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Sunday 22 October - 29ème dimanche du temps ordinaire
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute
Par le père Ludovic Frère, recteurLe corbeau et le renard, vous connaissez ? « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». On dirait bien que les partisans d’Hérode - celui-là même que le Christ qualifiera de « renard » (cf. Luc 13,32) – les partisans du renard veulent flatter Jésus pour mieux le piéger. « Nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens ». Jésus n’est pas dupe, et le premier mot qu’il leur répond, c’est : « hypocrites ! »
Malgré eux, peut-être, ces hypocrites disent pourtant vrai. Vous savez, comme le Grand Prêtre Caïphe, au procès de Jésus, qui dira : « il vaut mieux qu’un seul meure pour tout le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas » (Jn 11,50). Saint Jean commentera : « Ce qu’il disait-là ne venait pas de lui-même » (Jn 11,51). Autrement dit : les adversaires du Christ peuvent devenir porteurs de la vérité, malgré eux.
Sans doute parce qu’en s’approchant de Celui qui est la Vérité, on ne peut faire autrement que s’y ajuster, comme par contact. C’est bien ce que nous vivons dans la foi : puisque le Christ est en personne la Vérité, en nous approchant de Lui, nous nous ouvrons toujours plus profondément à la vérité.
Alors, n’hésitez pas ! Un doute vous assaille ? Une souffrance vous déstabilise ? Un événement ou personne ébranle votre foi ? Approchez-vous du Christ, approchez-vous davantage encore de Lui, et sa vérité éclairera votre âme ! Comme Benoîte l’a vécu ici pendant 54 ans : la vérité sortait de sa bouche parce qu’elle fréquentait constamment le Ciel.
C’est, me semble-t-il, le premier enseignement de cet épisode évangélique sous tension : quand on s’approche du Christ, on se rend à la vérité !
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Mais cela reste bien malgré eux que Pharisiens et partisans d’Hérode disent la vérité sur le Christ : ils font même involontairement une magnifique confession de foi. En effet :
- Qui donc est « toujours vrai », sinon Dieu seul ?
- Qui donc « enseigne le chemin de la vérité », sinon Dieu Lui-même, faisant chanter le psalmiste : « dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi » (Ps 24,4) ?
- Qui donc ne se laisse influencer par personne, sinon le Créateur du monde ?
- Qui ne considère pas les gens selon l’apparence, sinon notre Seigneur, comme le dit le premier livre de Samuel : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur » (1 Sam 16,7) ?
Tous ces passages bibliques, Pharisiens et partisans d’Hérode les connaissent très bien. Et pourtant, ils les attribuent au Christ.
Saisissez-vous alors le lien entre ce piège tendu par les adversaires de Jésus et la problématique de l’effigie de César sur la pièce de monnaie ? Quand on voit cette effigie, on sait que la monnaie est à César. Pourquoi alors, en voyant dans la personne de Jésus l’image de l’agir divin, ses détracteurs ne parviennent-ils pas à reconnaître qu’il est bien l’envoyé du Père éternel ?
« Il est l’image du Dieu invisible », dit saint Paul dans l’épitre aux Colossiens (Col 1,15) ; l’effigie du Dieu invisible, c’est Jésus. « Qui m’a vu a vu le Père » dit Jésus (Jn 14,9).
Alors, rendons à Dieu ce qui est à Dieu ! Jésus-Christ, Lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, vient du Père et retourne au Père. Renouvelons sans cesse notre foi dans le Christ, effigie du Père ! Que jamais nous n’allions chercher ailleurs une effigie qui n’est pas le vrai Dieu.
Et que notre prière soit plus fervente pour que beaucoup découvrent Jésus-Christ comme l’effigie du Père ; notamment tous les croyants d’autres religions, qui peuvent sincèrement prier Dieu, mais qui n’ont pas encore accueilli Jésus-Christ comme l’image du Dieu invisible. Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ! Juifs, musulmans et tant d’autres, découvrez l’effigie de Celui que vous cherchez ! Et nous, frères et sœurs, par notre prière, supplions pour que les croyants de toutes les religions s’ouvrent au Christ, l’unique Sauveur du monde ! Qu’ils rendent à Dieu ce qui est à Dieu !
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Et c’est seulement après cela, que la même image peut s’appliquer aussi à nous-mêmes. Car depuis le jour de notre baptême, nous sommes au Christ. « Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix » (1 Co 6,19b-20a), dit la première lettre aux Corinthiens. Nous appartenons au Christ. Mais est-ce que ça se voit vraiment ?
Pour qu’on reconnaisse que nous sommes à Lui, il nous faut avoir une vie qui soit effigie du Christ. Sommes-nous de cette monnaie qu’on identifie tout de suite comme étant monnaie de Dieu ? Ou sommes-nous une monnaie à l’effigie effacée, usée par la négligence, la paresse, la honte ? Il faudrait qu’en nous voyant, il soit évident que nous appartenons au Christ et qu’il vit en nous !
Alors, l’évangile de ce jour, entendu dans un sanctuaire voulu par la Vierge Marie pour la conversion des pécheurs, nous lance un vibrant appel : regardez le Christ, effigie du Père, et devenez toujours davantage effigie du Christ ! Devenez ce que vous êtes devenus au jour de votre baptême !
Concrètement, pour savoir comment y arriver (ou du moins y avancer), il n’y a qu’à reprendre ce que les partisans d’Hérode disent du Christ, et voir si nous parvenons à l’appliquer à nous-mêmes :
- « Tu es toujours vrai
- tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ;
- tu ne te laisses influencer par personne,
- ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens ».
Est-ce bien cela qu’on peut voir en nous, pour qu’on nous reconnaisse, dans le monde de César, comme la monnaie du Christ ?
- « Tu es toujours vrai ». Est-ce vraiment ce que nous vivons chaque jour ?
- « Tu enseignes le chemin de Dieu en vérité » ; est-ce toujours ainsi que nous témoignons de la foi ?
- « Tu ne te laisses influencer par personne » ; est ce bien de cette manière que nous vivons nos relations humaines ?
- « Ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens »… sans commentaire !
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L’évangile de ce dimanche ne vise pas qu’à définir deux domaines de la vie : les choses de César et les choses de Dieu, le temporel et le spirituel. Si l’on se contente de lire ainsi cet enseignement du Christ, on rentre dans la façon de penser des Pharisiens et des partisans d’Hérode : « est-il permis, oui ou non ».
Pour nous, disciples du Christ, il s’agit de sortir de cette logique pour aller plus haut, ou pour fonder plus profondément notre foi et notre agir. On est disciple en étant effigie du Christ, image de Celui qui est l’image du Père.
La vie chrétienne est tellement plus belle que le seul respect de certaines règles. C’est une vie qui cherche à ressembler au Christ, pour qu’on puisse s’interroger en nous voyant : de quoi sont-ils donc porteurs, ces gens-là ? Comment se fait-il qu’ils ne jugent pas sur l’apparence, qu’ils ne se laissent pas influencer et qu’ils disent toujours la vérité même quand c’est au détriment de quelque avantage terrestre ? Quel mystère peut bien les habiter ?
C’est cela, être missionnaires : même si c’est difficile, et même si un tel comportement suscite chez beaucoup indifférence ou railleries, croyons que nous ferons ainsi de nouveaux disciples du Christ, par contagion : d’autres voudront ressembler à Celui dont nous cherchons à être une effigie toujours plus belle. Pour qu’on puisse, en nous voyant, rendre à Dieu ce qui est à Dieu… Qu’on puisse Lui rendre l’humanité entière ! Amen.