La lèpre est une maladie terrible. Non seulement les membres sont rongés peu à peu, mais le visage est déformé, grimaçant, véritablement effrayant. On comprend alors que cette maladie coupait la personne de toute vie sociale: le lépreux était isolé, abandonné, réduit à sa maladie. Cette difformité apparaissait comme le fruit de son péché, et aucun traitement n’était possible il y a 2000 ans. Ne nous y trompons pas, la condition déplorable de ces malades est similaire à celle des pécheurs que nous sommes. Oui, le péché nous défigure, nous qui étions à l’image de Dieu. Le péché nous humilie et brise la communion avec notre entourage. Le péché nous isole et nous replie sur nous-mêmes. Alors, que faire pour sortir de cet enfer qui ne peut mener qu’à la mort ? Que faire? sinon, crier vers Dieu, comme le font les lépreux de l’Évangile : «Jésus, Maître, prend pitié de nous ! ». D’ailleurs, c’est bien comme cela que nous commençons chaque messe : Seigneur, prends pitié… Sauf que notre cri est bien timide, et nos regards, souvent, distraits… La première lecture, nous parle d’un général syrien. Ayant contracté la lèpre, il se rend jusqu’au auprès du prophète, lui qui ne connaît rien à la foi d’Israël. Arrivé auprès d’Élisée, il est déçu par son apparence ordinaire. Il s’attendait à un personnage imposant, à des formules mystérieuses et à des gestes de guérison… Et voilà, il ne rencontre qu’un pauvre homme qui lui dit d’aller se baigner 7 fois dans cette mauvaise rivière du Jourdain, lui qui venait du pays des grands fleuves ! Il est déçu… A son image, nous ressassons souvent nos déceptions. La messe n’est pas assez belle, le prêtre, pas assez intéressant, les chants ne me plaisent pas, la communauté est trop peu nombreuse, bref, rien d’éblouissant ou de spectaculaire. Nous oublions que ce ne sont pas là les mœurs de notre Dieu. Sa grâce ne dépend pas des apparences. Il aime ce qui est pauvre et petit.
Naaman reçoit l’ordre d’aller se baigner. Il refuse mais ses sages serviteurs l’invitent à obéir et voilà qu’il est purifié. C’est là que se trouve la charnière essentielle qui nous fait passer du côté de la foi. L’obéissance humble de ce général c’est celle du disciple. Il laisse de côté, sa fierté, ses petites certitudes, son amour des apparences. L’humilité du disciple lui permet, dans obéissance, de pénétrer dans l’univers de la foi. Une vie nouvelle commence pour lui.
Désormais, Naaman ne priera plus que le Dieu d’Israël. Il quitte ses habitudes et plonge dans la foi.
En cette période curieuse que nous traversons, de nombreux adultes, cherchent à donner un sens à leur vie, à être guéris de la lèpre de leur misère. Par la grâce de Dieu, ces hommes et ses femmes se tournent vers l’Eglise. En effet, que ce soit pour Naaman ou pour les 10 lépreux de l’Évangile, la guérison passe d’abord par une rencontre personnelle qui change tout. Aujourd’hui, plus que jamais, la crédibilité de notre témoignage est donc fondamentale pour soutenir la démarche des catéchumènes. Chacune et chacun de nous est appelé à être crédible dans sa démarche de foi. Par une présence discrète et désintéressée, nous avons sans cesse à renvoyer vers la communauté et vers Dieu par la cohérence de nos vies.
Jésus renvoie les 9 juifs et le samaritain lépreux vers le prêtre, qui déclarera leur guérison et les réintégrera dans la vie sociale. Les 9 juifs sont évidemment attachés à cette cérémonie de libération et il courent vers le prêtre. Ils accomplissent la Loi. Le samaritain, lui, remonte vers la source de sa guérison. Il se jette, face contre terre, devant Jésus. Sa foi lui avait apporté la guérison, son action de grâce, lui vaut le salut: «Relève-toi et va: ta foi t’a sauvé. » Chers amis, n’ayons pas peur d’avoir la foi, même si cela nous vaut des rejets et des critiques. Osons croire avec toute notre confiance, osons nous jeter aux pieds de Jésus en rendant grâce. Car le fond de la prière c’est de savoir dire « oui » et « merci ». Tout est là!
A l’image de Naaman, le Syrien, ne méprisons pas les gestes simples comme l’huile de la lampe du tabernacle que la Vierge Marie a indiqué ici comme remède. Osons obéir avec simplicité dans une confiance qui guérit et qui sauve. Notre salut en dépend…
Père Michel Desplanches
Recteur