous baptisons des petits-enfants qui ne sont pas capables d’engagement personnel alors que Jésus s’est fait baptiser adulte conscient de ce qu’il faisait ; nous pratiquons le baptême par infusion ou par aspersion au lieu de celui par immersion dans une eau courante qui est la vérité biblique.
Célébrer cette fête, la fête du Baptême de Jésus et méditer la Parole de Dieu qui nous est proposée pour la circonstance nous offrent toujours l’occasion de redécouvrir le sens et la valeur du baptême chrétien que le Seigneur à envoyer ses disciples conférer tel qu’il est écrit en Mt 28, 19 : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ».
L’Évangile que nous venons de proclamer commence par les paroles de Jean-Baptiste qui indiquent qu’il y a une différence entre son baptême et celui de Jésus : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi (…). Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint ». Ces deux baptêmes sont apparemment identiques, mais ils sont en réalité très différents dans leur contenu.
Le baptême conféré par Jean n’est pas une innovation ; il était déjà pratiqué par de nombreux juifs pieux. C’était une ablution extérieure, un acte pénitentiel, un geste d’humilité devant Dieu et qui indiquait la volonté de changer de façon de vivre et de penser. En se plongeant dans l’eau, le pénitent reconnaissait ses péchés et implorait de Dieu la purification de ses fautes pour une vie nouvelle. C’était là juste une déclaration de bonne volonté, un désir de vie nouvelle que le baptême de Jean en lui-même était incapable d’assouvir, car la bonne volonté ne suffit pas.
C’est ce baptême là que Jésus a reçu de Jean. Mais pourquoi lui, qui est sans péché, a-t’il voulu recevoir un baptême de pénitence et de conversion ? Que veut-il nous dire ? Il veut nous dire qu’il partage notre condition en tout point à l’exception du péché. Il se mêle à une foule de brigands, de voleurs, de prostituées qui vont recevoir un baptême de conversion, pour avoir sur lui leur odeur, leur sueur, pour sentir et ressentir leur souffrance. Il n’est pas dégouté par eux. Il nous rappelle qu’il partage les pleurs et les larmes de toutes ces personnes loin de Dieu qui ont décidé de changer de vie.
Jésus, par son baptême, veut aussi nous dire qu’il est venu nous sauver du péché et de la mort. En effet, l’endroit où Jean baptisait s’appelle Bethabara, et les scientifiques s’accordent à dire que c’est le lieu le plus bas, le lieu le plus profond de la terre, parce que situé à plus de 400 mètres au-dessous du niveau de la mer. En descendant à cette profondeur dans les eaux, Jésus nous dit qu’il ne laissera pas l’homme dans la profondeur abyssale du mal où le péché le retient captif. Il nous dit qu’il ne nous laissera pas seul. Quelque-soit notre âge, quelque-soit le lieu où nous nous trouvons, quelque-soit la profondeur du mal qui nous mine, il viendra nous chercher et nous relèvera du péché et de la mort.
Alors, frères et sœurs bien-aimés, si dans notre esprit subsiste quelques doutes sur le baptême chrétien, si nous pensons par exemple qu’il ne faut pas baptiser son enfant pour qu’il choisisse de le faire lui-même parce que ce fut le cas pour Jésus, je voudrais rappeler que le baptême de Jésus n’est pas le modèle, l’archétype ni l’institution du baptême chrétien, mais sa préfiguration. Car, notre baptême est institué par la Mort et la Résurrection du Christ. L’eau que nous recevons sur le front ou dans laquelle nous sommes immergés, et à travers laquelle nous sommes symboliquement mais réellement plongés dans la mort du Christ, n’est pas l’eau du Jourdain, mais l’eau jaillit de son côté ouvert sur la Croix.
Notre baptême ne peut donc pas être séparé de l’événement de la Croix. Jésus le confirme quand il dit aux fils de Zébédé : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé » (Mc 10, 39b). Le baptême chrétien n’est pas alors une simple purification qui ne dépend que de notre bonne volonté, c’est un passage mortel vers une vie nouvelle ; un passage à travers lequel le Christ nous fait mourir au péché et nous régénère à une vie nouvelle.
Comme Jean-Baptiste l’a pressenti et annoncé, le baptême avec Jésus se fait dans l’Esprit Saint. L’Évangéliste Marc nous dit qu’au baptême de Jésus, les cieux se sont déchirés et l’Esprit est descendu sur lui comme une colombe. Nous nous rappelons de cette supplication du prophète Isaïe : « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? (…) Nous sommes comme des gens que tu n’aurais jamais gouvernés, sur lesquels ton nom n’est pas invoqué. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face, comme un feu qui enflamme les broussailles, un feu qui fait bouillonner les eaux ! » (Is 63,17-64,1).
Après avoir rejeté les prophètes envoyés par Dieu, Israël a fait l’expérience douloureuse du silence de Dieu et estimait que les cieux étaient désormais fermés. Le baptême de Jésus nous révèle qu’en Christ les cieux sont désormais ouverts, déchirés et ne se fermeront plus, et rien ne pourra plus séparer l’homme de Dieu, car ce lien est maintenu par l’Esprit Saint que nous avons reçu le jour de notre baptême. Cet esprit qui planait sur les eaux à la création et qui descend sur Jésus sur les eaux du Jourdain, est le même Esprit qui, par le baptême, accomplit en nous l’œuvre de nouvelle création, et nous engendre à la vie divine, la vie des fils de Dieu.
Ainsi, comme le dit Saint Paul à Tite, « par le bain du baptême, Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint ». Seulement, la transformation opérée en nous ne s’achève pas le jour de notre baptême, car le baptême n’est pas une immatriculation dans la foi. C’est chaque jour que nous devons nous laisser transformer. Saint Augustin disait à son époque : « Chrétien, deviens ce que tu es ». L’un des moyens de nous rappeler cela est de participer aux célébrations de baptême des membres de nos familles et de célébrer nous-mêmes nos anniversaires de baptême, car c’est le jour où l’Esprit Saint est descendu sur nous et Dieu nous a dit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ».
Loué soit Jésus-Christ !