5ème dimanche de Carême

dimanche 17 mars 2024

Par le père Michel Desplanches, recteur

Le  Seigneur Jésus prend dans cette Évangile l’image d’un grain de blé pour nous parler de sa destinée et de la nôtre. Dans un commentaire de ce texte, le père Varillon nous rappelle avec un clin d’œil que  la vocation du grain n’est pas de grossir. « Devenir un gros grain, appelez cela la volonté de puissance, la richesse »dit-il. Le grain de blé, en effet n’est pas un capital à faire fructifier. il ne s’agit pas de vivre un grossissement. Et il prend un exemple : une femme n’est pas une grosse petite fille, un homme n’est pas un gros bébé et Dieu n’est pas un gros homme. Ainsi, la  chenille n’a pas pour vocation de devenir une grosse chenille, mais un papillon et le grain de blé a pour vocation de devenir un épi chargé de vie. Ainsi, au cœur de la vocation du baptisé, il y a une transformation nécessaire.

On peut imaginer qu’une fois récolté,  le grain de blé est heureux dans son grenier. Pas d’humidité, pas de gouttière ; les petits copains du tas sont très gentils, il n’y a pas de bagarre. Il est heureux, heureux. On peut mettre derrière ce mot le bonheur humain : bonne santé, tranquillité, communauté sympathique, famille heureuse, tout va bien. C’est cela le bonheur du grain de blé dans un grenier. C’est un bonheur humain et c’est bien. Dieu veut notre bonheur.

 Mais j’ai été créé pour un bonheur infiniment plus grand. La vocation du grain de blé est bien de devenir un épi. Le bonheur du petit grain de blé dans son grenier est un petit bonheur de quatre sous… S’il est très pieux, le grain de blé loue Dieu pour son petit bonheur. Mais Dieu n’est pas l’auteur et le garant d’un petit bonheur de grain de blé dans un grenier ! Il veut pour nous une autre destinée, une autre fécondité. Le grain de blé, chargé ensuite sur une charrette, va louer Dieu pour le ciel bleu, pour les oiseaux et les fleurs. Mais ce Dieu n’existe pas, nous dit le Père Varillon. Le bonheur humain n’a rien de méprisable. Il suffit aux athées pour qui le bonheur humain est la totalité espérée. Mais le bonheur chrétien c’est tout autre chose. Voilà notre grain de blé jeté sur la terre froide, fraîchement labourée. On l’enterre dans le noir. L’humidité fait son œuvre et il se désagrège. À ce moment-là, notre grain de blé crie à l’absurdité de son sort: «Si Dieu existait, des choses pareilles n’arriveraient pas! » C’est ce qu’on entend chaque jour…. Et c’est bien dommage, car c’est justement à ce moment-là que le grain de blé rencontre le vrai Dieu, celui qui va le transformer en épi! Le grain de blé arrive au sommet de sa vocation et c’est à ce moment-là qu’il doute… Non, le grain de blé ne deviendra pas un gros grain de blé. Non la chenille ne deviendra pas une grosse chenille. Le grain de blé se fera épi. La chenille se fera un papillon. L’homme est fait pour être divinisé, pour être transformé. Nous ne participerons pas à la vie divine sans une transformation radicale. Il faut mourir à notre vie d’enfant pour être adulte. La mort est une étape incontournable de notre conversion. Elle n’est ni une surprise ni une fatalité. Elle est le chemin d’une vie pleinement accomplie.

Chez saint Jean, l’événement du Golgotha fait apparaître deux versants absolument indissociables : L’effroi et la mort de l’homme-Jésus permettent paradoxalement à la gloire de Dieu de se manifester. À travers l’abaissement et l’élévation de la croix, saint Jean voit une glorification du Fils par le Père et du Père par le Fils. La croix, c’est bien l’heure de la gloire de Dieu. C’est là que Jésus attire à lui tous les hommes qui laissent  mourir le grain de blé de leur vie pour donner beaucoup de fruits. C’est là, au Golgotha, que Jésus nous attend pour nous donner la vie en plénitude. Avec Lui, marchons vers Jérusalem. Avec Lui offrons notre vie. Avec Lui, naissons à la vie nouvelle de Pâques.

Père Michel Desplanches

Recteur