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Sunday 16 July - 15ème dimanche du temps ordinaire
Une parabole bien orientée pour une image de bonne qualité
Par le père Ludovic Frère, recteurJésus aime à parler en paraboles. A entendre ce mot de « parabole », il y a fort à parier que beaucoup pensent aujourd’hui davantage à une antenne de télévision qu’à une figure allégorique. Le réflecteur parabolique permet de concentrer les ondes reçues vers l’antenne source, et de recevoir ainsi l’information en clair.
Du temps de Jésus, cette technique n’était pas encore tout à fait au point, mais son choix de parler souvent en paraboles Lui permet, à Lui aussi, de concentrer ses paroles vers la Source qu’est l’Amour du Père, pour diffuser clairement, au plus profond de nos âmes, la vérité qu’il nous révèle.
On ne peut donc entendre une parabole biblique sans chercher d’abord à y voir une révélation sur la Source vers laquelle se concentrent les informations, pour que l’image ne soit pas brouillée et nous parvienne avec netteté.
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Justement, c’est sans doute la plus significative des paraboles qui nous est offerte ce dimanche. Le Seigneur explique d’ailleurs son choix de s’exprimer ainsi : « Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre ». La parabole nécessite un capteur performant pour entendre le bon signal et recevoir une image bien nette.
Pour nous le faire comprendre, voici aujourd’hui la seule parabole de tous les évangiles - à l’exception de la parabole de l’ivraie, que nous entendrons dimanche prochain - où Jésus Lui-même donne le sens de chacune des images : le sol pierreux, les ronces, le bord du chemin. Tout cela est bien clair.
Et spontanément peut-être, on en vient à se demander si l’on se reconnaît davantage dans le sol pierreux du manque de persévérance, ou dans celui étouffé par les ronces du souci des richesses, ou dans le sol peu profond des êtres superficiels.
Mais selon la logique de la parabole, qui concentre les ondes vers la source du signal, c’est d’abord cette Source qu’il faut regarder, sinon nous n’en tirerons que des conséquences morales. Or, il a tellement plus que cela à recevoir du Seigneur, Source de nos vies !
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Regardons alors vers quoi convergent les ondes de cette parabole du semeur : avez-vous remarqué que tout est précisément expliqué par Jésus Lui-même : chacun des éléments de la parabole, à l’exception de l’identité du semeur. Qui donc est-il, ce semeur ? En fait, c’est facile à comprendre : il s’agit de Jésus Lui-même. Le pape Benoît XVI parlait ainsi de ce passage évangélique comme d’une « parabole autobiographique » du Christ.
Il nous parle de sa vie, de ce qu’il est venu faire pour nous. Avec ce verbe essentiel : sortir. « Voici que le semeur sortit pour semer ». Ce verbe « sortir », c’est celui du grand mouvement du Fils éternel : depuis le sein de la Trinité, la Deuxième Personne Divine sort et rejoint notre humanité. C’est ce qu’on appelle l’incarnation et qu’on célèbre joyeusement à Noël. Dieu est sorti de Lui-même pour nous sauver.
Voilà de quoi nous interroger, nous les disciples d’un tel Seigneur : S’il sort pour sauver, est-ce que nous osons sortir, nous aussi ? Posez-vous donc la question : combien de fois êtes-vous sortis cette semaine auprès des autres ? Sortis de vous-mêmes pour apporter de la douceur, de la réconciliation, de la consolation dans ce monde, qui est souvent une terre désolée et aride ? Disciples d’un Maître qui sort pour semer, nous ne devrions jamais passer une seule semaine sans sortir au moins une fois de nos préoccupations personnelles pour apporter le Christ d’une manière ou d’une autre, en semant sa Parole.
Remarquez d’ailleurs que, lorsque le Fils de Dieu sort, ce n’est pas pour agir chichement. Il jette le grain à grandes poignées, il le répand partout, sur tous les sols. Il ne compte pas. Il ne compte jamais. Pas comme nous, qui faisons souvent des calculs de rentabilité, même en amour et en pardon. Dieu, Lui, lance et lance encore la semence, avec toujours un espoir que ça pourrait pousser, même aux endroits où ça n’a jamais rien donné.
Mais surtout, ce que Jésus sème sur les terres de nos cœurs plus ou moins disposés, c’est « la parole ». Pas simplement « des paroles », mais « la Parole ». Or, la Parole, le Verbe, c’est Jésus Lui-même. Il ne fait pas que semer des paroles pour nous faire réagir ou nous consoler ; il est Lui-même la Parole, le Verbe fait chair.
C’est donc Lui-même qu’il vient semer dans nos terres intérieures. Oui, c’est Lui le grain de blé, comme il le révèlera plus tard pour faire entrer ses disciples dans le mystère de sa mort sur la croix : « Si le grain de blé de meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».
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Frères et sœurs, vous êtes venus jusqu’au sanctuaire Notre-Dame du Laus pour redécouvrir d’abord le visage du Semeur. Ici, la Vierge Marie ne cesse de nous aider à accueillir son divin Fils comme Celui qui sème largement en nous sa puissance de vie. Il sème sa miséricorde, son amour surabondant, ses grâces de consolation et de guérison.
Il sème sans compter et même sans se préoccuper des précédentes récoltes. Quand une terre n’a pas donné grand chose jusqu’à présent, il sème la même quantité de grains que sur les bonnes terres, car il espère toujours un fruit nouveau, il nous sait capables d’une fécondité nouvelle.
C’est cela, le plus important à savoir entendre. Car c’est seulement devant un tel don, devant une si grande nouvelle chance qui nous est redonnée chaque matin, que nous pouvons trouver le désir d’être une bonne terre, disponible pour porter du fruit… et pour cela, disposée à se donner soi-même.
Et voilà comment la parabole se déploie encore : pour être vraiment fertile, la terre doit à son tour devenir semeur. Celui qui reçoit la parole devient porteur de la parole, pour l’annoncer à toute la terre, quelques que soient les superficialités, les refus d’entendre, les préoccupations des gens. Il nous faut semer et semer encore, largement.
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Nous sommes donc réunis ici pour engranger le grain à semer au cours de la semaine. Et poursuivre ainsi ce grand mystère de transformation : pour porter du fruit, la terre doit devenir semeur ; et le semeur doit devenir le grain.
Nous venons à cette Eucharistie, nous sommes présents en ce sanctuaire, pour nous laisser conduire jusqu’à la terre, nous y ouvrir et laisser jaillir du plus profond de nous-mêmes un épi savoureux, qui portera 30, 50 ou 100 grains nouveaux… peu importe le nombre du moment qu’il y a du fruit ! Amen.