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dimanche 6 juillet - 14e dimanche du temps ordinaire
Voulez-vous d’un vrai repos ?
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireJe n’étais bien sûr pas dans la commission liturgique qui a décidé de l’enchaînement et de la répartition des lectures bibliques de la messe au cours de l’année ; je ne saurais donc vous dire si c’est volontairement qu’au début du temps des vacances scolaires, l’évangile nous parle de repos. Mais il se trouve qu’il est effectivement bienvenu, en cette période estivale, l’enseignement du Christ sur le repos. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos ». Alors que les épaules de beaucoup sont bien alourdies par le poids d’une année de travail, cette magnifique expression de la tendresse et de la bienveillance du Seigneur fait vraiment du bien.
Une telle révélation nous pousse à l’action de grâce, mais aussi peut-être à un regard lucide sur ce que doit être, pour nous, le repos véritable.
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Bien entendu, le repos a d’abord une valeur physiologique : il est nécessaire pour reprendre des forces et équilibrer notre vie. Veiller au repos de ceux qui nous entourent et à notre propre repos est donc un acte fondamental de charité, dont Jésus témoigne à l’égard de ses disciples. Quand ils ont bien travaillé à leur mission, le Christ leur dit : « venez vous reposer un peu à l’écart » (Mc 6,31).
Les plus forcenés du travail noteront que Jésus ajoute l’expression « un peu » après le verbe « se reposer » ; il ne glorifie pas le poil dans la main. Mais les plus attentifs remarqueront que ce repos porte une qualité : « à l’écart ».
Il y a en effet des manières de nous reposer qui ne reposent pas. Le critère fixé par le Christ, c’est de se mettre à l’écart, certainement pas pour se couper des autres, mais pour vivre un repos qui ne soit pas qu’en apparence. Or, nous savons bien que traîner devant la télévision n’est pas du bon repos ; alors qu’une marche en montagne, même si elle est physiquement plus exigeante que la position allongée dans un canapé, repose assurément davantage. Une soirée entre amis est un bon repos ; un temps de qualité vécu en couple aussi.
Dans l’histoire du Laus, on voit le Ciel se préoccuper délicatement du repos de Benoîte, elle qui ne se ménageait franchement pas. En 1688, on rapporte cet événement : « Deux heures avant le jour, Benoîte entend au pied de son lit une voix qui lui dit : "Reposez-vous, pauvre enfant, il n’est pas encore jour" » (CA G. p. 292 [338]). Et la Vierge Marie, mère bienveillante, intervient elle aussi pour le repos de Benoîte, comme en témoigne encore l’histoire du Laus : « Une autre fois, la Dame par excellence voyant tomber Benoîte presque de lassitude, lui dit de se reposer pendant qu’elle-même garderait son troupeau » (CA P. p. 389 [435]).
Quelle belle prévenance céleste ! Mais cette prévenance, nous devons aussi l’avoir nous-mêmes à notre égard et à l’égard des autres. Alors, cette période estivale peut être l’occasion pour tous de repenser nos qualités de repos. Non seulement pour les vacances, mais même dans la gestion de notre quotidien. Avec tout ce que nous avons à faire, tous les besoins que nous voyons chez les autres, toutes les sollicitations que nous pouvons avoir, comment ne pas nous culpabiliser de nous reposer un peu ?
Peut-être d’abord en accueillant le fait que c’est une demande du Christ lui-même, demande qui s’enracine dans l’exemple symbolique donné par le Créateur au 7e jour, quand il se reposa. Le repos fait donc partie de la création, il est œuvre de création. Alors, il faut le dire : lorsque nous nous reposons, nous contribuons à l’œuvre de la création. Les plus sur-actifs ont besoin de se le redire… les plus paresseux peuvent quant à eux en faire le critère de leur repos : mon soucis de repos est-il contribution à l’œuvre de création ou au contraire refus d’entrer dans la dynamique de la vie ?
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Le repos du chrétien n’est donc pas qu’une saine hygiène de vie ; il s’agit d’une attitude recréatrice, non seulement dans des moments de détente et de sommeil, mais même au cœur de nos activités les plus prenantes.
Ceux qui terminent aujourd’hui la semaine de réflexion sur le temps, que nous avons proposée ces jours-ci en notre sanctuaire, l’ont sans doute perçu de manière plus vive : il est nécessaire de déterminer des temps de repos comme il est indispensable de se fixer des temps pour Dieu et des temps pour les autres ; mais cette organisation du temps doit se fonder sur une disposition intérieure solide.
Dans l’épisode évangélique du repas de Jésus chez Marthe et Marie, on voit Marthe sans repos et Jésus lui dire avec amour : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses ! » (Luc 10,41). Auprès de Jésus est le véritable repos ! Non pas le repos comme simple détente, divertissement ou oubli du quotidien ; mais le repos comme une lame de fond, une disposition intérieure.
Car l’Esprit-Saint, l’Esprit de paix habite en nous ; il nous donne la force de ne pas nous laisser submerger par les soucis et de ne pas nous épuiser dans l’agitation. Et à bien y regarder, s’il est nécessaire de prendre des temps de vacances pour refaire des forces et soigner les relations aux autres, nous savons très bien que le bénéfice des vacances disparaitra en peu de temps si nous n’avons pas de fondement solide à notre existence.
