L’infinie puissance du Sauveur
Tout se passe à l’écart. Dans un grand silence.
Et tout à coup, une seule parole retentit : « effata », « ouvre-toi ! » Comme un big-bang, une puissance de création rejoignant l’homme en sa souffrance. Et alors, tout se délie en lui. L’ « effata » vient l’ouvrir aux chants des oiseaux, aux cris des enfants et aux bruits du monde. Il n’est pas seulement guéri, il est recréé, touché de plein fouet par la puissance infinie du Créateur !
Voilà le Sauveur que nous confessons ! Voilà Celui que nous sommes venus glorifier par notre présence à la messe : il est le Tout-puissant, il est la Vie en plénitude et Il veut tout délier en nous. Le Seigneur n’est pas un dieu réticent, gardant en Lui-même sa puissance comme un avare son argent. Un dieu devant lequel il faudrait trouver les paroles les plus justes et les comportements les plus parfaits pour qu’il daigne ouvrir un peu l’épaisseur du Ciel où il est caché et qu’il saupoudre sur nous quelques poussières de sa puissance infinie... Non, ce n’est pas ce que Jésus révèle aujourd’hui.
Le Seigneur nous montre d’abord un homme incapable de demander sa propre guérison ; quelqu’un qui avait de la peine à parler, ne pouvant donc chercher à convaincre avec des mots ; un sourd, qui n’avait par conséquent jamais entendu parler de Jésus, ni écouté de ses oreilles Celui qui est le Verbe. Cet homme a juste accepté d’être amené au Christ, et c’est tout. L’amour sauveur a fait le reste.
La puissance divine lui est alors tombé dessus ! Non pas un petit saupoudrage de grâce, mais un torrent de vie, qui a tout emporté sur son passage : sa surdité, sa difficulté à parler et toutes ses années de souffrance isolé des autres. Tout cela : emporté par le torrent d’amour venu le recouvrir comme un débordement de grâce ! Voilà la Toute-puissance de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer ; Toute-puissance qui a transformé cet homme, par un simple geste.
Puissance de Jésus ! Puissance inimaginable pour nous, mais pourtant bien perceptible en s’y ouvrant tant soit peu à Lui. La puissance de Celui qui a créé les galaxies et les atomes, la puissance infinie qui a fait jaillir la vie de rien et qui continue à la faire naître dans un utérus…cette puissance dépasse tout ce que l’on peut concevoir... Elle nous dépasse, mais par amour, elle nous rejoint. Et quand elle nous rejoint, ce n’est pas en s’amoindrissant, c’est en faisant tout éclater en nous : « ouvre-toi » !
Oui, à chaque fois que le Christ nous rejoint, même dans la discrétion comme il le fait avec cet homme, c’est toujours pour déployer sa puissance divine, avec plus de force qu’un éclair ne frappe le sol. Pour ce sourd, il a suffi d’un doigt, il a suffi d’un peu de salive, et voilà qu’il s’est ouvert comme un barrage cédant sous la pression de l’eau. Tout s’est ouvert en lui ; et sa vie a profondément changé !...
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Ah, vous vous dites peut-être qu’il a eu de la chance, celui-là ! La chance de se trouver au bon moment, au bon endroit. En plein territoire de la Décapole, c’est-à-dire un territoire de 10 villes, il y avait donc bien neuf autres villes par où Jésus aurait pu passer. Mais il est venu dans celle où se trouvait cet homme muet, qui a tiré le bon numéro. Tant mieux pour lui… Mais pour les autres ? Et pour nous ? Serions-nous donc privés de la puissance du Sauveur ? Pourquoi le Seigneur, s’il est si puissant, n’agit-il pas plus visiblement sur toutes les souffrances et toutes les maladies du monde ?
En fait, il se pourrait bien que nous soyons plus sourds encore que cet homme-là. Sourds au point de ne pas avoir entendu tout ce que le Seigneur nous a révélé au cours des dimanches du mois d’août. Une série de dimanches sur l’évangile de saint Jean, au chapitre 6, pour nous ouvrir à ce grand mystère : « Je suis le pain de vie » ; « si quelqu’un mange de ce pain, il ne mourra pas » ; « qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » ; « Mon corps est la vraie nourriture, mon sang la vraie boisson » ; « si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous. » Faut-il donc que nous soyons sourds, au point de ne pas avoir entendu la puissance de ces paroles ?
