Fête du baptême du Seigneur

dimanche 09 janvier 2022

Par le père Ludovic Frère, recteur

Histoire d’eau

Vous souvenez-vous d’avoir été poisson ? Oui, pendant 9 mois, notre milieu de vie était seulement aquatique. Un liquide amniotique dans lequel nous nagions, certes en petit bassin, mais c’est là que nous vivions, comme un poisson dans l’eau. Notre corps s’en souvient d’ailleurs : il est composé à plus de 60% d’eau, comme s’il avait gardé mémoire de cette origine aquatique.

Et voilà qu’aujourd’hui, le Christ plonge dans les eaux du Jourdain. N’est-ce pas justement pour nous montrer qu’il a voulu plonger tout entier dans le liquide amniotique de notre humanité ? En Marie, le Fils éternel a pris chair dans l’eau de nos origines, pour nous rejoindre jusque-là.

La fête du baptême du Christ fait donc bien partie du temps de Noël : nous y contemplons encore ce mystère de l’Incarnation, où Dieu plonge réellement dans toute notre réalité humaine. Le Seigneur vient tout rejoindre, il vient tout vivre de notre vie.

Au cours du temps de Noël, nous l’avons chanté comme si nous le découvrions pour la première fois ; nous nous en sommes encore étonnés : c’est fou comme Dieu se fait proche ! Mais il s’agira de ne pas l’oublier, une fois ce temps de Noël terminé : que nous puissions continuer à découvrir, dans tout ce que nous vivons, combien le Seigneur est là et s’intéresse à nous. « Dieu-avec-nous » pour illuminer nos fêtes comme pour nous tenir la main quand nous sommes alités !

Tel est le Dieu que nous confessons : un Dieu qui plonge sans cesse dans l’eau de notre réalité humaine, et qui aime cela. Il n’y trempe pas simplement ses bouts de doigts pieds divin en faisant la moue ; non, il plonge tout son Être dans ce qui fait notre vie ! Car le Seigneur aime tant notre pâte humaine ! Il est tellement passionné de nous !

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Voilà ce que nous ne devrons jamais oublier au cours du temps ordinaire qui va commencer demain : Dieu est passionné de l’humanité. C’est pourquoi, baptisés dans le Christ, cette même passion devrait tous nous habiter sans cesse.

Souvent bien doués pour en dénoncer les défaillances, les baptisés sont pourtant d’abord appelés à aimer cette humanité comme Dieu l’aime : non pas du bout des lèvres, mais en l’embrassant totalement comme Lui l’a fait en prenant chair.

Soyons donc, comme le Seigneur, des passionnés de l’humanité, qui plongent sans peur dans les joies et les espoirs du monde ! C’est notre mission première de baptisés : plonger sans cesse avec le Christ dans les eaux de la vie humaine !

Alors, si vous sentez en vous une certaine réticence à le faire, ou une interrogation sur la manière d’y parvenir, regardez le Christ qui plonge sans hésiter dans les eaux du Jourdain ; et laissez-Le vous prendre dans ce grand mouvement d’amour ! C’est cela dont notre humanité a le plus besoin aujourd’hui : se sentir aimée !

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Mais en plongeant ainsi dans notre réalité humaine, le Christ ne fait pas qu’attester sa proximité à nos vies. Non, s’il vient plonger dans les eaux, c’est parce que nous risquons de nous y noyer. Eaux polluées par le mal, eaux agitées par les vents des événements de la vie, eaux dans lesquelles nous n’avons pas toujours pieds… alors, nous nous agitons et nous crions : « au secours ».

Oui, nous crions « au secours »… et Jésus parait sur les bords du Jourdain. Depuis sa Gloire éternelle, il a entendu nos cris, tous les cris du monde ; et il est descendu pour nous aider. Ainsi désormais, dès que nous appelons le Christ, croyons-bien qu’il est là, courant vers nous quand nous nous agitons dans les eaux troubles de nos vies. Le Seigneur y accourt, une bouée à la main, en forme de croix. Il plonge dans les eaux de nos inquiétudes et de nos drames, et il nous attache à Lui pour que les tempêtes de la vie ne parviennent jamais à nous noyer.

Alors, aux jours de tempêtes, appelez le Christ, criez vers Lui ! Mieux qu’aucun maître nageur sauveteur, il répond au moindre appel. Sans hésiter, il plonge dans les eaux de nos souffrances, il nous attache à Lui et il nous faire revenir sur des rivages plus sûrs. Tout cela, c’est Lui-même qui l’a promis.

