2e dimanche de Carême B

dimanche 28 février 2021

Par le père Luc Devillers

D’une montagne et d’un fils à l’autre (la Transfiguration)

Frères et sœurs présents dans cette basilique de Notre-Dame-du-Laus, et vous pèlerins du web ou de la radio, saint Marc nous introduit ce matin au mystère de la Transfiguration du Christ. Il s’agit d’un événement d’une telle importance que nous le commémorons deux fois par an : en carême, le deuxième dimanche ; et en plein été, le 6 août.

En ce temps de carême, et particulièrement en cette année bouleversée par une pandémie dont on ne voit pas la fin, quel peut être le sens de cette page d’évangile ? Une première réponse vient assez spontanément : durant sa vie publique, Jésus aurait voulu manifester sa gloire divine à quelques disciples, afin de les préparer à supporter le choc de sa mort, et à entrer dans la joie de la résurrection. C’est vrai. Cependant, saint Marc dit des disciples : « Ils se demandaient entre eux ce que voulait dire : ‟ressusciter d’entre les morts” » ! Ils n’avaient rien compris ! Ils ne le pouvaient pas, tant que l’événement pascal n’aura pas saisi leur cœur et leur intelligence. Et encore, il leur faudra le don de l’Esprit-Saint au jour de la Pentecôte, pour comprendre ce que signifie « ressusciter d’entre les morts ». Après eux, saint Paul proclamera que la résurrection du Christ est le gage de celle de tous nos défunts et de la nôtre. Et depuis lors l’Église proclame cette vérité : Le Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a vaincu la mort ; aux morts, il a donné la vie ! Telle est notre foi, notre joie et notre espérance.

Mais revenons à l’évangile de ce jour. C’est dans une sorte de flash instantané que le Seigneur a fait entrevoir sa gloire. Et Pierre est partagé entre la joie d’être témoin de cet événement et la frayeur devant une réalité qui le dépasse : « ‟Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes (…)” De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. » Cher Pierre, ne crains pas ! Mais ne va pas t’imaginer pour autant que tu pourras prolonger cet instant fugace : il te faudra redescendre de la montagne, et continuer ta route. Nous en sommes tous là, nous qui sommes réunis ce matin dans cette basilique ou sur les ondes : à moins d’avoir en ce lieu une mission de service des pèlerins, nous serons tous appelés à redescendre de la montagne du Laus, pour replonger dans notre vie quotidienne. Ne l’oublions jamais : c’est là que le Seigneur nous rejoint, c’est là qu’il attend de nous des actes de sainteté !

Si la lumière du Christ transfiguré n’a brillé qu’un bref moment, pour quelques disciples, c’est parce que nous ne sommes pas encore arrivés dans le Royaume, dans le face à Face éternel avec le Dieu trois fois saint. Sur la route, ce qui compte pour nous, c’est d’écouter la parole du Christ. La voix du Père qui a retenti au sein de la nuée lumineuse nous y invite : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Être chrétien, c’est se mettre en route vers le Royaume, guidés et nourris par la parole du Christ. L’oraison du début de cette messe le disait clairement : « Tu nous as dit, Seigneur, d’écouter ton Fils bien-aimé ; fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin. »

Pèlerins comme Abraham, en route vers la Cité de Dieu, nous sommes invités à croire en la parole du Seigneur, même quand la vie semble la contredire. Ainsi, comment Abraham pouvait-il offrir en sacrifice son fils Isaac, alors que c’est par lui que devait s’accomplir la promesse d’une « descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer » ? La lettre aux Hébreux expliquera qu’Abraham « pensait que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu » (He 11,19). Et le psaume de ce jour a renchéri en ces termes : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ! » Dieu ne veut pas de sacrifices sanglants, ni la mort du pécheur, mais il attend que nous lui offrions un « sacrifice d’action de grâce », notre « eucharistie » : célébrer la victoire de son amour sur les forces de mort.

L’histoire d’Isaac, fils unique aimé de son père, offert en sacrifice et sauvé de la mort, nous oriente vers celle de Jésus, Fils unique du Père, le Fils de son amour. Saint Paul nous a rappelé que « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous », afin de nous donner tout avec lui. Et l’évangile a fait retentir la voix du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Tournons-nous donc vers Jésus, le Fils unique et bien-aimé du Père. Méditons son évangile, pour mieux le connaître et l’aimer. C’est ainsi que nous trouverons la force d’avancer sur la route de la vie, même quand elle passera par la croix. Alors nous pourrons saisir ce que signifie « ressusciter des morts », et nous le vivrons. Amen.

 

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