27e dimanche du temps ordinaire

dimanche 03 octobre 2021

Par le père Brice-Miguel Mekena Mekongo, vice-recteur

Dimanche Saint-Joseph, l'homme juste

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »

Frères et Sœurs bien-aimés, s’il y a un thème sur lequel il est important de réfléchir aujourd’hui à la lumière de l’Évangile, c’est bien celui de l’institution de la famille qui vit actuellement une situation préoccupante. On se marie de moins en moins ou de plus en plus tard. Le pourcentage de ceux qui ne veulent même pas entendre parler de la question de s’impliquer dans le projet de fonder une famille n’a de cesse d’augmenter. Il y en a qui pensent même que la société qui se forme actuellement est post-familiale, c’est-à-dire que la famille traditionnelle a fait son temps et est désormais un vestige du passé. De plus, les familles qui ont le vent en poupe, qui sont à la mode et sont présentées par les média comme normales, modèles et modernes, ce sont les familles où il n’y a plus papa, maman, frères ni sœurs, ni cousins ni cousines. Et la façon de vivre la sexualité la plus admise dans ces médias est que chacun doit pouvoir avoir pour partenaire qui il préfère, quand, comme et où il préfère, du moment où les personnes impliquées sont consentantes.

Dans ce contexte, celui qui croit encore à la valeur de l’amour conjugal, inconditionné et définitif éprouve un certain inconfort, il se sent comme quelqu’un qui ne raisonne pas, qui ne vit pas en phase avec son époque ; et dans certains milieux ecclésiaux, il se sent même comme en incohérence avec la foi de l’Église. En respectant toutes les propositions et logiques actuelles, il est donc est important pour nous croyants d’aujourd’hui de savoir ce que pense Jésus par rapport à tout cela.

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »

La demande des pharisiens est aussi celle qui préoccupe tant de personnes en ce moment : « Seigneur Jésus divorce, oui ou non ? » ; on ajouterait aujourd’hui « rapport sexuel avant le mariage, oui ou non ? », « pacs, oui ou non ? » etc. Plutôt que de dire oui ou non, Jésus veut nous amener à comprendre le projet authentique de Dieu pour ce qui est du rapport l’homme et la femme dans le cadre de la sexualité. Il clarifie donc cela : Pour qu’elle raison Dieu ou la nature a voulu la personne humaine homme et femme ?

Les pharisiens qui interrogent Jésus aujourd’hui connaissaient le texte de la réprobation du divorce prononcée par le prophète Malachie au Vème siècle avant Jésus Christ : « le Seigneur a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse : tu l’as trahie, elle, ta compagne, la femme de ton alliance (…) que nul ne trahisse la femme de sa jeunesse. Car je hais la répudiation, –dit le Seigneur, Dieu d’Israël– » (Ma 2, 15b-16). Cependant, ces pharisiens répondent à Jésus que Moïse a permis de répudier sa femme en lui donnant un acte de répudiation en se référant au passage du livre du Deutéronome qui pour eux justifiait le divorce : « Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison » (Dt 24, 1).

Jésus clarifie que Moïse n’a pas permis de répudier sa femme, ils répudiaient déjà leurs femmes. En instituant la délivrance de cet acte de répudiation, il a voulu justement protéger les droits des femmes. Ainsi, la femme qui reçoit ce document peut se remarier et faire des enfants légitimes et être protégée de l’ancien mari qui pouvait la dénoncer pour adultère et la faire condamner à la lapidation. Jésus n’introduit pas une nouvelle règle plus rigide que celle de Moïse ; il rappelle juste le projet Créateur et voyons si le divorce en fait partie.

