Homélie du 17ème dimanche du temps ordinaire

dimanche 28 juillet 2024

Par le père Philippe Blanc, chapelain

 

 « Dieu a visité son peuple », telle est l’acclamation de l’évangile, telle est aussi notre foi. Et en ce lieu du Laus, le désir du Seigneur est manifeste : il nous invite à une Bon Rencontre. Aujourd’hui, comme chaque dimanche, c’est bien l’expérience que nous vivons : Il nous appelle, nous parle, nous nourrit et nous envoie comme autant de témoins et de missionnaires.

Ce qui a été vécu par les apôtres et la foule nombreuse, c’est ce que nous vivons en ce moment. Jésus nous a invités à le rejoindre sur la montagne pour nous enseigner par sa parole et par les signes qu’il accomplit pour nous. À travers paroles et signes, il manifeste son amour, sa proximité et sa gloire, il nourrit notre foi et fait de chacun de nous un porteur de la Bonne Nouvelle.

Mais avant d’aller plus loin, regardons dans nos sacs… et soyons prêts à offrir les pains d’orge et les poissons qu’ils contiennent. L’offrande de cet enfant permet à Jésus d’accomplir le signe du pain multiplié et partagé. Un regard extérieur et superficiel dit : « mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Pour Jésus, c’est tout autre. Avec cette pauvre offrande, il accomplit le signe de la démesure de l’amour. Son regard sur la foule est souvent marqué par la compassion car Jésus saisit immédiatement quels sont les vrais besoins de notre humanité. Dimanche dernier, elle ressemblait à des brebis sans berger ; aujourd’hui, c’est une foule affamée qui va découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain.

Pour accomplir son signe Jésus a besoin de ce peu de pain et de poisson apporté par cet enfant, comme Élisée avait lui aussi eut besoin des pains d’orge et du grain frais pour nourrir le peuple. Dieu n’est pas un magicien ou un potentat qui déciderait de tout indépendamment de son peuple et qui se contenterait de faire sentir son pouvoir. Dès le début de l’Alliance, il nous invite à collaborer avec Lui, à devenir des partenaires responsables et efficaces, à découvrir la fécondité de l’amour qui se déploie dans la diversité des vocations personnelles. Le projet demeure, il nous appartient d’y participer et de lui donner une actualité.

Aujourd’hui, en regardant nos vies et ce que nous sommes, qu’avons-nous à apporter et à offrir au Seigneur ? Il veut que nous lui offrions du pain et du vin pour que la réalité de son Corps et de son Sang nous soit donnée en nourriture. Il veut que nous lui présentions nos vies, telles qu’elles sont et sans artifices, pour susciter en nous une vie nouvelle et nous revêtir de sa gloire. Avec peu de pain et de poisson, Jésus nourrit une foule et il y a même du surplus. Avec nos vies offertes en réponse d’amour, Jésus peut faire toutes choses nouvelles et donner une visibilité au royaume des temps nouveaux de l’évangile vécu et partagé.

Par vocation, nous dit saint Paul, nous sommes « tous appelés à une seule espérance ». Au fondement de cette espérance il y a la certitude que Dieu est présent au milieu de nous. Aujourd’hui, Dieu nous visite et nous invite à célébrer le mystère pascal, la victoire de l’amour et de la vie. L’évangéliste a noté que « la Pâque … était proche ». La Pâque, c’est le passage de Dieu dans notre histoire en vue de notre libération, et les esclavages modernes ne sont pas moins puissants et avilissants que ceux d’autrefois. La Pâque, c’est Dieu qui se rend présent au milieu de nous, et le repas partagé – pris d’abord en hâte et devenant le repas des noces de l’Agneau – est en vue de la mission et de la mise en route vers un monde nouveau et une terre nouvelle.

Alors que Philippe se met à calculer, Jésus se prépare à montrer que l’amour de Dieu est au-delà de toute mesure. Dieu ne mesure ni son amour, ni sa grâce. Il ne nous donne pas à la mesure de ce que nous sommes prêts à offrir, mais selon la démesure de sa miséricorde et de sa tendresse. Cinq pains pour cinq mille hommes… Alors, n’ayons pas peur de lui offrir simplement ce que nous sommes et laissons-le agir selon sa volonté. Ne soyons pas des spectateurs passifs et indifférents alors que notre monde a un besoin urgent de retrouver le sens de la vie, du bonheur, de la paix dans la justice… C’est un père dominicain – le père Didon – qui a inspiré la devise olympique, « plus vite, plus haut, plus fort ». Il ne s’agissait pas pour lui de glorifier la performance ou la victoire, mais d’inviter à donner le meilleur de soi-même, de progresser, de se dépasser au quotidien, sur le stade comme dans la vie, dans la vie humaine comme dans la vie spirituelle.

Mais n’oublions pas le rôle d’« André, le frère de Simon-Pierre ». Il a su voir ce que le jeune garçon avait dans son sac et il l’a aidé à l’offrir. Cela dit quelque chose de notre mission : nous ne sommes pas envoyés pour donner des solutions toutes faites, des recettes infaillibles qu’il suffirait de répéter, mais pour aider à découvrir la présence du Christ qui est déjà là dans le cœur des personnes que nous rencontrons. Le patriarche Jacob disait : « le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas ». Ce lieu, c’est nous-mêmes ! Beaucoup de nos frères et sœurs, et nous aussi parfois, ignorent ou refusent cette présence. Par la qualité de notre fraternité, par la douceur et la force de notre témoignage, par notre manière de vivre la fidélité de nos engagements, nous pouvons aider à découvrir ou redécouvrir cette présence d’un Dieu qui est là, présent et aimant pour nous combler au-delà de ce qui nous pourrions attendre. Ce Dieu qui est déjà là a soif de nous rencontrer.

Sur la montagne, que ce soit en Galilée ou au Laus, Jésus nous parle et nous nourrit… à nous maintenant de parler en son nom et d’offrir la Parole de vérité ; à nous de devenir au cœur de ce monde Celui que nous avons reçu. Amen.