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Sunday 5 August - 18ème dimanche du temps ordinaire
Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd
Par le père Ludovic Frère, recteurSavez-vous que les évangélistes ont aussi leurs préférences estivales ? Comme pour les vacanciers, il y a les juilletistes et les aoûtiens. En juillet, c’est saint Marc qui nous a accompagnés tout au long du mois. Mais le 29 juillet, nous avons assisté au chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens. Saint Marc a alors laissé la place à saint Jean. Nous retrouverons saint Marc seulement le 2 septembre, après avoir passé tout le mois d’août avec le 4e évangéliste.
Saint Jean l’aoûtien va donc nous offrir de méditer, pendant tout ce mois, le 6e chapitre de son évangile, qu’on appelle le « discours du pain de vie ». Dimanche dernier déjà, nous en avions les préludes avec la multiplication des pains. Dimanche prochain, Jésus se révélera comme « le pain vivant venu du Ciel ». Le dimanche d’après, il dira que « sa chair est la vraie nourriture » et le dernier dimanche d’août, il nous appellera à nous situer face à la révélation de son corps à manger et de son sang à boire.
Autrement dit : nous sommes entrés dans un mois eucharistique ! Voilà ce que la liturgie de l’Église nous invite à vivre : un mois d’août eucharistique ! Un mois pour désirer et savourer plus que jamais la grandeur de ce mystère et la beauté de la messe.
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Pour cela, le Christ appelle aujourd’hui ceux qui le suivent à changer de regard, et même à changer d’espoir. Les foules le cherchent parce qu’il les a nourries. Mais Jésus leur dit : « travaillez non pas pour la nourriture qui se perd mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ».
Je vous encourage à profiter de cette période estivale pour vous demander comment vous avez mis en œuvre ce commandement du Christ au cours de cette année. En quoi avez-vous travaillé non pas pour la nourriture qui se perd mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ?
Pour bien discerner les choses, il faut d’abord saisir que, dans la vie éternelle, nous n’aurons bien sûr plus besoin de nourrir nos corps. Si nous sommes sauvés, à la fin des temps, nous aurons des corps glorieux, qui ne seront donc plus soumis aux besoins physiologiques.
Pourtant, Jésus nous dit qu’il y a bien une nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, une nourriture qui continuera à nous faire vivre dans l’éternité et pour laquelle nous devons travailler maintenant. Quelle est-elle donc, cette nourriture, sinon la faim d’amour ? Tous, nous portons en nous le désir d’aimer et d’être aimés. Ce désir peut conduire aux plus beaux élans comme il peut être détourné pour les plus grands vices ; mais nous nous savons tous faits pour donner de l’amour et pour recevoir de l’amour.
Jésus promet alors que, dans le Ciel, nous aurons une nourriture qui viendra totalement nous rassasier. C’est-à-dire une nourriture qui comblera notre faim d’amour. Et le grand message de l’évangile d’aujourd’hui, c’est l’appel du Christ à ce que cette nourriture d’éternité soit déjà notre nourriture essentielle sur cette terre au point d’en faire l’objectif premier de nos vies : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd ».
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C’est exaltant, vous ne trouvez pas ? Nous souhaitons certainement tous travailler pour quelque chose de durable, qui ne se perde pas. D’ailleurs, dans l’évangile, ceux qui entendent Jésus ne cachent pas leur enthousiasme. Ils veulent répondre à son appel et ils l’interrogent : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? ».
« Que devons-nous faire »… Mais Jésus va retourner le sens de ce travail : non pas d’abord « faire », mais laisser Dieu « faire ». Jésus fait passer ses auditeurs du travail à faire au travail que Dieu fait : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé ». C’est Lui qui œuvre et c’est à nous de croire.
En comprenant ainsi que c’est Dieu qui agit en toute chose, on cesse de s’agiter fébrilement ! Quand on saisit que ce n’est pas dans le « faire » que le Seigneur vous attend puisqu’il est le tout-puissant et qu’il sait donc tout faire, on n’est plus dans l’inquiétude de ne jamais assez en faire. On est dans la foi que le Seigneur fait tout pour nous : « l’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qui l’a envoyé ».
C’est bien cela, la foi ! La foi, c’est s’abandonner à l’Absolu. La foi, c’est laisser le Seigneur nous ouvrir dès maintenant à une vie aux dimensions de l’éternité. La foi, c’est mettre son cœur dans des réalités qui passeront la mort. Or, aucun compte en banque n’apportera jamais cela, aucune voiture de luxe, aucun titre de gloire. La seule nourriture de vie éternelle, c’est l’amour qu’on aura su donner et qu’on aura accepté de recevoir. C’est donc là qu’il faut mettre notre foi et renoncer à tout le reste. Vous entendez ? Renoncer à tout le reste qui n’est que du vent, qui n’est pas assez grand pour faire résonnance avec ce que le Seigneur a déposé en nous : l’appel à la vie éternelle.
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Jésus peut alors conclure ce passage en révélant : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif ». Vous vous rendez compte de la promesse qui nous est faite ici ?
Toutes nos faims, qui nous tiraillent parfois jusqu’à faire mal, le Christ révèle qu’il peut et qu’il veut les rassasier ; qu’il est d’ailleurs le seul à pouvoir le faire totalement. Et de cela, nous avons à la fois un signe et une concrétisation dans le mystère eucharistique, où le Seigneur se donne en nourriture.
Benoîte Rencurel nous en offre au Laus un touchant témoignage. Un jour qu’aucun prêtre n’était disponible pour lui donner la communion, c’est un ange qui la lui apporte. Après avoir communié, la bergère lui dit : « Bel ange, j’ai maintenant tout ce qu’il me faut » (CA G. p. 198 XIII [244]). Ne pourrions-nous pas nous exclamer nous aussi, à chaque communion : « j’ai maintenant tout ce qu’il me faut » ? Tout ce qu’il me faut !
Je vous invite à le faire aujourd’hui, après avoir répondu un « amen » enthousiaste et profond lorsque le Christ se présentera à vous au moment de la communion. Que vous communiez physiquement ou que votre communion soit de désir, je vous invite à retourner ensuite à vos places en vous répétant cette seule parole : « Seigneur, j’ai maintenant tout ce qu’il me faut ».
Et vivre ensuite cette journée en gardant bien à l’esprit que nous avons reçu tout ce qu’il nous faut, donc qu’il ne nous faut rien d’autre… nous n’allons alors pas continuer à courir après des réalités qui ne nous comblent pas. Nous n’allons pas chercher à exister par l’orgueil ou en disqualifiant les autres. Nous n’allons pas chercher à nous remplir avidement de nourriture et de boissons. Nous n’allons pas mettre nos cœurs dans des réalités qui passeront. Nous garderons fermement en nous cette promesse du Christ, qui peut vraiment changer en profondeur toute notre vie : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ». PLUS JAMAIS !
Amen.