Homélie du 7ème dimanche du temps ordinaire

dimanche 23 février 2025

Par le père Philippe Blanc, chapelain

Lorsque l’évangile est proclamé au sein de la liturgie, le Christ est réellement présent. Aujourd’hui, il s’adresse à nous : Je vous le dis, à vous qui m’écoutez. Nous connaissons bien la saveur biblique de ce verbe « écouter » : au-delà du simple fait d’entendre, c’est notre obéissance qui est sollicitée. Obéir à la Parole signifie que nous allons nous exercer à la mettre concrètement en pratique. Dans tous les appels de Jésus, peut-être pourrions-nous en retenir au moins un, nous en souvenir tout au long de la semaine, et être attentifs afin que cette Parole de Dieu transforme quelque chose dans notre vie.

La Parole de Dieu nous paraît peut-être trop exigeante… aimez vos ennemis. En paraphrasant sainte Thérèse nous pourrions dire au Seigneur : si c’est ainsi que tu t’adresses à tes amis, ce n’est pas étonnant que tu en aies si peu ! Mais, ne nous réfugions pas trop vite dans des excuses, ne baissons pas les bras car Dieu ne nous parle pas pour nous mettre à l’épreuve, mais pour susciter en nous une vraie conversion. L’objectif ultime – mais reconnaissons qu’il nous faut du temps pour y parvenir – est d’être comme le Christ, comme notre Père. Ce « comme » est présent aussi bien dans la lettre aux Corinthiens que dans l’évangile. Et ce « comme » nous renvoie à l’amour créateur du Père et à l’amour rédempteur du Christ.

Saint Paul l’a affirmé avec force : l’amour supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout. Dans le Nouveau Testament, aimer ne consiste pas à éprouver un sentiment d’affection ; aimer son prochain, quel qu’il soit, c’est tout faire pour l’aider à grandir, pour lui permettre de s’ouvrir à la présence de Dieu. L’amour engage très concrètement car il nous fait choisir le bien, il nous invite à prier pour l’autre, il nous demande de nous donner. L’amour est tout autre chose qu’une simple sympathie de façade. Il est ouvert à une vie nouvelle puisqu’il s’enracine en Dieu.

La logique du monde – et cela détruit aujourd’hui encore bien des relations tant au niveau personnel que sur la scène internationale – est de répondre à la haine par la haine, à la violence par la violence. La marche à la suite du Christ nous propose un autre chemin qui réclame audace et courage, et c’est ce que Jésus vient de nous dire, à nous qui l’écoutons.

La caractéristique des fils de Dieu le Père, des disciples du Christ, de ceux qui sont poussés par le Souffle de l’Esprit, est un amour qui s’offre gratuitement et sans condition. L’évangile est là non seulement pour nous le rappeler, mais pour nous mettre devant notre responsabilité et notre mission au cœur de ce monde. La parole que nous venons d’écouter nous rejoint et nous touche, chacun, personnellement, et nous provoque : faites pour les autres ce que vous aimeriez qu’ils fassent pour vous… avec cette conclusion : la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous.

Saint Paul nous indique un objectif : devenir chaque jour davantage conforme au Christ. Cela n’est pas une vocation particulière, réservée à quelques-uns, c’est l’appel commun qui s’adresse à tous les disciples du Christ. Oui, comme le dit l’apôtre, nous sommes tirés de la terre, nous sommes faits d’argile. Mais, lorsque cette argile se laisse façonner par l’amour de Dieu, elle est transfigurée et devient temple de l’Esprit. Nous sommes comme Adam, mais nous sommes appelés à devenir comme le Christ. À sa suite, nous apprenons jours après jour à conformer nos paroles et nos actes à la volonté du Père. Nourris à la table de la Parole et du Corps du Christ, nous disons notre « amen » pour devenir Celui que nous recevons.

Les paroles et les actes de notre quotidien vont maintenant rendre témoignage de cet attachement de tout notre être au Christ qui se donne par amour pour tous ses amis. Ce que Jésus nous demande dans l’évangile, ce n’est pas d’abord d’obéir à des lois ou à des préceptes, mais c’est de manifester la démesure de l’amour de Dieu, d’être les serviteurs de cet amour qui est bonne nouvelle, d’oser des actes fous aux yeux du monde mais qui attestent que le Christ est là, présent, et que sa présence est confiée à ses disciples d’aujourd’hui. Pour que le commandement soit chaque jour nouveau, il nous appartient de trouver les paroles et les actes qui manifestent la présence, la puissance, la bienveillance de l’amour de Dieu. C’est cet acte que David a posé en refusant de porter atteinte au messie du Seigneur.

En regardant ses disciples, Jésus leur dit : je vous appelle mes amis. Et pourtant, ils vont le trahir, le renier, l’abandonner… et cela se continue jusque dans nos propres vies. Entrons dans ce regard de Jésus qui reconnaît en chacun de nous un ami… et offrons ce même regard à tous ceux qui nous entourent car seul un amour vécu avec le Christ nous permet de ne plus voir en l’autre un ennemi, mais un ami. C’est peut-être cela que signifie aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.