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Sunday 22 April - 4ème dimanche de Pâques - Journée des vocations
Une grande aventure
Par le père Ludovic Frère, recteurLe dimanche des vocations sacerdotales prend une coloration particulière cette année puisque le pape François a voulu un synode sur le thème « les jeunes, la foi et le discernement des vocations ». Les préparatifs de ce synode vont bon train et le mois dernier le saint Père écrivait une lettre aux jeunes. Dans les occupations de la semaine sainte, sans doute cette lettre est-elle passée un peu trop inaperçue, alors qu’elle peut être vraiment précieuse pour les jeunes mais aussi pour leurs parents et grands-parents, afin qu’ils soient disponibles à l’éveil d’une vocation.
Cette lettre peut également nous aider à revisiter le sens de l’appel dans notre vie quotidienne ; toutes les sortes d’appels, toutes les sortes d’engagements et de prises de décision. À cet égard, elle peut aller jusqu’à interroger la raison pour laquelle vous êtes venus aujourd’hui dans ce sanctuaire marial : à quel appel avez-vous répondu ? Et quelle mission venez-vous y recevoir ?
Des questions d’autant plus légitimes dans un sanctuaire marial que la lettre du pape aux jeunes met au centre la figure de la Vierge Marie, femme « appelée » et « appelante », comme l’illustre au Laus le monument de Pindreau : la Belle Dame indique à Benoîte une direction. C’est à dire à la fois un sens et une finalité.
Le saint Père prend alors le temps de commenter les paroles de l’archange Gabriel à la Vierge Marie : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30). Je vous encourage à prendre cette parole pour vous aujourd’hui : « Sois sans crainte, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ». Entendez alors quel appel vous est lancé comme Benoîte sur la colline de Pindreau : quelle direction vous est montrée par Marie ? Quel engagement pour répondre à ce que le Seigneur attend de vous maintenant ? Quel sens à votre vie aujourd’hui ?
Je vous propose alors de reprendre chacune des paroles de l’archange à la Vierge, que le pape commente dans sa lettre aux jeunes, et de voir comment vous y répondez personnellement.
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Première parole : « sois sans crainte ». Comme la jeune Marie, c’est une parole qu’il nous faut savoir entendre : « sois sans crainte ». On peut s’inquiéter pour bien des choses dans la vie, mais le paradoxe fréquent de la foi, c’est qu’on en vient même à s’inquiéter de ce que Dieu veut pour nous, de ce qu’il veut faire de nos vies. Comme s’il y avait une menace pour notre liberté ou pour notre bonheur !
Dans ce cas, c’est notre image de Dieu qu’il faut d’abord accepter de revoir et de convertir : le Seigneur n’est pas une superpuissance impersonnelle, au-dessus de nous, qui pourrait à tout moment nous écraser par sa volonté. Cette perspective est à l’opposé de la révélation chrétienne. Ainsi aujourd’hui, dans l’évangile, nous venons d’entendre des paroles éclairantes et apaisantes à la fois : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis ». Est-il alors possible de craindre ce que nous demande Celui qui donne sa vie pour nous ?
Le pape François interroge alors les jeunes, d’une interrogation qui peut tous nous rejoindre : « Quelles peurs vous habitent ? » Et le saint Père de répondre lui-même : « Une peur ‘‘d’arrière-fond’’ chez beaucoup d’entre vous est celle de ne pas être aimés, appréciés, de ne pas être acceptés tels que vous êtes ».
En bon Jésuite, le pape François appelle alors au discernement, avec une première évidence nécessaire à rappeler : « le premier pas pour surmonter les peurs, c’est de les identifier clairement, pour ne pas se retrouver à perdre du temps et des énergies, en proie à des fantasmes sans visage et sans consistance ». Et le saint Père de conclure : « Pour cela, je vous invite tous à faire une introspection et à ‘‘donner un nom’’ à vos peurs ».
Cette invitation, nous pouvons sans doute tous y répondre aujourd’hui, surtout dans ce sanctuaire, refuge des pécheurs, où Marie et Benoîte nous aident à faire la vérité. « Donnez un nom à vos peurs », dit le pape François, et particulièrement sans doute à vos peurs de vous engager, dans quoi que ce soit. Ça peut être l’engagement dans un appel vocationnel, ça peut être la persévérance dans un engagement pris de longue date, ça peut être le consentement à se donner davantage. Demandez-vous alors : aujourd’hui, dans la situation concrète que je vis, qu’est-ce qui m’angoisse et qui bloque l’élan du don de moi-même ? Pourquoi n’ai-je pas le courage de faire les choix importants que je devrais faire ? Pourquoi tant de freins à me donner alors que je sais bien que la vérité de mon être se trouve seulement là ? Je sais bien que c’est la clé de la sainteté !
