5e Semaine de Carême B

lundi 22 mars 2021

Par le père Ludovic Frère, recteur

Dieu fidèle

Dans la première lecture, une femme injustement accusée d’adultère ; dans l’évangile, une femme incontestablement convaincue d’adultère. Dans la première lecture, un homme courageux qui s’érige contre une injustice ; dans l’évangile, le Fils de Dieu courageux qui relève les injustes. Si le courage de Daniel lui fait prendre des risques pour préserver la vie d’une innocente, le courage du Christ lui fait prendre des risques pour rendre la vie aux coupables.

 

En nous offrant de méditer ensemble les figures de Daniel et du Christ, la liturgie de ce jour semble donc suggérer ce que saint Paul exprime clairement au chapitre 5 de la lettre aux Romains : « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,7-8).

 

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Oui, la preuve que Dieu nous aime, nous l’avons là sous nos yeux, avec cette femme adultère. Elle représente en fait toute l’humanité infidèle, affalée au sol, écrasée par son péché. La loi la condamnait à mort ; le Christ la rejoint et la relève : « va et désormais ne pèche plus ».

 

L’infidélité n’est pas le dernier mot de l’alliance pour la remettre en cause. Bien loin de détourner son regard de sa bien-aimée infidèle, le Seigneur ne peut s’empêcher de lui donner tout son amour. Dès la première alliance, dans le livre d’Osée, Dieu déclare ainsi sa flamme : « mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » (Os 2,16). Voilà donc le temps du désert, représenté par notre Carême, comme un temps pour nous laisser entraîner à l’écart par le Bien-aimé afin qu’il nous séduise davantage encore.

 

Cette marche au désert qu’est notre Carême approche bientôt de son terme. Mais justement, ces quelques jours qu’il nous reste à passer au désert, vivons-les vraiment avec le Seigneur. Désert d’intimité avec le Bien-aimé, désert de dépouillement pour ne rien Lui préférer, désert de mémorial de Sa fidélité. Vivons chaque jour de cette semaine dans cette dynamique du livre d’Osée : « mon épouse infidèle, je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » (Os 2,16).

 

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Cette semaine préparatoire aux Jours Saints peut ainsi devenir d’abord une grande semaine de contrition pour nos infidélités personnelles et pour celles de l’humanité entière. Mais elle est plus encore appelée à être un temps pour nous préparer à célébrer l’accomplissement des promesses faites à la bien-aimée conduite au désert : « Je ferai de toi mon épouse, pour toujours » (Os 2,21). Si la loi de vie de la première alliance n’était pas suffisante pour éveiller dans le cœur de la bien-aimée une fidélité totale, le Seigneur donne sa vie : Épousailles de la croix, noces de la sortie du tombeau : depuis que le Christ nous a libérés de la séparation définitive causée par nos infidélités, Dieu a fait de l’humanité sauvée - qu’on appelle l’Église - son épouse pour toujours.

 

Le Seigneur ne reviendra jamais sur ses promesses accomplies, car l’Alliance scellée dans le sang du Christ est définitive. Saint Paul le proclame avec force en disant : « Si nous sommes infidèles, Lui il restera fidèle, car il ne peut se rejeter Lui-même » (2 Tim 2,13). Notre regard sur les infidélités de nos vies doit donc être saisi dans un regard plus large sur la fidélité de Dieu : jamais le Seigneur ne reviendra sur son Alliance, parce qu’il ne peut pas changer ce qu’Il est : Dieu n’est que miséricorde !

 

Cette dernière semaine au désert est donc faite pour admirer le Dieu fidèle, pour goûter sa miséricorde, pour la proclamer aux autres par des comportements doux et bienveillants. C’est ainsi que nous nous préparerons en vérité à suivre bientôt le Dieu fidèle jusqu’à la croix et jusqu’au tombeau.  

 

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« Va et désormais ne pèche plus » : tel est le chemin qui s’ouvre à cette femme. Un retour à la vie, non pas simplement comme une deuxième chance qu’il ne faudra pas manquer, mais comme une vie totalement nouvelle parce que fondée sur cette parole, qui résonnera sans doute à jamais dans le cœur de cette femme : « je ne te condamne pas ! » Entendez bien aujourd’hui cette douce parole, pour vous et pour l’humanité entière : « je ne te condamne pas », dit le Sauveur du monde.

 

« Va et désormais ne pèche plus » : essayons d’imaginer ce qui s’est alors passé dans le cœur de cette femme, comment elle a bondi de terre, comment elle est rentrée chez elle le cœur en joie ! Une femme nouvelle, rayonnante comme jamais, abandonnant les paroles de critiques qu’elle avait peut-être souvent à l’égard des autres ! La voilà désormais nouvellement attentionnée à l’égard de son mari, de ses enfants peut-être aussi ; pleine de vie et de gratitude, vraiment vivante car ayant touché du doigt ce que c’est que d’être sauvé de la mort.

 

C’est ainsi qu’il nous faudrait repartir de chaque confession et de chaque Eucharistie. C’est ainsi qu’il faut nous préparer à Pâques. Amen.