17e dimanche du temps ordinaire - clôture du Festival Marial

dimanche 24 juillet 2022

Par le père Ludovic Frère, recteur

La beauté de la prière

Quand j’entends d’excellents musiciens, comme ceux de notre Festival, je suis plein d’admiration… et je me dis que j’aimerais jouer d’un instrument ou chanter comme ils savent si bien le faire ! Ce n’est pas seulement la technique qui me touche et m’attire. C’est surtout la beauté. Car, en goûtant du beau, on a envie de faire du beau, vous ne trouvez pas ?

 

Alors, en entendant les musiciens faire du beau, j’ai envie de leur demander : « apprenez-moi la musique ! »… comme les disciples, qui demandent aujourd’hui à Jésus : « apprends-nous à prier. » Un grand désir jaillit de leur cœur, car ils viennent de contempler Jésus en prière. Ah, ça devait être tellement beau ! On peut même penser que c’est le plus bel acte qu’on ait jamais vu sur cette Terre : Jésus en prière !

 

Devant tant de beauté, il n’est pas étonnant que les disciples aient, eux aussi, le désir de faire du beau en priant : ils ont envie de « prier beau », alors ils demandent à Jésus de leur apprendre prier comme Lui-même prie le Père dans l’Esprit : une prière de toute beauté !

 

La beauté : n'est-ce pas cela, le plus essentiel de la prière ? Non pas une prière pour convaincre Dieu, car Lui-même l’a promis : « Demandez, vous recevrez » ! Nous n’avons pas à prier de manière inquiète, pas plus qu’à chercher des arguments persuasifs pour espérer fléchir le cœur de Dieu. Je crois plutôt qu’il nous faut prier pour faire du beau comme le Seigneur Lui-même fait du beau… Et ce désir de beauté, Il peut s’en saisir, comme notre plus belle offrande pour exaucer nos prières !

 

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Sincèrement, tout au long de cette semaine de Festival marial, c’était beau de vous voir tous prier ! Pendant l’adoration ou le chapelet, à la messe ou au cours des veillées, par la louange ou la supplication : c’était beau de vous voir en prière !

 

De même pour vous, qui nous avez rejoints ce dimanche : depuis le début de cette Eucharistie, c’est beau de vous voir prier ! Prier en chantant, en demandant pardon au Seigneur, en proclamant sa Gloire, en écoutant sa Parole… c’est vraiment beau de vous regarder, de vous entendre prier et de le faire tous ensemble !

 

Vous savez, légitimement, à la messe, on est attentif à ce qui passe dans le chœur et l’on souhaite que la liturgie y soit belle, pour glorifier la Beauté de Dieu et pour porter notre prière. Bien sûr, ce qui se vit dans le chœur doit être beau… mais ce qui se vit dans l’assemblée doit l’être tout autant, et vous avez tous la mission d’y veiller : faire ensemble du beau, faire de notre prière commune une œuvre belle ! C’est un devoir qui incombe à chacun de nous et à nous tous ensemble… c’est donc un grand désir qui ne doit jamais nous quitter : faire du beau en priant !

 

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Face à toutes les laideurs du monde, nous avons là une profonde force de résistance : la beauté de notre prière ! Face à tout ce qu’il y a d’abject dans nos propres péchés, nous avons là une force de résilience ; car notre prière personnelle et communautaire harmonise davantage nos âmes et le monde entier à la beauté de Dieu !

 

Alors, bien sûr, une fois rentrés chez vous, vous n’aurez plus forcément la beauté du cadre de montagnes qui nous entoure ici, ni la beauté des chants du festival et de la communauté des sœurs ; ni la beauté des décorations du chapiteau, ni la beauté d’être réunis nombreux pour former un seul cœur… Mais il vous restera la beauté de la prière ! Où que vous alliez, quoi que vous fassiez, il vous restera cette force de résistance à la laideur qu’est la beauté de la prière !

 

Quand on prend conscience de cela, l’évidence s’impose à notre âme : on ne va pas prier seulement quand on en a envie. On ne prie pas parce qu’on a du temps ou parce qu’on en a besoin, ou parce qu’un événement rend tout à coup la prière plus urgente. Non, nous prions d’abord pour glorifier la beauté de Dieu et parce que notre monde a besoin de beauté. Notre prière devient alors ce canal privilégié pour que la Beauté divine se répande dans le monde et que la beauté humaine rejoigne celle du Ciel !

