6ème dimanche de Pâques

dimanche 05 mai 2024

Par le père Michel Desplanches, recteur

Nous en sommes témoins tous les jours: toute institution humaine est dénoncée sans retour, mise au banc des accusés, déboulonnée  et, finalement, méprisée et rejetée . Et tout cela se fait au nom de la liberté de l’individu. L’avis de chacun sur les réseaux sociaux vient détruire les personnes et les institutions. Il semble que nous soyons passés d’une confiance naïve dans les institutions à une méfiance généralisée qui engendre la peur, le ressentiment et la colère que rien ni personne ne peut plus tempérer. Devant cette atomisation générale  de la société, la parole de Dieu entendue aujourd’hui vient surgir  comme une force nouvelle qui remet fondamentalement en question les racines de ce climat social angoissé dans lequel nous évoluons. La Parole  de Dieu vient nous constituer en peuple.

En effet, à l’écoute des textes qui nous sont proposés aujourd’hui , nous découvrons que face à la méfiance généralisée, Dieu, lui, nous dans la main avec confiance. Cette main tendue n’est pas un piège idéologique ou un geste sentimental. C’est une main qui propose l’amitié : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis ». Dieu nous a, en effet, choisis pour être ses amis. Faisons bien attention! Nous nous regardons nous-mêmes trop souvent comme les adhérents d’une association des Amis de Jésus… Or le Christ nous le rappelle : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisis, c’est moi qui vous ai choisis et établis… ». L’initiative vient donc de lui.

 Au plus profond de ma foi, il y a cette expérience personnelle très intime d’avoir été choisi par Dieu pour être son ami. Mais pourquoi moi ? Je ne suis pas meilleur que les autres, et, par certains aspects, ma vie n’est pas très brillante ! C’est bien la preuve que Dieu m’a choisi gratuitement. Il n’a pas cherché le meilleur, le plus intelligent, le plus riche ou le plus beau. C’est en cela que la parole du Christ, des apôtres et  de l’Eglise est encore révolutionnaire aujourd’hui.

Nous, nous classons , nous cataloguons, nous mettons des étiquettes. Le Seigneur, lui, tend la main. Son amour est surabondant et gratuit. Il a choisi de nous aimer, qui que nous soyons. Tout le christianisme est là. Dieu ne cherche pas des adeptes  ou des esclaves soumis, il offre son amitié. L’amitié, c’est si beau, tellement inexplicable ! C’est un amour de bienveillance qui suppose la réciprocité. Celui qui aime est aimé  en même temps mais plus que cela, l’amitié nous amène à la communion ou chacun possède et donne. Or cet amour, nous dit saint Jean,  « vient de Dieu ». Cet amour est «connaissance de Dieu » au sens biblique, c’est-à-dire qu’il est intimité et réciprocité. « Celui qui aime est de Dieu et connaît Dieu ».

Quelle merveille d’être ami de Dieu!

La preuve de la profondeur et de la vérité de cette relation d’amitié avec Dieu ce sera l’amour que nous aurons les uns envers les autres. La critique, l’aigreur, le ressentiment que nous exprimons trop souvent envers les autres vient donc renier le don qui nous a été fait. Et nous voyons bien le danger : la vie sociale, à force d’être grignotée par l’indifférence, la critique  ou le goût du pouvoir,  risque de n’être plus réglée que par la violence et la barbarie. Il est donc urgent de nous convertir. Il est urgent de nous aimer. Pas  pour être gentil ou pour faire bien, mais pour être véritablement fidèles à notre vocation à l’amour. Oui, c’est vrai, notre Dieu ne nous propose pas un chemin facile. Se laisser aimer, aimer l’autre quel qu’il soit, c’est un chemin  aride et un combat parfois sans répit pour que, toujours, l’emporte la douceur, la patience et la miséricorde. Ici Notre Dame est venu visiter ce coin de terre et nous redire dans un sourire la proximité et l’amitié du ciel. Marie a comme imprégné  ce lieu de douceur, de patience et de miséricorde. Venons boire à cette source qui guérit  et qui nous renouvelle dans l’amour et dans la joie d’aimer. C’est certainement la première des urgences car notre monde meurt de ne pas aimer et de ne pas être aimé.