Comme nous l’avons nous même suivi à la première lecture, Jésus nous dit que dans le projet de Dieu, il y a deux façons fondamentales d’être une personne humaine homme ou femme. Voilà la grande différence chez l’humain, les autres différences (noir, blanc, rouge, beau, belle, intelligent ou non etc.) sont plus marginales. Et nous sommes hommes et femmes parce que Dieu nous a fait complémentaires. Chacun découvre en l’autre la part dont il a besoin pour être pleinement soi-même. La Genèse appelle cette condition : nudité. C’est la condition de notre naissance ; personne ne nait autosuffisant ; nous avons  besoin de l’autre pour nous réaliser comme personne ; sans l’autre on n’est pas complet. Avoir besoin de l’autre n’est pas une faiblesse, un échec : ils étaient nus et n’en avaient pas honte ; ils avaient besoin l’un de l’autre et n’en avait pas honte.

Aujourd’hui, marqués par le péché, nous ne voulons plus avoir besoin de personnes, nous voulons être auto-suffisants. Dieu nous a fait homme et femme pour nous faire sortir de nous-mêmes pour rencontrer l’autre, pour échanger les dons, pour aimer. Dieu nous a fait pour aimer, voilà la nature humaine et la raison de toutes nos différences parce que nous avons besoin de ce que l’autre a et il a besoin de ce que nous avons. Voilà le sens de la sexualité, le sens de cette différence homme-femme qui est à l’image de toutes les différences dont Dieu nous a enrichis. Nous échangeons nos dons. Et Dieu unit un homme et une femme et en fait une seule chair pour que dans le cadre de cette union la sexualité s’exprime comme génitalité. De cela, Jésus tire la conclusion suivante : l’homme ne peut séparer ce que Dieu a unis. Voilà le fondement de l’indissolubilité du mariage sacramentel.

Frères et sœurs bien-aimés, que cette parole indissolubilité ne nous fasse pas peur, elle n’est pas une norme qui enchaîne, emprisonne les époux. En fait, c’est juste la réalité de l’amour qui de par sa nature est inconditionnée, définitive, sans réserves ; c’est la possibilité qui est offerte aux personnes dans un couple de pouvoir compter sur l’amour de l’autre sans peurs ni incertitudes parce que l’on sait qu’il sera définitif. Ici, « je t’aime » veut dire que je suis prêt à tout même à donner ma vie pour que tu sois pleinement heureux, heureuse ; et ma disponibilité à prendre soin de ton bonheur ne disparaitra pas. Tu pourras compter sur le don total de ma personne : Voilà l’amour conjugal tel que le Créateur l’a voulu.

Après avoir réalisé cela le projet de Dieu, reposons nos questions à Jésus : est-il permis ou non de divorcer, d’avoir des rapports pré-matrimoniaux, de vivre dans une union de fait, d’avoir des aventures extra-conjugales ? Il ne s’agit plus maintenant de savoir si c’est permis ou non, mais si ça m’humanise. Il est alors clair que dans ces comportements, il manque l’implication pleine et définitive qui est clairement présupposé dans le projet de Dieu quand Jésus dit que l’homme sera unit à sa femme et tous deux ne deviendront qu’une seule chair.

À la fin de l’Évangile de ce dimanche, Jésus nous invite à accueillir cette proposition du Père avec la confiance d’un enfant : « Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas ». Oui, nos raisonnements, le bon sens humains, nos critères de jugement peuvent nous porter à justifier plusieurs situations et comportements qui ne rentrent pas dans le projet de Dieu.

Mais le Seigneur connaît nos limites et fragilités. Il sait que parfois nous avons fait le maximum que nous pouvions dans certaines situations de nos vies. Voilà pourquoi nous chrétiens sommes appelés à accompagner nos frères et sœurs qui se trouvent dans ces situations ; des frères et des sœurs que personne ne peut juger ni condamner quelque-soit leurs choix ; des frères et sœurs pour lesquels nous devons avoir de la patience tout en les aidant à donner le maximum dans la situation difficile qu’ils vivent, sans les obliger à adhérer à ce que nous croyons être l’idéal.

Puisse Saint Joseph, l’homme juste, nous soutenir dans cette mission-là.