 

Ainsi, toujours - et quelles qu’en soient les modalités-, la prière est belle et elle fait passer le beau ! Elle console et guérit, elle raffermit et rassure, elle ouvre des voies nouvelles, elle unit dans la communion de l’Église. La prière fait du beau, parce qu’elle fait battre nos cœurs, un peu plus à chaque fois, au rythme du cœur beau de Jésus ! Le Seigneur nous appelle donc tous à prier comme un prolongement de sa Beauté à Lui !

 

Je vous propose alors, si vous le voulez bien, que nous prenions tous aujourd’hui un engagement de prière. Non pas quantitatif, ou par une modalité particulière ; ça, c’est le discernement propre à chacun. Mais je vous propose que nous prenions tous ensemble l’engagement de prier « beau » : une vigilance du cœur à faire de la prière un grand élan de beauté, comme une démarche artistique ; et pour cela, je vous invite à repérer ce qui caractérise une œuvre d’art, afin de mieux saisir ce qui peut rendre notre prière plus belle, plus artistique.

 

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1) D’abord, un artiste, c’est quelqu’un qui sait contempler. Avant de peindre une toile, de creuser une pierre ou de jouer une partition, l’artiste doit d’abord voir, percevoir et donc recevoir. Or souvent, nous manquons de prendre le temps de recevoir ; nous voulons « faire », parfois de manière obsessionnelle, même dans la prière. D’où une question essentielle à la vie spirituelle : prenez-vous vraiment le temps de recevoir ? C’est indispensable pour faire de nos prières des œuvres d’art.

 

2) Un artiste, c’est aussi quelqu’un qui concilie son intelligence et son affectivité. Pour « prier beau », n’est-ce pas ce à quoi nous devons veiller, nous aussi ? Concilier la raison, la contemplation et l’affectivité, en ne laissant pas de côté notre part affective, émotionnelle, intuitive, mais en n’abdiquant pas non plus notre raison, ni notre attention à contempler. Une prière sera d’autant plus belle qu’elle harmonisera les différentes composantes de notre être au lieu d’en négliger certaines.

 

3) Troisième piste pour faire de notre prière une œuvre d’art : c’est d’être à l’écoute de ce qui est original en nous. Il n’y a pas d’artiste sans originalité, sinon on parle simplement d’un copiste. Pour être des artistes priants, il ne faut donc pas avoir peur de laisser s’exprimer ce qu’il a en nous d’unique. Peut-être pourriez-vous d’ailleurs discerner, sous le regard de la Vierge Marie, ce qui fait votre originalité. Vous y découvrirez sans doute la vocation de prière unique et incomparable à d’autres, que le Seigneur vous a confiée.

 

4) Dernière piste pour faire de nos prières des œuvres d’art : c’est la conscience qu’un artiste n’est jamais artiste tout seul. Son désir de faire du beau, c’est un désir de s’harmoniser à la beauté qui l’entoure et de la communiquer aux autres. Ici, dans les Hautes-Alpes, quand on voit de belles montagnes ou de belles marmottes, on les entend presque nous murmurer à l’oreille : « soyez beaux avec nous ! » … Et si la montagne répond à sa vocation de beauté par sa majesté, et si la marmotte y répond en vivant sa vie de marmotte, l’être humain accomplit d’abord sa vocation à la beauté dans la prière en communion avec les autres. Bien sûr, la charité est l’expression extérieure la plus manifeste de la beauté humaine ; mais la prière en est le fondement, permettant de tout rattacher à la Source de la beauté et de tout vivre en communion de beauté.

 

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Alors, vous qui repartez du Festival marial, comme vous qui êtes montés au Laus ce dimanche, ou unis à nous par les moyens de communication… tous, nous pouvons rendre notre monde plus beau dès aujourd’hui. Ça vous dit de le faire ?

 

Il y a quantité de manières d’y contribuer bien sûr, depuis l’attention aux plus pauvres jusqu’à la démarche artistique, en passant par la fidélité à un engagement ou l’affirmation de convictions… tout cela peut rendre notre Église et notre monde bien plus beaux. Mais en voyant Jésus prier et en lui demandant : « apprends-nous à prier », les disciples nous font comprendre que la beauté d’entre les beautés, la beauté source de toute beauté, c’est de prier comme Jésus.

 

Comme Jésus, avec Jésus, tous ensemble, dans la communion de l’Église, impossible de jamais nous lasser de prier, impossible d’y renoncer ! Car, à chaque fois, se concrétise cette parole du psaume 26, que vous pourriez bien répéter sur votre chemin de retour : « Une chose que je demande, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à Lui ».

 

« Admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à Lui » : Dieu que c’est beau ! Amen.