Autant de questions nécessaires pour une vie qui réponde à un Dieu berger. Car Lui, il ne calcule pas et ne se préserve pas : « Je donne ma vie », dit Jésus, avant de préciser : « je donne ma vie pour la recevoir de nouveau ». Sans aucun doute, le Christ nous parle ici du mystère de sa passion et de sa résurrection ; mais aussi du mystère de notre vie quotidienne : c’est quand on donne sa vie qu’on la reçoit de nouveau du Père éternel. C’est quand on manque de la donner qu’on bloque l’élan de vie qui vient de Lui. Et l’on n’y trouve que tristesse et non-sens.
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Après l’appel « sois sans crainte », le pape François regarde la deuxième parole de l’ange. En fait, pas une simple parole, mais un prénom : « Sois sans crainte, Marie ». Le saint Père commente alors : « La première raison de ne pas avoir peur, c’est précisément le fait que Dieu nous appelle par notre nom. » Ici, Benoîte l’avait bien saisi : elle avait compris qu’elle n’était pas un numéro, une brebis anonyme dans l’immense troupeau de l’humanité. Par la Vierge Marie que l’archange avait saluée de son prénom, Benoîte comprend qu’elle est connue et aimée elle aussi par son prénom, c’est-à-dire pour ce qu’elle est.
Pour ce qu’elle est, mais aussi pour ce qu’elle doit encore devenir. Le pape François poursuit alors : « Quand il appelle une personne par son nom, Dieu lui révèle en même temps sa vocation, son projet de sainteté et de bien, par lequel cette personne deviendra un don pour les autres et qui la rendra unique. » C’est notre vocation commune et sublime : que vous soyez mariés, consacrés, célibataires, diacres, prêtres : le Seigneur nous appelle tous à la sainteté en faisant de nous des dons pour les autres. Alors, franchement, comment êtes-vous « dons » pour les autres dans votre vie ? Comment avez-vous été « dons pour les autres » au cours de cette semaine ? Le saint Père nous prévient : c’est en devenant « don pour les autres » qu’on découvre à quel point on est unique, on a de la valeur. Une vie utile aux autres ! Une vie tellement vécue qu’une fois que nous serons passés sur terre, le monde sera meilleur qu’il l’était auparavant.
Pour y répondre concrètement, laissez le Seigneur vous appeler aujourd’hui par votre prénom ! Laissez dès maintenant votre prénom résonner en vous, comme si Dieu vous l’offrait à nouveau. Faites alors vôtres les paroles du pape François aux jeunes : « Vous êtes le ‘‘tu’’ de Dieu, précieux à ses yeux, dignes d’estime et d’être aimés (cf. Is 43, 4). Accueillez avec joie ce dialogue que Dieu vous propose, cet appel qu’il vous adresse en vous appelant par votre nom. »
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Ainsi libérés de toute crainte par la certitude d’être reconnus et aimés du Seigneur, il devient possible d’accueillir la troisième parole adressée par l’ange à Marie : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » Le pape François invite alors les jeunes à saisir ce mouvement divin, qui nous rejoint tous, quels que soient notre âge et notre vocation : « Les paroles de l’ange descendent sur les peurs humaines en les dissolvant par la force de la bonne nouvelle dont elles sont porteuses : notre vie n’est pas un pur hasard et une simple lutte pour la survie, mais chacun d’entre nous est une histoire aimée par Dieu. »
Ainsi, frères et sœurs, répondre à un appel, quel qu’il soit, ce n’est pas simplement se demander ce qui nous conviendra ou qui donnera du sens à notre vie. C’est nous interroger : où est-ce que le Seigneur m’attend aujourd’hui et demain ? Où est-ce qu’il me veut ? Le pape François peut alors affirmer : « L’inconnu que demain nous réserve n’est pas une menace obscure à laquelle il faut survivre, mais un temps favorable qui nous est donné pour vivre l’unicité de notre vocation ». C’est maintenant le temps favorable pour vivre vraiment !
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« Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30). Le pape François conclut sa lettre aux jeunes par une proposition qui peut particulièrement nous rejoindre, nous qui sommes réunis dans un sanctuaire marial, quand il nous dit : « Je vous invite à contempler encore l’amour de Marie : un amour prévenant, dynamique, concret. Un amour rempli d’audace et tout orienté vers le don de soi. »
Frères et sœurs, notre vie est-elle dans une dynamique semblable ? Le saint Père invite les jeunes à se laisser porter par « la joie et l’enthousiasme de celui qui veut prendre part à une grande aventure ». Alors ne vivons pas une petite vie rabougrie ou seulement satisfaisante. Même dans la simplicité du quotidien, choisissons de vivre une grande aventure et encourageons les plus jeunes à avoir soif d’une telle aventure en étant disponibles à un possible appel vocationnel.
« Sois sans crainte, toi, qui que tu sois ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » ! Alléluia !