Frères et Sœurs Bien-aimés, le vendredi saint, nous commémorons les évènements qui vont de la condamnation à mort à la crucifixion de Notre Seigneur. En célébrant ce soir sa douloureuse passion dans ce Refuge que la Vierge a obtenu pour nous, pécheurs, je vous propose de méditer avec moi le sens de la passion et de la croix à la lumière de l’expérience même de Benoîte Rencurel, la « Bergère » du Laus. Vous le savez certainement, le Crucifié est apparu cinq fois à Benoîte. Dans les manuscrits du Laus, nous lisons : « Quand Jésus voulait apparaître à Benoîte, il lui inspirait d’aller à la croix. Elle sentait alors une odeur infiniment plus odoriférante que celle de Marie » (CAG. P. 25 -297- année 1669).
En lisant ce passage des manuscrits, je me suis toujours demandé pourquoi Jésus a rendu la croix essentielle pour ses apparitions à Benoîte. Chacun d’entre nous peut mener ses propres recherches sur cette question ; moi, j’ai trouvé une piste intéressante dans le récit même de la passion. Sur la Croix, au moment de sa mort qui a marqué le sommet de sa mission terrestre, le Christ est reconnu Dieu. En effet, Saint Marc dans son Évangile nous dit que : « Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » » (Mc 15, 39). Ce païen n’a pas eu besoin d’être le bénéficiaire de tous les miracles possibles et imaginables opérés par Jésus pour croire en sa divinité, il lui a suffi l’événement de la Croix. A travers l’expérience mystique de Benoîte, le Christ nous rappelle que la Croix n’est pas accessoire dans notre rencontre avec le Dieu TOUT-PUISSANT ; elle est essentielle, incontournable pour voir, connaître et reconnaitre qui est Dieu.
Le Vendredi Saint, il y a une vérité que nous devons proclamer haut et fort : Celui que nous contemplons sur la croix est Dieu, Fils du Père éternel. Et c’est sur cette Croix que Dieu donne une réponse à Job et à chacun de nous sur la question de la souffrance humaine. Que peut-on faire de mieux pour montrer à quelqu’un qu’une boisson ne contient pas de poison ? On la boit avant lui et devant lui. C’est ce que Dieu fait avec nous sur la Croix, c’est ce que Dieu fait pour nous. Si notre Dieu Lui-même a choisi de goûter la souffrance humaine et la mort, c’est qu’elles ne peuvent être seulement négativité, perte, absurdité, c’est qu’au fond de cette coupe, il y a une perle, un trésor comme l’a perçu Saint Paul qui dit aux Romains : « J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8, 18). Cette gloire c’est la résurrection.
Chers frères et Sœurs, de la Croix jaillit pour nous la pleine vie, la libération. Dans l’Évangile, nous lisons que de la Croix, Jésus inclinant la tête, il remit l’esprit, il expira, il rendit son dernier souffle ; et de la croix, on lui transperça le côté d’où ont jailli du Sang et de l’eau, symboles des Sacrements. De la Croix donc, le Christ répand son souffle sur la terre, Il nous donne son esprit de vie et ses sacrements qui nous vivifient, nous consolent et nous réconfortent. Au regard de tous ces bienfaits, et conscient des moments difficiles que le monde traverse, je voudrais nous inviter à nous accrocher à la Croix du Christ comme à un radeau lorsque le torrent nous entraine.
En le disant, je pense particulièrement à tous ceux qui pleurent le décès d’un être cher, à ceux qui vivent ces jours saints dans le silence d’un lit d’hôpital ou dévastés par la solitude. Je pense à vous qui travaillez sans relâche pour assurer à l’humanité une vie digne en temps de Covid, ainsi qu’à vous qui ne savez pas comment vous nourrirez vos familles dans les prochaines semaines, après la perte de vos emplois. Pour nous tous qui portons aujourd’hui des croix, il y a un message d’espérance dans l’expérience de vie de Benoîte. « Le 8 novembre, nous disent les Manuscrits du Laus, Benoîte entend la voix de son bon ange, qui lui dit d’avertir deux personnes qu’elles auraient de grandes croix ; qu’elles les prennent avec patience, qu’elles soient bien humbles, le tout pour l’amour de Dieu et pour sa plus grande gloire et celle de sa très sainte Mère ; qu’elles en seront bien récompensées » (CAG. p. 180 VIII -226- année 1696). La patience et l’humilité sont alors deux vertus qui nous permettent de vaincre par la croix.
Bien-aimés du Seigneur, le mystère que nous célébrons ce jour nous rappelle que la souffrance, toute souffrance, mais particulièrement celle des innocents, met en contact avec la Croix du Christ, d’une façon connue seulement de Dieu. Demandons alors par la Vierge du Laus, la grâce de témoigner dans l’épreuve et la persécution comme le Christ dont le Sang parle un autre langage que celui d’Abel (cf. He 12, 24) : un Sang qui n’exige ni vengeance ni punition, mais qui est réconciliation » (cf. J. Ratzinger - Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Éditions du Rocher, 2011, p. 215).
Loué soit Jésus-Christ !