Le livre des Actes des Apôtres et les paroles de Jésus nous invitent à retrouver le dynamisme, l’audace et le courage missionnaire. Devant le peuple, Pierre affirme qu’il est témoin des événements qui ont eu lieu à Jérusalem pendant la Pâque, et Jésus confie à ses disciples la mission : à vous d’en être les témoins. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes concernés par ce même appel : être les témoins du Ressuscité au cœur de ce monde, auprès et au service des hommes et des femmes de notre temps. Ce n’est pas la première fois que nous entendons cela, mais y avons-nous répondu ou, au moins, sommes-nous prêts à poursuivre la belle aventure de la proclamation de la bonne nouvelle ?
Saint Jean nous demande de garder la parole, non pas comme on garderait une pièce de musée, mais en veillant à ce qu’elle illumine notre chemin, conduise nos choix et nos engagements, soit présente au moment de nos prises de décisions et d’orientation pour notre vie. Garder la parole, c’est tout simplement garder le Christ au plus près de nous et vivre tous les instants de notre vie en sa présence. Dieu ne s’intéresse pas à nous seulement lorsque nous sommes rassemblés pour la prière commune. Son désir est de nous accompagner là où nous vivons, là où nous travaillons, là où nous aimons. Nous ne sommes pas les messagers d’une parole morte mais du Verbe qui se fait chair.
C’est donc le Christ que nous annonçons, comme les apôtres l’ont fait à la fois par leurs paroles et par le témoignage de leur vie. Dans un monde et une culture qui n’étaient pas particulièrement ouverts à cette bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité, ils ont su trouver les mots et les gestes pour dire le message, pour porter témoignage. Le don de l’Esprit Saint les a libérés de leurs peurs et leur a permis d’accomplir la mission que le Christ leur avait confiée. Ils ont rencontré le Vivant, ils l’ont touché, ils ont été conduits pas lui à l’intelligence des Écritures et les voilà maintenant qui annoncent librement la Parole de Vérité.
Dans la lumière de Pâques, ils ont pu relire tout ce qui avait été annoncé par les prophètes comme une lente préparation à l’avènement du Fils de Dieu dans la chair de notre humanité. Jésus a accepté librement que sa chair soit clouée sur la croix pour que nous, nous soyons rendus libres à l’égard de la mort. En cela, il s’est fait le serviteur de la vie des hommes et des femmes de tous les temps. Les apôtres n’ont pas tout compris tout de suite, mais après que Jésus eut soufflé sur eux en leur transmettant la mission, ils sont devenus des hommes nouveaux qui ne pouvaient pas garder seulement pour eux la bonne nouvelle. Il en est de même pour nous aujourd’hui.
À leur suite, et chacun dans sa vocation personnelle, nous continuons à vivre cet appel du Christ : à vous d’en être les témoins. Nous ne nous contentons pas de regarder en arrière, en idéalisant le passé, mais nous prenons l’engagement d’être aujourd’hui celles et ceux qui, ayant accueilli la Parole, la transmette en toute liberté et dans la joie. Nous sommes à la fois au service de la Parole et au service de nos frères et sœurs qui ont besoin d’elle pour retrouver un sens à leur vie et pour raviver leur espérance. En suivant le Christ, Verbe fait chair, nous travaillons à l’avènement d’une vraie fraternité qui est fondée sur la reconnaissance de la dignité de toute personne humaine, sur le respect de sa vocation humaine et divine. Au nom de la Vérité qu’est le Christ lui-même, nous dénonçons le mensonge qui voudrait nous faire accepter que servir la fraternité et provoquer la mort peuvent aller ensemble. À la fascination de la mort qui aveugle certains, nous proclamons la force libératrice de la vie, la beauté transcendante de toute vie. De cela aussi nous sommes appelés à être les témoins.
Le Christ est maintenant présent au milieu de nous et il nous fait le don de sa paix. Il se manifeste à nous comme le Vivant qui a vaincu la mort et qui nous fait le cadeau de sa parole et de son corps. Comme chez les disciples, il y a peut-être en nous frayeur et crainte, doute et incompréhension. Mais, comme eux aussi, soyons dans la joie et l’émerveillement car c’est bien Celui qui est ressuscité le troisième jour qui est là parmi ses disciples d’aujourd’hui. C’est lui qui nous associe à la mission qui est de proclamer la conversion en son nom.
À nous maintenant d’ouvrir les yeux pour découvrir tous ces lieux et ces personnes qui sont en attente de la Parole de Dieu, d’une vraie rencontre avec le Ressuscité. À nous d’éveiller ce désir chez tant de nos contemporains déçus et désabusés qui ne voient dans l’évangile qu’une parole moralisante et déconnectée du réel. À nous d’être les témoins convaincants, non pas tant par la qualité de nos discours que par le témoignage lumineux de notre vie, par l’enthousiasme qui nous pousse à aller de l’avant dans la joie et l’espérance. Les difficultés du moment, l’indifférence qui nous entoure souvent, pourraient nous pousser à nous replier sur nous-mêmes, à nous enfermer pour n’être qu’entre nous. Ce serait tourner le dos à la mission et refuser de répondre à l’appel du Christ. Ce serait renoncer à être lumière pour le monde et à semer la parole qui est source d’une vie toujours nouvelle. Ce serait préférer la complicité avec les artisans d’une culture de mort alors que nous sommes les témoins de la bonne nouvelle de la vie.
Au moment de l’offertoire, le pain et le vin sont offerts et ils deviendront corps et sang du Christ par l’action de l’Esprit Saint. Nous pourrions peut-être présenter aussi nos vies, telles qu’elles sont. Elles sont riches de nos histoires personnelles, parfois blessées par les épreuves mais, par le souffle de l’Esprit, elles peuvent devenir sacrement de la présence du Christ vivant en ce monde. Depuis notre baptême, nous sommes consacrés pour apprendre jour après jour à grandir dans notre vie filiale et fraternelle. À nous aussi il faut du temps pour passer de la crainte à la liberté, du doute à la foi. Nous ne sommes pas si différents des apôtres et comme eux, nous pouvons aujourd’hui accueillir le Ressuscité qui nous donne sa paix, qui se montre à nous, qui nous ouvre à la compréhension des Écritures, qui nous nourrit à la table de la fraction du pain. Ainsi nourris et renouvelés, nous serons nous aussi envoyés : à vous d’en être les témoins.
Amen.