24e dimanche du temps ordinaire

dimanche 12 septembre 2021

Par Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri

Fête de la rentrée scolaire et clôture de l'année mariale diocésaine

Vous vous doutez sans doute de la joie que j’éprouve de me retrouver dans ce sanctuaire si cher à mon cœur après l’avoir quitté pour la dernière fois lors de ma messe d’adieu au diocèse le 1er mai 2017. Ce jour-là, à notre grande surprise, il avait neigé au cours de la nuit et le sanctuaire était comme si la Vierge Marie avait voulu le recouvrir de son grand manteau blanc, riche en grâce, pour le protéger, pour nous protéger.

Cependant ma joie est empreinte de tristesse à l’annonce du décès du cher Père Combal. C’est lui qui m’avait accueilli lors de mon arrivée dans le diocèse en 2003, il était alors vicaire général et Recteur du sanctuaire. Avec lui c’est une riche mémoire de l’histoire du sanctuaire et de Benoite qui disparait, mais le Père Ludovic a efficacement pris le relais.

Cet après-midi sera célébrée la clôture de l’année mariale diocésaine avec le renouvellement de la consécration du diocèse à la Vierge Marie et la possibilité pour ceux qui le souhaitent de se consacrer personnellement.

Je te remercie, Xavier, de m’avoir invité à partager cette belle journée avec vous tous, que je suis très heureux de retrouver.

Tous ceux qui ont été amenés à commenter l'évangile selon saint Marc que nous venons d’entendre sont unanimes pour constater que la page qui est proposée aujourd'hui à notre méditation est en quelque sorte le sommet de l'Évangile. Il nous place nous-mêmes devant la question que pose Jésus à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ? »

Saint Marc nous dit que Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée de Philippe. Et c'est en marchant qu'il interrogeait ses disciples. Césarée de Philippe est une contrée au pied des montagnes et un lieu verdoyant où les eaux ruissellent des pentes enneigées. Les sources du Jourdain ne sont pas loin et c'est là que Jésus a entraîné ses amis dans la nature, loin des foules, un peu comme nous aujourd'hui.

Jésus va faire en quelque sorte avec ses disciples ce que l'on appelle aujourd'hui un sondage d'opinion. La SOFRES, l’IFOP et d’autres organismes passent leur temps à faire des sondages sur ce que pensent les gens des hommes politiques, de l'école, de tel ou tel produit, et même du vaccin et du pass sanitaire.

Avec la pédagogie qu’on lui connaît, Jésus commence par poser une question large : « Pour les gens qui suis-je. » Jusque-là, il est assez facile de répondre, il suffit de dire ce que l'on entend ici où là, de rapporter en quelque sorte les ragots, d’en rajouter un peu s’il le faut, de rapporter les rumeurs que l’on dit tenir de source sure. Quoiqu’il en soit, les réponses des apôtres montrent que, dans l'opinion publique, Jésus est regardé comme un grand homme, un grand prophète. On le prend soit pour Jean-Baptiste, soit pour Elie. Jésus est pris pour un porte-parole de Dieu.

Aujourd'hui encore, la plupart des hommes de bonne volonté considèrent Jésus pour un être exceptionnel et il faudrait être un ignorant pour affirmer le contraire. Qu’il croie ou non que Jésus est le fils de Dieu, aucun homme ne peut nier que Jésus de Nazareth a marqué l'histoire de notre planète, l'histoire de l'humanité.

Mais Jésus n'en reste pas à sa première question avec ses amis ; non content de ce que les apôtres ont rapporté, de ce qui se dit de lui, il pose maintenant la question beaucoup plus délicate et essentielle : « Et vous, vous mes amis, vous qui partagez ma vie. Pour vous qui suis-je ? »

Aujourd'hui, ici, ce matin c’est à nous que Jésus pose la question.

Je suis certain que si vous preniez la parole pour répondre à cette question nous entendrions de très beaux témoignages. Donc c’est aussi à nous que cette question double est posée : « Que dit-on de Jésus autour de nous ? » Vous arrive-t-il d'être questionné dans un groupe de travail, de loisir, sur le contenu de votre foi ? Il est probable d'ailleurs que nous n'y tenions pas trop. C'est exigeant, nous vivons souvent de telle manière qu'il ne viendrait à personne l'idée de nous poser cette question. Beaucoup de ceux qui nous entourent, que nous côtoyons tous les jours ignorent que nous croyons en Jésus-Christ fils de Dieu.  N'est-ce pas inquiétant ? Notre foi en Jésus ne changerait-elle rien à notre vie, à notre manière d’être, comme nous le rappelait assez vertement saint Jacques dans la seconde lecture. Ne serions-nous chrétiens que lorsque nous sommes protégés par les murs de nos églises mais plus du tout dès que nous en avons franchi le seuil ? Reconnaissons que si nous acceptions de mettre en pratique l’enseignement du Christ, le monde ne serait pas ce qu’il est.

 

À la question posée aux apôtres, c'est Pierre qui répond :« Tu es le Messie. »  Il ne suffit pas de rapporter l'opinion des autres. Chacun de nous doit répondre. Quelle profession de foi faisons-nous ?