Entendons alors bien aujourd’hui les promesses lumineuses que le Seigneur ne cesse de nous offrir dans sa Parole, pour nous assurer qu’il ne nous laissera jamais couler. J’en retiens seulement 3, que je vous encourage à apprendre par cœur :

Marc 11,24 : « C’est pourquoi, je vous le dis : tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l’avez déjà obtenu, et cela vous sera accordé. »

Jean 15,7 : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. »

Matthieu 18,19 : « Amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. »

Voilà nos numéros d’urgence quand nous nous sentons envahis par les eaux. À côté du 15 pour le Samu et du 18 pour les pompiers, tout baptisé devrait apprendre par cœur ces 3 numéros d’urgence : Marc 11,24 ; Jean 15,7 ; Mt 18,19.

Ainsi, en toute situation périlleuse, nous pouvons appeler le Seigneur : Et le voilà qui plonge dans les eaux de nos défaillances pour nous agripper à Lui et nous sortir du tourment. Tout ce que nous demandons, tout ce que nous voulons, nous pouvons l’obtenir si nous nous accrochons à notre maître nageur-sauveteur, le Christ ! Voilà ce que nous fêtons aussi en ce jour : par son baptême, Jésus nous sauve de tous les dangers de noyade, si nous ne manquons pas d’appeler son numéro d’urgence : notre secours est dans le Nom du Seigneur !

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Quelle merveille ! Dieu rejoint les eaux de nos origines et Dieu rejoint les eaux de nos tourments. Le baptême du Christ nous dit à la fois la proximité du Seigneur à notre humanité et son agir efficace pour nous sortir des situations périlleuses.

Mais le mystère du baptême nous fait plonger plus profondément encore : nous ne confessons pas le Fils de Dieu comme simple sauveteur dans nos difficultés ; nous Le confessons comme Sauveur de nos vies éternellement perdues sans Lui. Un Sauveteur est utile dans une situation périlleuse, mais le reste du temps, on ne fait pas appel à Lui ; tandis qu’un Sauveur est nécessaire en toutes circonstances, non pas pour nous délivrer un temps d’un péril de noyade, mais pour nous délivrer éternellement d’un plus funeste sort.

Dans les eaux qui purifient du péché, seul le Christ n’avait pas besoin de se rendre, car rien en Lui ne devait être purifié. Mais c’est pour nous qu’il est descendu dans le Jourdain. Parce qu’il porte l’humanité dans la peau, le Fils de Dieu la fait descendre dans les eaux qui purifient, signe de la descente dans le tombeau et jusqu’aux enfers, pour en ressortir vivant, ressuscité !

Le baptême du Christ est donc comme la répétition générale, la sublime annonce, le prélude à la grande plongée pascale, par laquelle les eaux qui pensaient étouffer la Source de l’amour se retrouveront elles-mêmes étouffées par Elle.

Et désormais, tout baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit nous associe à cette descente dans la mort et à cette remontée pour la vie éternelle. Grand mystère dans lequel nous avons été plongés et qui marque notre vie plus profondément que toute autre réalité de notre existence : nous sommes des noyés ressortis des eaux ! Par le baptême, nous sommes nés de nouveau, d’une vie qui ne finira pas, une vie surnaturelle, une vie de filiation divine qui oriente tout notre être, une vie de fraternité entre baptisés formant désormais un seul corps, celui du Christ ! Comme au Fils éternel, le Père nous a alors éternellement marqués de cette parole : « Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je trouve ma joie ! » ; et l’Esprit Saint est descendu sur nous comme une colombe pour investir tout notre être ! Oui, il se passe bien tout cela dans nos pauvres corps, dans nos petites vies !

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Ainsi, en ce dimanche du baptême du Seigneur, nous accueillons 3 mystères qui n’en font qu’un : mystère de la présence de Dieu venu jusqu’aux eaux de nos engendrements ; mystère du secours divin, nous sortant des eaux dès que nous risquons de nous y noyer ; et mystère du salut éternel, par l’eau de la nouvelle naissance à la vie divine.

Contemplons bien aujourd’hui ces 3 mystères : présence, secours, salut éternel. 3 mystères qui nous rendent forts, même dans les plus grands tsunamis de la vie. Car nous le savons : le Seigneur est là jusque dans les eaux redoutables, les eaux de la souffrance et les eaux de la mort. Il y est présent, il secourt et il sauve ! Gloire à Toi, Seigneur !