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lundi 24 décembre -
Un amour de non-retour
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
En mission à Paris, au début de ce mois, pour y présenter le Laus, je m’amusais à contempler, sur des ponts enjambant la Seine, ces nombreux cadenas que les amoureux accrochent aux rambardes. Sans grand discours : simplement des petits messages, inscrits sur ces cadenas, au feutre indélébile : J + P égalent amour.
Je m’amusais à cette mode sympathique, pensant que, si certains auraient dû revenir ensuite pour retirer à la tenaille le cadenas d’un amour déçu, il n’empêche que ce signe est particulièrement touchant. Un amour que l’on croit et que l’on espère si fort qu’il est symbolisé par un cadenas dont on jette ensuite la clé dans l’eau, pour signifier un point de non retour.
Ce que nous allons célébrons ce soir, n’est-ce pas justement Dieu qui nous aime jusqu’à un amour de non-retour ? Il prend chair, comme un cadenas solide entre lui et nous : ce cadenas, c’est notre humanité, notre corps avec tout ce qu’il a de splendide et de pesant ; notre esprit, notre âme, nos besoins physiologiques : c’est tout cela que le Fils éternel prend sur lui et en lui par l’incarnation. Comme un cadenas sur un pont, il vient se lier solidement, et même définitivement : car ensuite, la clé est jetée à l’eau. Il n’y aura plus de retour : Dieu a pris chair, il ne pourra plus revenir en arrière. La réalité de notre vie et de notre relation à Lui en est éternellement bouleversée.
Dans l’Évangile, nous avons justement entendu Zacharie chanter le Seigneur qui « visite son peuple ». Mais le Père du Baptiste ne pouvait concevoir la grandeur de cette visite : non pas une simple entrevue, pour signifier qu’il ne nous oublie pas ; mais une vie scellée, cadenassée de lui à nous. Une alliance définitive par le Christ, vrai Dieu et vrai homme.
Les quelques heures qui nous séparent de la célébration de Noël sont donc un moment vraiment opportun - surtout ici, en ce lieu de calme et de profondeur qu’est le sanctuaire du Laus – : un moment opportun pour nous rendre compte de ce lien que Dieu établit en lui et nous : « un lieu nouveau, si fort que rien ne pourra le défaire », dit une préface eucharistique.
Si fort que rien ne pourra le défaire ! Ne pensez pas que le poids de nos péchés, la grandeur de notre indignité, pourra faire céder le cadenas que Dieu vient fixer sur la terre, entre lui et nous. Bien sûr, nous pouvons, par une vie qui va à l’encontre de l’Évangile, refuser l’alliance de ce cadenas, et préférer de manière absurde une vie au service du mal, jusqu’à risquer la damnation.
Mais, de son côté, le Christ ne rejettera pas le cadenas de son alliance ; il a jeté la clé à la mer quand il a pris chair et quand il est mort sur la croix. Notre grande joie à l’approche des célébrations de Noël, c’est justement de reprendre conscience de ce salut que nous apporte le Sauveur.
Alors, ces quelques heures sont aussi l’occasion de nous redemander : de quoi ai-je besoin d’être sauvé ? De quelles impasses, de quelles morts et de quels deuils, de quelles obscurités et de quelles réticences ? Pour accueillir en profondeur le Sauveur, il faut d’abord se reconnaître notre besoin d’être sauvés, par celui que Zacharie chantait dans son cantique en reconnaissant ce que nous célébrerons ce soir : il vient « illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort ». Il vient « conduire nos pas au chemin de la paix ».
Amen.