Nous sommes là au cœur de l'Évangile. Le mystère de Jésus se dévoile avec une clarté aveuglante. Le charpentier de Nazareth est bien le Messie qui réalise les Écritures, mais d'une façon totalement inattendue. Notre acte de foi en lui ne sera complet qu'avec sa mort en croix et sa résurrection.

Tout l'évangile de Marc souligne combien fut lent et pénible pour les disciples, et surtout pour Pierre, l'itinéraire de la foi vers le Messie, crucifié et ressuscité. D'autant plus que l'itinéraire de souffrance de Jésus devait être le leur. Le vrai disciple, et Jésus désormais insistera, doit prendre la croix et perdre la vie « Pour moi et pour l'Évangile. » Il ne suffira pas de croire en Jésus malgré la croix, mais il faudra en vérité suivre Jésus en portant sa croix.

Jésus vient d'annoncer la croix pour lui.  Immédiatement il l'annonce aussi pour nous, pour ses disciples. Après avoir demandé « Qui dites-vous que je suis ? » D’une certaine manière, il nous demande « qui dites-vous que vous êtes ? » Quel sens donnez-vous à votre vie ?  Pour quoi est faite votre vie ? Pour la garder ? Ou pour la donner ? Pour aimer ? Ou… pour quoi ? Pour qui ? Se poser ces questions et tenter d’y répondre c’est déjà être au début, au tout début, certes, du chemin de sainteté, vocation de tout chrétien.

Pour répondre à toutes ces questions, nous avons ici l’exemple de Benoîte.

Tout comme Benoîte, le saint ne sera pas un idéologue. Tout comme Benoîte, il ne s’accrochera pas de manière infantile à des futilités. Tout comme Benoîte, il ne cherchera pas à marcher à côté de l’Église. Tout comme Benoîte, il souffrira pour l’Église mais aussi par elle. Tout comme Benoîte, il rencontrera la contradiction. Tout comme Benoîte, il sera compris des petits. Tout comme Benoîte, il vivra les béatitudes. Tout comme Benoîte, il aimera ses contemporains, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent. Tout comme Benoîte, il ne maudira ni ne flattera : il aimera tout simplement. « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. » dit saint Jean. Tout comme Benoîte, là où il passera, on pourra sentir Dieu, on se sentira aimé, grandi, libéré, vivant.

Les enfants, savez-vous que Benoîte n’avait pas comme vous la chance d’aller à l’école, même s’il vous arrive de préférer les vacances. Lors des premières apparitions, Benoîte a 17 ans et elle ne sait ni lire ni écrire. Ceci ne l’empêchera pas d’ouvrir son cœur et son intelligence aux messages que lui adresse la « Belle dame », comme elle l’appelle avant de savoir qu’il s’agit de la Vierge Marie. Attention, je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut pas travailler à l’école pour savoir lire les signes que Dieu nous adresse. Cela veut dire simplement, que nous soyons cultivés ou pas, Dieu s’adresse d’abord à la générosité de notre cœur pour témoigner de son amour et pour nous demander d’en témoigner.

Tout à l’heure, nous allons bénir vos cartables. Ouvrez-les, regardez à l’intérieur. J’ignore ce qu’ils contiennent, peut-être des livres, des cahiers, des tablettes, de quoi écrire, que sais-je. Regardez-bien, vous ne voyez pas des clefs ? C’est normal parce que ce sont des clefs invisibles. Et pourtant ces clefs vont ouvrir beaucoup de secrets, les secrets de la richesse et de la beauté de la Création voulue par Dieu et qu’il nous faut respecter. Ces clefs invisibles ouvriront la richesse et les secrets de celles et ceux que Dieu placera sur votre route et qu’il nous demande d’aimer, et plus important encore, ces clefs révèleront la richesse et les secrets que Dieu a cachés dans votre cœur et que vous ne connaissez pas encore. Comme l’a dit un écrivain, Khalil Gibran : « Personne ne peut vous révéler autre chose que ce qui repose déjà, à moitié endormi, dans le commencement de votre savoir. »

En terminant, j’ai envie de vous parler des virus. Oh pas de la covid 19, mais des virus qui rongent et détruisent notre société, des virus qui contaminent même nos communautés chrétiennes. Nous les connaissons bien ces virus, et depuis longtemps, ils ne viennent pas de Chine ceux-là. Est-il nécessaire de les nommer tant ils nous sont familiers : l’injustice, la jalousie, l’indifférence, le mépris, le racisme, la médisance, la calomnie, l’orgueil, pour n’en citer que quelques-uns tant la liste serait longue.

Pour lutter contre ces virus, il y a mieux qu’un vaccin, il y a le don de la vie du Christ torturé, insulté et crucifié. Il y a le don de son Esprit, il y a la prière, il y a les sacrements. À nous regarder vivre, on peut se demander si le Christ n’a pas fait le don de sa vie pour rien. En fait, l’Évangile nous rappelle qu’un don ne devient efficace que si on le fait fructifier. Alors, en cette journée mariale, demandons à la « Belle dame » de nous ouvrir de nouveaux chemins pour lutter contre ces virus et témoigner que le Christ n’a pas donné sa vie en vain.

+ Jean-Michel di FALCO LÉANDRI

Évêque émérite de GAP et EMBRUN