Célébration de la Cène

jeudi 14 avril 2022

Par le père Sébastien Coudroy, chapelain

Chers frères et sœurs,

Quand nous assistons à la mort d’un être cher, nous recueillons avec le plus grand soin ses dernières paroles. Elles ont une dimension toute solennelle. Elles sont comme un testament, elles contiennent comme la quintessence de ce qu’a voulu être la personne.

Ce soir, je crois que nous pouvons dire que nous assistons à la remise solennelle du testament de Jésus, en paroles et en acte. Les paroles, ce sont celles de la double institution de l’Eucharistie et des prêtres pour la célébrer et poursuivre son œuvre. Le geste, c’est celui du lavement des pieds. Paroles et geste s’unissent en une réalité : Jésus nous aime jusqu’à l’extrême.

L’Eucharistie tout d’abord. Nous avons entendu le récit de son institution dans la 2e lecture : « La nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâces, il le rompit, et dit : ‘Ceci est mon Corps, qui est pour vous […] Ceci est mon Sang ». Jésus ne dit pas : ceci symbolise mon corps et mon sang, mais il dit bien : ceci est mon Corps, ceci est mon Sang.
Entrons avec un grand respect dans ce sacrifice eucharistique. Nous nous approchons bien avec respect d’un mourant ou d’un mort. Or l’Eucharistie, c’est le Corps de Jésus souffrant sa Passion, mourant, mais aussi ressuscitant, car la mort n’a aucun pouvoir sur Lui. Ce bout de pain, ces gouttes de vin, sont devenues le Corps et le Sang, l’Âme et la Divinité de notre grand Dieu et Seigneur Jésus Christ. Ce n’est pas la pastille que je prends moi-même en signe d’adhésion à un club… C’est le Corps crucifié et Ressuscité de celui « devant qui tout être vivant tombe à genoux, au Ciel, sur terre et aux enfers » (Ep 3, 14). Recevons-le avec respect, parce que c’est la chair de l’amour en personne qui a aimé jusqu’au Sang…

Le passage qui suit immédiatement la 2e lecture nous invite à nous « examiner nous-mêmes », afin de ne pas « manger et boire notre propre condamnation » en communiant sans « discerner le Corps », c’est-à-dire sans foi, ou en nous étant séparé du corps du Christ par le péché. Eucharistie et confession sont inséparables.

La 2e institution que nous célébrons aujourd’hui, et qui est inséparable de la 1re, c’est l’institution du Sacerdoce. « Faites cela en mémoire de moi ». C’est cet ordre de Jésus adressé aux 12 apôtres qui a fait d’eux les premiers prêtres de l’Eglise. Le Sacerdoce ne se comprend qu’en relation avec l’Eucharistie. Nous sommes prêtres pour rendre présent Jésus. Avez-vous remarqué qu’à la messe, le prêtre dit : « ceci est mon corps » ? Il prête ses lèvres à Jésus, pour agir en tant qu’autre Christ. C’est ce qui se passe aussi à chaque sacrement : le prêtre agit au nom du Christ. Et c’est pour cela que je vous invite à prendre au sérieux la prière pour vos prêtres : afin que nous ne rendions pas présent le Christ que dans les rites sacramentels, mais par toute notre vie.

Après les paroles, venons-en au geste de Jésus : le lavement des pieds. Il donne le sens de ces deux sacrements : l’Eucharistie et le Sacerdoce sont une manifestation de l’amour extrême de Jésus. « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Jésus, le Seigneur et le maître, prend le rôle de l’esclave, et s’abaisse.
Par amour Dieu s’est fait homme. Plus encore, il s’est laissé crucifier pour nous sauver. Plus encore, il s’est réduit à l’état d’une chose, l’apparence d’un bout de pain, pour rester avec nous dans tous les tabernacles du monde, et pour se faire notre nourriture. Et ce signe, c’est en réalité sa chair lacérée par la flagellation, déchirée par la couronne d’épines, clouée sur la croix, et comme si cela ne suffisait pas, une fois morte, encore transpercée par une lance. Mais parce que c’est la chair d’un Dieu, c’est encore une chair vivante, ressuscitée, glorieuse. « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs », que nous étions ses ennemis (Rm 5, 8).

Oui, l’Eucharistie est bien le sacrement de l’amour. Alors ce soir, soyons plein de gratitude pour Jésus qui nous a tant aimé qui s’est fait notre nourriture. Et recevons-le avec respect et avec tout notre amour. Amen