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Ce fondement, nous sommes venus nous appuyer dessus, ce dimanche encore. Nous sommes venus puiser à la source éternelle, car il n’y a aucun repos dans ce qui ne fait que passer. Nos amours humains, nos centres d’intérêt, nos passions pour le foot ou pour l’argent… tout cela est marqué par l’éphémère, et ne procure donc pas le vrai repos.
Nous aurons beau déployer toute notre énergie, nous ne parviendrons jamais à faire perdurer nos moments de bonheur ni à empêcher ceux que nous aimons de mourir un jour. Et ça, c’est quand même le grand drame de la vie humaine : avoir conscience que tout est éphémère et ne rien pourvoir y faire… alors comment trouver le repos ? C’est l’angoisse permanente de voir disparaître nos êtres chers ou nous-mêmes ; l’angoisse de manquer du nécessaire, la peur de ne pas finir les fins du mois, la crainte de se retrouver au chômage l’an prochain ; l’angoisse de tomber malade, d’être quitté par celui qu’on aime ou abandonné par ses enfants. Franchement, peut-on vraiment trouver le repos en cette vie, si on a conscience de ce qu’elle a d’éphémère et si ce caractère éphémère est le seul horizon de l’existence ?
Mais quelle chance avons-nous de croire en Dieu, de croire en la résurrection, de confesser la victoire de la vie et d’espérer en la puissance de l’amour durable ! Quelle chance avons-nous de pouvoir fonder l’éphémère sur de l’éternel.
Oui, Dieu apporte à nos vies sa propre densité à Lui, son épaisseur d’éternité, qui fait que nos élans d’amour ne sont plus des passades pour quelques années ; ils sont revêtus eux-mêmes de la dimension d’éternité. Nos constructions légitimes et belles de famille, de maison, de projets, sont investis de la densité de présence de Dieu.
« Venez à moi, vous tous qui peinez, et je vous procurerai le repos ». Ce repos n’est pas une sérénité béate et inconsciente, puisque le Christ parle ensuite d’un joug, un fardeau à porter. Mais, promet-il, il est léger, il est facile ce fardeau : le seul joug pesant, c’est celui de ne croire en rien, donc d’être soumis uniquement à l’éphémère, qui détermine alors tout, qui fait sa loi sur nous, qui fait basculer nos vies en un instant par un drame ou par un échec. Qu’il est triste de n’avoir pour horizon que l’éphémère !
« Devenez mes disciples et vous trouverez le repos », nous dit Jésus ; disciples du Ressuscité, nous avons le véritable repos, que toutes les télévisions devraient nous envier, car à côté du repos dans le Christ, leurs divertissement ne sont que des anesthésies locales, pour faire oublier un instant la vie et ses difficultés. N’est-il pas pathétique de chercher à oublier la réalité dans les divertissements, les boîtes de nuit, l’alcool ou la drogue ? Pathétique, parce qu’on croit alors trouver le bonheur quand on ne récolte que des instants d’oubli.
« Devenez mes disciples et vous trouverez le repos » : un repos conscient, non pas une fuite ou un drogue. Un repos solide, qui n’est justement pas toujours très reposant en apparence, car chercher à vivre l’évangile à chaque instant, en un sens ce n’est pas de tout repos ! Mais c’est là que nous trouvons le véritable repos : le repos dans l’exigence de l’amour, le repos du disciple qui, par sa fidélité trouve une qualité de repos bien supérieure à celle d’un vague sommeil… le repos dans la paix véritable, cette paix promise par le Seigneur dans la première lecture, au point de conduire le prophète Zacharie à s’exclamer : « exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem » (Za 9,9).
Le repos en Dieu est source de joie profonde, non pas de simple divertissement du moment. Il ne s’agit pas de bouder nos joies éphémères ; si vous vous réjouissez de la coupe du monde de foot, très bien ! Mais n’y mettez pas votre vie ! Ne dites pas, avec les commentateurs sportifs, qu’un footballeur capable de mettre deux buts au cours du même match est un dieu ! Ne pensez pas que votre vie dépend de l’arrivée de votre équipe favorite en finale ! Un tel surinvestissement affectif entraine des lendemains bien difficiles….
Mais celui qui met sa confiance dans le Seigneur ne connaît pas la gueule de bois des lendemains de fête, parce qu’il n’y a pas le retour brutal à la réalité simple et souvent peu enthousiasmante. Il y a toujours la formidable espérance, qui nous assure que tout est solide dans le Seigneur. Il est là, notre repos : non pas simplement dans l’oubli, dans la sieste ou dans la distraction, mais dans l’espérance !
« Venez à moi, vous tous qui peinez, et moi je vous procurerai le repos ». Seigneur Jésus, merci pour ce repos qui vient de toi ! Merci de veiller ainsi sur nos corps et sur nos esprits ! Merci de vouloir pour nous un repos qui fonde toute notre existence ! Merci d’être toi-même le repos de nos vies.
Amen.
« Mon âme se repose en paix sur Dieu seul, de lui vient mon salut !
Oui, sur Dieu seul, mon âme se repose, se repose en paix ! »