Car dans le mystère de la messe, le Christ ne vient pas seulement mettre ses doigts dans nos oreilles ni un peu de salive sur notre langue. Non, ce qui vient toucher nos oreilles à la messe, c’est sa Parole vivante qui nous rejoint par vagues successives : première lecture, psaume, deuxième lecture et évangile. Ensuite, ce qui vient toucher nos langues quand nous communion, ce n’est pas un peu de salive de Jésus, c’est tout son être, son être divin et sauveur. C’est toute sa personne – corps et sang, âme et divinité - qui vient reposer dans nos bouches pour transformer nos corps et nos cœurs !
Chaque communion est donc un événement surpuissant, plus puissant encore que celui vécu par ce sourd muet. Chaque communion est un acte de création et de recréation, une puissance de guérison qui dépasse tout ce que nous parvenons à saisir !
Mais nous, nous risquons d’en faire un petit rite, auquel on participe distraitement, du bout des lèvres, avant de repartir à la maison comme si de rien n’était ! On regarde l’heure pour savoir quand est-ce que c’est fini, ayant plus hâte de manger ensuite un bon poulet rôti que de communier ici au Sauveur du monde. On se chamaille sur des mots en latin et des manières de recevoir l’Eucharistie, alors que chaque communion a plus de puissance que le big bang qui a fait surgir la création de la pensée divine !
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Je vous propose alors, frères et sœurs, que ce dimanche soit pour nous aussi décisif que fut pour le sourd-muet sa rencontre avec Jésus. Aussi décisif, pour que nous ne repartions pas d’ici comme si la messe était un rituel sans puissance. Mais que nous laissions le Christ nous toucher, pour que sa toute-puissance infinie nous transperce et vienne tout délier en nous.
Sans doute, ceux parmi nous qui sont malades ne vont-ils pas repartir d’ici physiquement guéris, ou pas tous, ou pas immédiatement. Je pense aussi à vous, frères et sœurs, qui nous suivez fidèlement par notre chaîne Youtube alors que vous êtes dans la souffrance d’une maladie. La promesse du Christ suscite peut-être en vous un mélange de grand désir et de profonde interrogation car, à vue humaine, vous ne semblez pas guérir.
Faites donc confiance à la puissance de vie du Seigneur ! Si vous vous y abandonnez, comme cet homme sourd et muet qui ne peut rien maîtriser, alors des torrents de grâces vous rejoindront, c’est certain ! La puissance de Jésus pourra venir en vous et délier ce qui a besoin de l’être. Guéris, vous le serez alors certainement, selon des modalités qui n’appartiennent qu’au Tout-puissant ; mais Il ne laisse jamais personne de côté.
Si vous laissez sa puissance divine agir en vous, alors Il agira puissamment ; peut-être pour vous faire quitter un péché qui bloque votre chemin vers le Ciel, peut-être pour vous guérir de relations avec les autres qui sont pires parfois que la surdité, ou pour agir avec puissance sur vos culpabilités qui sont plus douloureuses qu’une maladie. Le Tout-puissant agit comme Il veut, mais toujours pour faire une création nouvelle, toujours pour ouvrir en nous ce qui a besoin de l’être : « effata », « ouvre-toi ».
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Frères et sœurs, en vivant cette messe dans la vive conscience que la Toute-puissance de Dieu vient nous rejoindre dans sa Parole et son Eucharistie, des merveilles peuvent réellement se passer en nous, des liens mauvais peuvent être coupés et de nouveaux chemins peuvent s’ouvrir. Croyons seulement à la Toute-Puissance du Seigneur !
Ainsi pour vous qui allez cet après-midi recevoir le sacrement des malades, que nous proposerons aux vêpres dans le cadre de notre week-end de guérisons au Laus : je vous invite à vous préparer à ce qui va se passer pour vous. Le sacrement des malades se vit essentiellement en silence, avec une longue imposition des mains qui semble faire écho au geste de Jésus sur les oreilles et sur la langue du sourd-muet.
Vous pourrez alors penser à cet homme, dans sa ville de Décapole, et lui dire : « c’est pour moi aujourd’hui comme ce fut pour toi jadis : un événement de recréation, qui vient tout délier et tout sauver en moi ! » Un événement de salut, qui réalise et qui prépare en même temps ce que le Seigneur veut pour tous au Ciel : là où il n’y aura plus de maladie, plus de sourds, plus d’aveugles, plus de pleurs. Seulement des sauvés, totalement recréés, éternellement ouverts à la puissance infinie du Dieu trois fois saint. Amen.