2e dimanche de Carême

dimanche 13 mars 2022

Par le père Brice-Miguel Mekena Mekongo, vice-recteur

« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre ».

Frères et sœurs bien-aimés, pour emprunter sérieusement le chemin vers Pâques, la Parole de Dieu nous donne tout au long du carême, dimanches après dimanches de précieuses indications. L’Évangile de la transfiguration que la liturgie nous propose en ce 2ème dimanche de carême a pour objectif de nous préparer à lire de manière correcte l’événement de la mort et la résurrection de Jésus. Dans son récit de la transfiguration, Saint Luc nous plonge dans le cheminement spirituel de trois apôtres du Seigneur, Pierre, Jacques et Jean, afin de nous partager l’incroyable découverte qu’ils ont faite au Thabor : la puissance de la prière.

Nous sommes sans cesse appelés à prier, et cet appel se fait particulièrement insistant pendant le temps de carême, et spécialement pendant ce temps de carême que nous vivons alors que notre monde est saturé de drames. Mais à quoi cela sert-il de prier ? Si dans cette Basilique ou derrière ces caméras, il y en a pour qui la prière apparaît comme quelque-chose d’inutile et du temps perdu, je vous invite à laisser l’expérience de la transfiguration nous communiquer la beauté surnaturelle de la prière.

« il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre ».

Jésus emmène ses trois disciples sur une montagne, et l’évangéliste nous dit pourquoi il est monté : c’est pour prier. Dans les Saintes Écritures, la montagne est toujours le lieu de la rencontre avec Dieu. Cette montagne où Jésus porte ses disciples, c’est le monde de Dieu où ils peuvent se laisser pénétrer par la lumière de Dieu, par la manière de penser de Dieu. Et nos trois apôtres ont consenti à quitter la plaine pour s’élever avec Jésus.

Il faut reconnaître que cette ascension avec le Christ nous dérange parfois lorsque nous sommes séduits par les plaines confortables de la télévision, d'internet, de certains modes de vie où la visibilité médiatique et le compte ne banque suscitent l’admiration, où le plus fort économiquement et militairement fait la loi. Dans ces plaines que le Seigneur nous appelle à quitter pour gravir la montagne, Lui, Jésus, l’Agneau immolé, le doux et humble de cœur, qui est né dans une mangeoire, qui n’a pas où reposé la tête qui est déjà sur le chemin du Golgotha est méprisé, il est considéré comme un perdant qui propose un chemin de perdant. Alors pour le voir différemment, pour voir différemment des personnes comme lui, Jésus invite à quitter cette plaine, pour prier.

« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre ».

C’est durant la prière que Pierre, Jacques et Jean commenceront à voir un aspect autre du visage de Jésus. Bien-aimés du Seigneur, la transfiguration n’est pas un événement magique, elle survient dans le contexte de la prière. C’est pendant la prière que les disciples ont réalisé que le visage de Jésus changeait, le visage dont la défiguration a été annoncé huit jours plus tôt avec l’annonce de la passion resplendissait, le visage de l’échec devenait celui du vainqueur ; dans la forme présente de son visage, se manifestait déjà la gloire de la Résurrection.

La prière ouvre notre cœur et notre esprit à des réalités nouvelles. Elle nous donne la force de regarder au-delà de la forme ; au-delà de la forme de notre maladie, de notre désespoir, de notre inconfort, de notre apparence, de notre visage. Elle nous ouvre à la bonne nouvelle qu’il y a quelque-chose d’autre dans ce monde de violents ; il y a quelque-chose d’autre dans mes souffrances, mes échecs et mes fragilités ; il y a quelque-chose d’autre dans ma vie, et dans cette vie. La question alors est de savoir si nous voyons ce quelque-chose d’autre, cet aspect autre ; la question est : avons-nous déjà fait l’expérience de la transfiguration ? Comment le savoir ? Cher frère, chère sœur, si tu n’arrives pas à voir le visage glorieux du Christ dans celui du crucifié, si à tes yeux, les visages d’humains qui ne ressemblent pas à celui de Jésus de Nazareth ne sont pas de laids visages et ne te font pas peur, alors tu n’as pas encore fait cette expérience. Si le visage bestial de celui qui assujettit les autres au lieu de les servir te séduit, si l’esthétique que présente le mal et le péché en ce monde te séduit, alors tu n’as pas encore fait cette expérience.

Mais il y a la prière ! « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre ». Prier transforme, change le cœur. En priant tu deviens ce que tu contemples, ce que tu écoutes, ce que tu aimes ; tu deviens celui que tu pries ; c'est au contact de Dieu que notre réalité s'illumine, et apparaît dans tout son éclat et sa profondeur. Il devient donc important de cultiver des moments de prières, d’intimité avec le Christ dans le silence. Évidemment, de tels moments exigent que nous nous détachions des banalités et blagues choquantes, des vanités de ce monde proposées par les médias, d’un téléphone qui sonne ou vibre continuellement.

Cependant, attention ! En cultivant cette intimité avec Dieu, la tentation est de vouloir rester dans ce cœur à cœur avec le mystère et ne rien faire d’autre. « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes » dit Pierre à Jésus. Construire une tente signifie s’arrêter, s’installer. Mais pourquoi Pierre veut s’arrêter, s’installer ? Il a compris ce qu’apporte la prière, ce lien intime avec Dieu ; il ne veut pas retourner à la vie quotidienne. Dans notre expérience spirituelle, lorsque nous écoutons par exemple une parole dans les Saintes Ecritures qui nous fait du bien, parfois on veut s’arrêter à l’étape du « j’ai compris ». Mais ça ne suffit pas, il faut encore se bouger, il faut encore traduire concrètement cette expérience dans la vie quotidienne, il faut l’enfanter dans le vécu.

Nous ne retournons pas souvent volontiers à la vie de chaque jour parce que les problèmes, les conflits familiaux, les drames que nous devrons affronter nous font peur. Seulement, notre rapport avec le Seigneur ne nous replie pas sur nous-mêmes, l’intimité avec Dieu n’est pas de l’intimisme spirituel, parce qu’il nous pousse à la rencontre avec le frère. Jésus nous conduit à la montagne pour que nous retournions transfigurés vers nos frères.

Mais reconnaissons avec Pierre qu’il est bon que nous soyons ici autour de ce Saint Sacrifice, sous le manteau de la Vierge du Laus. Poursuivons notre célébration en demandant la grâce de savoir goûter cette présence qui illumine nos vies et nos choix d’une lumière nouvelle, et comme dit le Psaume 35 : « Par ta lumière, Seigneur, nous voyons la lumière » (Ps 35.10b).

Loué soit Jésus-Christ !